J'ai recensé cinq arguments dans les propos du rapporteur général pour convaincre nos collègues de ne pas voter cet amendement.
Premier argument, le cas d'espèce. On peut toujours trouver un cas d'espèce qui serait pénalisé mais, la loi étant de portée générale, je suggère qu'on ne légifère pas pour des cas d'espèce. Même si acheter des machines ou des bâtiments peut être une nécessité pour une entreprise, cela reste un cas d'espèce.
Deuxième argument, la convergence. Je suggère que le Parlement prenne, de temps en temps, l'initiative de cette convergence et qu'il n'attende pas, en tout cas sa majorité, le bon vouloir de l'exécutif – mais je laisse à chacun le droit de régler cela avec lui-même ou avec son groupe et je comprendrai la loyauté de la majorité à l'égard du Gouvernement qu'elle soutient.
Troisième argument, le taux de l'impôt sur les sociétés. C'est un argument qui peut paraître plus sérieux mais que je considère vraiment mal venu.
D'abord, parce que, même si le rapporteur général l'a corrigé dans un deuxième temps, le taux allemand de l'impôt sur les sociétés n'est évidemment pas de 15 %, puisqu'il faut ajouter les taux des États fédérés, mais plus souvent de 30 %, et non de 25 % comme l'a dit le rapporteur général.
Ensuite, parce que le taux d'impôt sur les sociétés acquitté par les entreprises allemandes est à comparer, non pas au taux facial qu'acquittent les grandes entreprises de notre pays, mais au taux réel, ce que l'on appelle le taux implicite. Car – et c'est un autre enseignement du rapport de Gilles Carrez sur l'application de la loi fiscale – les entreprises en question ne paient pas 33,33%, comme l'a dit le rapporteur général, ni même 30%, 25 % ou 20%. Le taux se situe entre 10 % et 15 %, aux alentours de 12 %. L'argument selon lequel le taux de l'impôt sur les sociétés serait trop élevé en France, ce qui justifierait toutes ces niches fiscales et ces dérogations, ne tient pas pour les entreprises visées, qui paient un taux implicite d'impôt sur les sociétés compris entre 10 et 15 % – je vous renvoie au rapport de Gilles Carrez sur l'application de la loi fiscale.
Les Allemands ont certes baissé leur taux d'impôt sur les sociétés, mais ne comparons pas les taux faciaux : comparons les taux effectifs et nous constaterons que, pour les entreprises concernées, ces taux non seulement ne sont pas supérieurs en France à ce qu'ils sont en Allemagne, mais leur sont plutôt inférieurs. Cet argument ne me paraît donc pas recevable.
Quatrième argument : l'emprunt devrait être observé au regard de la nature des investissements qu'il finance. Je ne crois pas que ce soit une bonne piste, monsieur le rapporteur général, car s'il faut un accord de l'administration, de deux choses l'une : soit cet accord est délivré a priori, et c'est paralysant, soit il l'est a posteriori, et c'est inquiétant. A priori, c'est paralysant parce qu'on attend un accord de l'administration qui, en dépit de la diligence du pouvoir politique, va toujours tarder, l'administration n'ayant pas le même temps de réactivité qu'un chef d'entreprise. A posteriori, c'est le contraire de la sécurité juridique à laquelle les chefs d'entreprise aspirent : imaginez un chef d'entreprise qui croit pouvoir bénéficier de cette déductibilité et à qui on apprend, une fois qu'il a lancé l'opération, qu'en définitive ce ne sera pas le cas. Donc, je ne crois pas qu'on puisse envisager de contrôle, ni a priori ni a posteriori.
Le cinquième argument concerne le nombre d'entreprises allemandes qui bénéficieraient de la déductibilité illimitée. Sur ce point, la situation semble vraiment évoluer très vite, car le chiffre que vous avez indiqué, madame la ministre – à savoir 500 entreprises – est très inférieur à celui dont j'ai eu connaissance la semaine dernière, et qui émanait de votre administration. Manifestement, les Allemands sont très réactifs. Peut-être avaient-ils eu connaissance de cet amendement…