Madame la ministre, mes chers collègues, on trouve plusieurs novations en matière de recettes dans la loi de finances rectificative et le projet de loi de finances : la taxation cosmétique exceptionnelle et transitoire des hauts revenus ; une taxe sur les mutuelles – non cosmétique celle-là, puisqu'elle entraînera de 4 % à 5 % d'augmentation des cotisations des complémentaires maladie pour les assurés ; cette taxation enfin sur les boissons sucrées – une fiscalité orientée vers la santé publique.
Au départ, cette taxe avait été présentée comme devant ressortir du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Elle a été « ripée » vers la seconde partie du projet de loi de finances – pour des raisons purement techniques, j'imagine, mais néanmoins lourdes de sens et de conséquences.
En effet, les évaluations préalables des articles du projet de loi persistent à présenter cette taxation, fût-elle reportée sur des droits d'accise, comme une mesure de santé publique visant à orienter « les consommateurs vers des boissons constitutives d'une alimentation équilibrée et dégager des ressources pour l'assurance maladie. »
Il s'agit donc, jusque dans le projet de loi de finances, de dégager des ressources pour l'assurance maladie. Cette mesure s'inscrit, nous dites-vous, dans le cadre de la mobilisation du Gouvernement destinée à répondre à l'enjeu de santé publique : la promotion d'une alimentation équilibrée. Elle crée un avantage comparatif au profit de boissons indispensables à l'alimentation humaine et vient compléter des actions déjà entreprises dans le cadre de la troisième version du programme national « nutrition santé » qui avait été présenté en juillet 2011 en conseil des ministres.
Cependant, madame la ministre, il semble que votre majorité considère cette taxe comme autre chose qu'une mesure de santé publique : en élargissant son assiette pour doubler son rendement – avec très certainement l'intention louable : améliorer la compétitivité de notre industrie agroalimentaire –, elle la transforme de fait en une mesure économique.
Cette taxe crée un problème : alors qu'elle était limitée aux seules boissons sucrées, votre majorité en commission des finances a souhaité l'étendre aux boissons non sucrées contenant des édulcorants, c'est-à-dire des substituts qui ont le goût du sucre mais qui n'en sont pas. Ce qui n'est pas sans poser d'autres problèmes – je parle sous le contrôle de votre conseiller qui reste néanmoins attentif aux problèmes de santé publique : parmi ces édulcorants on trouve l'aspartame, mis sous surveillance par nos agences de sécurité alimentaire.
Comment ce débat va-t-il se dénouer ? Il viendra dans la suite de l'examen de votre projet de loi de finances, mais toujours est-il que cette taxe apparaît comme une recette de poche, comme autre chose qu'une mesure de santé publique, ce que je regrette.
Au départ, quand cette mesure avait été annoncée dans la presse, j'avais cru comprendre qu'il s'agissait de passer d'une TVA à taux réduit à une TVA à taux normal, ce qui en aurait fait une mesure réellement dissuasive, qui aurait conduit à une augmentation de près de 10 % du prix de la canette. Or il ne s'agit pas de cela : elle n'aura pratiquement pas d'incidence en termes de dissuasion – un centime par canette – et l'on ne saurait en attendre un report vers des boissons sans sucres ou étiquetées « zéro calorie », au demeurant plus chères.
Madame la ministre, je voudrais vous faire une proposition qui ne coûterait rien au budget et qui serait efficace en matière de santé publique, au moins pour une portion importante de la population française : les habitants d'outre-mer.
La semaine dernière, le groupe socialiste a présenté une proposition de loi interdisant toute différence de composition en sucre entre les produits laitiers et les boissons selon qu'ils sont vendus en métropole et outre-mer. Il faut savoir que les produits vendus outre-mer sont beaucoup plus riches en sucre alors qu'ils sont de même marque et de présentation identique, ce qui contribue à entretenir l'obésité dans les territoires ultramarins. La Guadeloupe compte 9 % d'enfants obèses – je ne parle pas de surpoids – qui deviendront donc, dans leur grande majorité, des adultes obèses. Pire encore : en Polynésie française, près de 18 % des enfants sont obèses.
Puisque votre intention affichée, madame la ministre, est de contribuer à lutter contre l'obésité, je vous propose une mesure gratuite pour le budget mais qui aurait une grande efficience dans ce domaine pour une fraction importante et valeureuse de notre population française.