Les chefs d'État s'étaient engagés, en 2008, à moraliser le capitalisme : non seulement rien n'a été véritablement entrepris pour réguler les marchés et éviter la survenue d'une nouvelle crise, mais surtout, vouloir moraliser le capitalisme est un leurre, une mission impossible, car on ne moralise pas un système dans lequel l'homme est un moyen et non une fin. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe GDR.)
La crise prend aujourd'hui la forme d'une spéculation sur les dettes souveraines des États, une crise qui n'aurait pu surgir si les pays européens s'étaient dotés d'outils adéquats pour mettre un terme à la spéculation et à cette libre circulation des capitaux inscrite dans le traité de Lisbonne ; une crise qui n'aurait pu prospérer sans la progression spectaculaire de l'endettement dans la dernière décennie.
Vous voulez nous faire croire que cette dette s'est accumulée car nous aurions vécu au-dessus de nos moyens. C'est ainsi, en tout cas, que vous tentez de justifier vos politiques de restriction budgétaire. La réalité est tout autre. L'endettement public tient, en effet, à deux facteurs essentiels.
Le premier est l'obligation faite, depuis trente ans, aux États d'emprunter sur les marchés financiers, et non aux banques centrales, à des taux parfois supérieurs à leur propre taux de croissance, une obligation confirmée par les traités de Maastricht et de Lisbonne, qui ont interdit aux États de se financer directement auprès de la Banque centrale européenne. L'obligation de se financer sur les marchés financiers a aggravé, dans des proportions aujourd'hui insoutenables, la charge de la dette publique. On mesure par là même les dégâts occasionnés par cette Europe du tout marché et du tout financier.
Le second facteur d'endettement a été, bien évidemment, la baisse considérable du montant des recettes fiscales, une baisse orchestrée politiquement à l'échelle européenne. La politique de coordination par la concurrence, qui fut le fil conducteur de la mise en oeuvre de la stratégie de Lisbonne, a incité les gouvernements nationaux des États membres à privilégier la concurrence sur la coopération.