L'article 88 est important et attendu.
Actuellement, comme chacun le sait, le code des marchés publics fixe à 4 000 euros hors taxes le seuil en deçà duquel la mise en concurrence et la publicité préalable ne sont pas nécessaires. Ce seuil est beaucoup trop bas ; il aboutit à empêcher des acheteurs publics, pour des montants qui restent modestes, d'effectuer des achats en bon père de famille, avec un bon rapport qualité-prix.
Ce seuil est par ailleurs l'un des plus bas pratiqués en Europe, comme le démontre une récente étude de l'OCDE. Ainsi, il est de 40 000 euros – 60 000 pour certains types de marchés – en Autriche, de 15 000 euros pour les fournitures de services – 100 000 euros pour les travaux – en Finlande, de 26 700 euros pour les fournitures de services – 50 000 euros pour les travaux, voire 300 000 euros pour certains types de travaux – en Hongrie, de 20 000 euros pour les fournitures de services – 40 000 euros pour les travaux – en Italie, de 14 000 euros en Pologne et de 15 000 euros en Roumanie. La liste n'est pas exhaustive, mais je tiens à y ajouter la Commission européenne elle-même, qui applique, pour ses propres marchés, un seuil de 10 000 euros. Il n'y a donc aucune raison que notre pays conserve le seuil de 4 000 euros. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité vous proposer l'article 88.
Mes chers collègues, le fait que le législateur intervienne en matière de marchés publics n'est pas courant. On sait que le Conseil d'État a jugé à deux reprises qu'en vertu d'une délégation législative, en 1938 et en 1957, le pouvoir réglementaire était compétent pour arrêter les règles applicables aux marchés publics. Le code des marchés publics est, comme chacun le sait, issu d'un décret. Or, nous constatons un blocage. Le pouvoir réglementaire s'est en effet trouvé confronté à la jurisprudence du Conseil d'État, qui, en 2010, dans l'arrêt Perez, a jugé que le Gouvernement ne pouvait, par son pouvoir réglementaire, fixer à 20 000 euros le seuil au-delà duquel les marchés publics doivent faire l'objet d'une procédure de publicité et de mise en concurrence préalable.
Le pouvoir réglementaire se trouve donc dans l'impasse. Il a tenté d'en sortir cet été par un décret du 25 août 2011, mais, craignant de subir à nouveau une annulation en contentieux par le Conseil d'État, il n'a pas pu mettre en place un mécanisme satisfaisant et à même de résoudre les difficultés que j'ai précédemment décrites. Il me semble donc indispensable que le législateur intervienne pour sortir de l'impasse. C'est ce que je vous propose de faire, avec un avis favorable de l'assemblée générale du Conseil d'État.
À ce sujet, je voudrais préciser un point extrêmement important. Par cette intervention du législateur, je ne vous propose nullement de revenir sur l'habilitation dont bénéficie le pouvoir réglementaire depuis 1938 et 1957. Je souhaite que ce point soit clairement établi, et je pense que chacun, ici, en conviendra. Je vous propose d'intervenir, ici, au nom d'un pouvoir que l'on peut qualifier de pouvoir d'évocation, au sens traditionnel de cette notion, c'est-à-dire une intervention ponctuelle permettant de surmonter une difficulté précise et dont l'objet n'est pas de remettre en cause, même implicitement, le régime juridique du code des marchés publics et son équilibre. Si, un jour, le Parlement souhaite reprendre pleinement sa compétence en ce domaine, ce qu'il pourra faire, il lui appartiendra alors de le faire clairement et explicitement, par exemple en proposant la création d'un code de la commande publique. Ce n'est nullement la question aujourd'hui.