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Intervention de Jérôme Cahuzac

Réunion du 18 octobre 2011 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2012 — Rappel au règlement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Cahuzac, président de la commission des finances :

C'est la première fois que notre pays bénéficie de cette redoutable attention de la part d'une des trois principales agences de notation, qui a indiqué que la dette de notre pays, ainsi que notre politique budgétaire et fiscale, seraient désormais sous surveillance.

Au-delà des recettes marginales et des économies dans la dépense bien difficiles à dégager – il a fallu près d'un mois de négociations pour dégager un milliard d'euros –, il sera difficile, cinq à six fois plus difficile, malgré l'enthousiasme dont fait montre notre rapporteur général, de trouver cinq à six milliards d'euros supplémentaires, et je doute, cher Gilles Carrez, que même votre vaillance, votre honnêteté et votre connaissance du sujet y suffisent.

Les agences de notation ont bien compris que non seulement la croissance ne serait pas de 1,75 % l'an prochain mais qu'elle était de surcroît en train de s'affaisser. Si elle s'affaisse, c'est que ses trois composantes s'affaissent.

La croissance économique de notre pays repose avant tout sur la consommation des ménages. Celle-ci n'a progressé que de 0,7 % ces douze derniers mois, ce qui est extrêmement faible. Cela s'explique facilement par l'augmentation du chômage – passé de 8,3 % au sens du BIT en 2001, à 9,6 % à la fin du deuxième trimestre, puis à 9,9 % à la fin du mois d'août –, alors que le Président de la République nous avait promis lors d'une intervention télévisée début 2010 qu'il allait baisser. Non, le chômage n'a pas baissé ; le chômage a augmenté et continue d'augmenter. Et il est rare dans de telles conditions que la consommation des ménages soutienne la croissance. Ne comptons donc pas trop, dans les mois qui viennent, sur la croissance de la consommation des ménages – je le déplore, mais la lucidité le commande.

La deuxième composante de la croissance économique est l'investissement. Il était jusqu'à présent satisfaisant, en progression de 4,5 % ces douze derniers mois. Si vous lisez cependant la note de conjoncture de l'INSEE, vous constaterez que l'Institut prévoit un affaissement de l'investissement, ce qui s'explique aisément : le taux de marge des entreprises étant de 29 % – je parle des entreprises non financières, car les autres, secourues à l'occasion par l'État, vont plutôt bien. C'est un taux historiquement bas. Depuis dix ans que vous êtes aux affaires, il aurait fallu restaurer la compétitivité des entreprises, restaurer leurs marges et favoriser l'investissement pour créer de l'emploi.

Avec 29 %, le taux de marge de nos entreprises n'avait jamais atteint un niveau aussi bas. Ce chiffre est évidemment connu. Dès lors, comment pouvez-vous imaginer que celles et ceux qui surveillent la France, sa dette et ses politiques, n'en déduisent pas, eux aussi, que les entreprises, avec un tel taux de marge, n'ont plus les moyens d'investir comme il se devrait. Elles en ont d'autant moins les moyens que, nous le savons aussi, s'il n'y a pas de restriction massive du crédit, il s'est tout de même réduit. Or, en France, malheureusement, c'est principalement en s'endettant auprès des établissements bancaires et financiers que les entreprises peuvent investir. Un grand journal économique a fait le calcul : l'investissement des entreprises représente 10 % du produit intérieur brut de notre pays. 30 % de cet investissement sont financés exclusivement par le crédit. Pour 3 %, la croissance de notre pays tient donc à l'investissement des entreprises financé intégralement par le crédit.

Naturellement, tout le crédit, ni même la moitié, ne se retirera pas – je ne le souhaite pas en tout cas – et je ne prétends pas que nous aurons trois points de croissance en moins, ni même 1,5 point. En revanche, qui peut croire que, les entreprises n'ayant plus les moyens d'investir au regard de leur taux de marge et le secteur bancaire se retirant faute de liquidités pour prêter, l'investissement des entreprises pourrait reprendre ou, à tout le moins, se maintenir au niveau qui fut le sien ?

Sachant par ailleurs que les ménages n'investissent pas davantage car ils préfèrent épargner – je vous renvoie à la même note qui indique que le taux d'épargne a encore progressé dans notre pays –, la deuxième composante de la croissance économique manque à son tour.

Reste le commerce extérieur, mais son déficit atteindra cette année les 75 milliards d'euros, ce qui ne s'est jamais vu.

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