Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous commençons aujourd'hui le marathon budgétaire dans un contexte extrêmement inquiétant.
Si la majorité vante un budget « soigneusement dosé », dans son exercice favori d'autosatisfaction qui dénote a minima un grave aveuglement, le risque est réel de voir replonger notre pays dans la récession.
Les grandes lignes des mesures que nous allons examiner sont connues depuis le plan d'austérité annoncé par François Fillon le 24 août. Nous avons déjà eu à en débattre dans un collectif budgétaire en septembre.
Depuis, les recommandations de la directrice du FMI, Mme Lagarde, invitant les pays européens à « ajuster leurs programmes d'austérité compte tenu d'une situation modifiée et à envisager des mesures pour alimenter la croissance » n'ont toujours pas été entendues par le Gouvernement.
L'INSEE anticipe une croissance nulle au quatrième trimestre, ce qui ne permet pas d'envisager pour 2012 un scénario de croissance aussi optimiste que celui retenu par le Gouvernement. À mesure que la crise de la dette souveraine s'enlise et que les solutions politiques pour l'enrayer se font attendre, les économistes sont de plus en plus pessimistes et abaissent leurs perspectives de croissance pour la France en 2012 : 1,7 % en août, 1,2 % en septembre, 0,9 % en octobre.
D'après le dernier Consensus Forecasts, publication qui recense les prévisions d'une vingtaine de conjoncturistes, la croissance du PIB ne devrait donc pas dépasser, en moyenne, la barre de 1 % l'an prochain. Le ministre de l'économie et des finances a d'ailleurs fini par reconnaître que la prévision officielle de croissance de la France pour 2012 était « probablement trop élevée »… Doux euphémisme ! Ce budget est donc construit sur des prévisions irréalistes, et, conséquence directe, la note souveraine de la France jugée pour le moment « stable » a été placée lundi sous surveillance par l'agence Moody's.
La rigueur menace la croissance ; la grogne sociale s'amplifie ; les égoïsmes nationaux s'expriment avec toujours plus de force au sein de l'Union européenne ; les acteurs financiers semblent toujours aussi fragiles. Les leçons de la crise n'ont de toute évidence pas été tirées.
Nous attendons toujours des réformes structurelles fortes, et l'impuissance chronique du couple franco-allemand pour en prendre l'initiative est manifeste. Ainsi, si la volonté de réguler la finance a été clairement exprimée, et de façon répétée, aucune proposition concrète ne s'est traduite dans les faits.
Or nous ne pouvons pas rester dans une situation qui nous condamnerait à être de nouveau pris de court lors de la prochaine crise, faute d'avoir préparé une réponse.
Pour sortir durablement l'Europe de la crise, résoudre la question de l'endettement public sans casser la croissance et relancer l'investissement privé, la volonté politique est essentielle, et elle fait pour le moment défaut. La réponse appropriée doit mêler mesures de court terme et de long terme. L'émission d'eurobonds, la séparation des activités spéculatives et des activités de dépôts et d'investissement, l'encadrement strict des marchés de produits dérivés et de la titrisation, l'interdiction des ventes à découvert à nu, la relance salariale, une réforme fiscale ou encore une véritable politique de soutien à l'investissement sont autant de propositions qui doivent pouvoir se concrétiser rapidement au niveau européen.
Les énormes déficits publics ajoutent en effet aux difficultés à venir qui menacent la croissance. Seule une perspective de long terme permet d'envisager des voies de sortie.
Quel est le discours de cette majorité face à ces défis à relever ? La réponse est un peu courte, et le débat budgétaire tronqué. Ce projet de loi de finance est un texte d'attente qui renvoie à plus tard les choix difficiles.
Agir sur les dépenses publiques ne peut constituer le seul horizon de politique économique.
Seule une croissance de l'économie peut atténuer la part relative d'une dette dont le volume ne va probablement évoluer que de manière lente et extrêmement progressive. La situation est d'autant plus grave que l'État doit faire face à une hausse du chômage, à une demande sociale toujours plus forte et à des coûts environnementaux toujours plus conséquents. La baisse des crédits de la mission « Travail et emploi » d'environ 10 % relève à cet égard d'un coupable aveuglement.
Vos annonces ne portent pas en elles une croissance de long terme, mais relèvent d'un colmatage masquant avec peine les choix politiques irresponsables de ces dernières années et renvoyant le poids de vos errements aux générations futures. Le Gouvernement se focalise trop sur le déficit financier sans se préoccuper de l'emploi, de la compétitivité et de la transition environnementale que nous devons opérer.
Nous allons à nouveau vous proposer au cours de ces débats des mesures qui permettront d'engager dès aujourd'hui le redressement des comptes publics, le tout sans risque excessif pour la croissance. Ce sont des mesures qui consistent à maîtriser les dépenses, mais également à revenir sur la politique fiscale des dix dernières années, plus nettement que le gouvernement actuel n'a commencé à le faire.
Tout semble dépendre de votre capacité à tirer les leçons de vos échecs passés et de vos choix hasardeux et, au lieu d'attaquer le candidat socialiste, à prendre vos responsabilités face à la situation de notre pays. Sinon, c'est dans les urnes que vous serez sanctionnés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)