Monsieur le ministre, je n'avais évoqué la décision du Conseil constitutionnel que pour rappeler qu'il n'y a pas aujourd'hui d'obligation de motivation des décisions des cours d'assises.
Mais, dès lors que l'on décide d'introduire cette motivation – et, je le répète, nous y sommes favorables –, encore faut-il choisir selon quelles modalités on le fait. Mes collègues ont démontré qu'il existe un certain paradoxe, dans un projet de loi destiné à favoriser la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale, à introduire la motivation des arrêts des cours d'assises, donc à déposséder en quelque sorte les jurés du pouvoir de rédaction, pour le confier à un juge professionnel.
Nous pensons qu'il existe un autre mode de motivation. Il s'agirait d'élaborer, tout au long de l'audience, une liste de questions portant sur des éléments de fait comme de droit. Ces questions, validées par le jury, seront assorties de réponses qui servent de fondement au verdict et permettent de comprendre sur quels éléments repose la décision des jurés, en retraçant les étapes par lesquelles ils sont passés pour se forger leur intime conviction – que nous ne voulons pas, bien évidemment, remettre en cause.
Comme le souligne le Syndicat de la magistrature, cette manière de faire conduirait à structurer rationnellement les débats, sous le contrôle des parties, en écartant les inconvénients liés au travail de rédaction, qu'il s'agisse de l'alourdissement déraisonnable du délibéré, de la difficile prise en compte des opinions des jurés ou de la dépossession symbolique et réelle de la parole du jury.
La solution que nous proposons a parfois été retenue par certaines cours d'assises, celle de Douai par exemple, qui est, vous en conviendrez, monsieur le ministre, une excellente cour d'assises,…