J'attends que vous nous disiez, à l'occasion de ce débat, si cette perspective est la vôtre, madame la ministre, monsieur le ministre, ou bien si vous l'écartez, estimant que l'année prochaine, ce n'est peut-être pas le moment de geler les salaires et les pensions tant il est vrai que la croissance de la consommation des ménages est la contrepartie pour près de 60 % de la croissance économique de notre pays. Nous savons tous que si, par convention, ce budget est bâti sur une croissance de 1,75 % l'année prochaine, qui croit sincèrement que telle sera la croissance du pays en 2012 ? Personne, pas même les ministres qui, pourtant, nous présentent un budget fondé sur cette hypothèse.
Le débat que vous appelez de vos voeux, tout comme nous, ayons-le loyalement. Ne faisons pas semblant de croire que les projets des uns et des autres sont nécessairement les projets des candidats que nous soutiendrons. Sachons voir ce que peuvent être les propositions qui seront retenues. Après tout, monsieur le ministre, vous avez raison, si nous ne débattons pas dans cette enceinte, au sein de l'Assemblée nationale, alors, il n'y a pas de débat politique digne de ce nom dans ce pays. Pour ma part, ce débat ne m'a jamais fait peur. Je l'ai même souvent appelé de mes voeux, tentant, modestement, d'en prendre ma part. (Sourires sur les bancs du Gouvernement.)
Sur ce budget qui comporte, me semble-t-il, trois mesures – certes davantage d'articles, mais pour l'essentiel trois mesures –, on peut dire quelques mots.
La première mesure dont je parlerai le plus brièvement –aucun des trois orateurs précédents n'ayant jugé bon de l'évoquer – concerne la péréquation horizontale au sein du bloc communal et intercommunal. L'enjeu n'est pas mince. Pour reprendre la formule du rapporteur général du budget, je dirai que le moment est plutôt historique car tous les élus locaux attendaient la création d'une péréquation horizontale digne de ce nom. Il est vrai qu'une loi de finances précédente a prévu qu'un fonds de péréquation d'un milliard d'euros soit créé. Il est vrai que cette loi de finances commence à l'abonder à hauteur de 250 millions d'euros. En conséquence, en quatre ans, si les choses continuent à ce rythme, ce fonds sera créé. Peut-être peut-on juger plus contestable la façon de déterminer quelles seront les communes éligibles au versement et celles éligibles à la subvention et à l'abondement au titre de la péréquation. L'on sait – les travaux en commission des finances ont été à cet égard très instructifs grâce au directeur général des collectivités locales qui a répondu à toutes les questions de la façon la plus transparente et loyale qui soit – que la solution que vous nous présentez dans ce projet de budget peut comporter des risques d'incompréhension et que le clivage pourrait ne pas être entre la gauche et la droite de cet hémicycle, mais peut-être davantage entre les élus et les responsables de collectivités de cinquante, soixante, cent mille habitants ou davantage et les responsables de collectivités moins peuplées. La stratification retenue dans ce projet de budget, en définissant un potentiel financier moyen agrégé, risque de rendre éligible au versement des communes appartenant aux deux ou trois premières strates, alors même qu'elles sont moins riches que des communes de strate supérieure. Vous aurez à vous en expliquer avec l'ensemble de la représentation nationale, tant il est vrai qu'en principe la péréquation est faite pour que les territoires plus riches aident ceux qui le sont moins. Or une telle péréquation risque d'opérer une redistribution à rebours, c'est-à-dire des communes peut-être les moins aisées vers celles qui le sont davantage.
L'examen de cet article sera, j'en suis sûr, l'occasion pour les élus locaux d'exprimer leur position, et je répète que le clivage risque de se faire pour l'essentiel selon le niveau de population des territoires qu'ils représentent.
Deuxième mesure notable dans ce budget : la taxe sur les boissons sucrées. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Au moment où la croissance faiblit, où la crise européenne connaît une réplique d'une vigueur préoccupante, au moment où l'on parle de recapitaliser les banques, selon des modalités dont la représentation nationale n'est pas saisie, le Gouvernement décide l'instauration d'une taxe sur les boissons sucrées, car cet objectif de santé publique est soudain devenu prioritaire à ses yeux. À entendre les ministres présenter leur budget devant la commission, telle est en effet la raison qui a conduit à créer cette taxe, même si, par la suite, aucun des parlementaires de la majorité n'a plus invoqué ce motif mais plutôt la nécessité de trouver une assiette et un taux permettant de dégager des ressources afin d'améliorer la compétitivité de notre filière agroalimentaire.
Je peux entendre cet argument, mais alors choisissons : soit il s'agit d'une taxe dictée par un objectif de santé publique ; soit il s'agit d'un prélèvement – dont le produit, à défaut d'être affecté dans le projet de budget, l'est déjà dans les cerveaux des ministères – destiné à améliorer la compétitivité d'un secteur qui en a bien besoin, puisque sous votre majorité la France, qui était le premier exportateur européen dans le domaine agroalimentaire, a été dépassé d'abord par l'Allemagne – nous en avons l'habitude –, puis par les Pays-Bas – ce qui est sans doute plus vexant…