N'oublions pas que les « promoteurs » de l'idée qui a donné lieu à l'amendement adopté par la commission des lois partaient de la conception, apparemment simple et objectivement acceptable, selon laquelle, quand un procureur a requis et n'est pas suivi par la cour d'assises, il doit faire appel. Les auteurs de l'amendement sont allés au-delà du souhait des personnes qui nous ont tous sollicités, en en faisant une mesure générale s'appliquant à toutes les parties civiles. Ces dernières n'étant pas toujours des représentantes objectives des victimes, elles prendront un malin plaisir à faire systématiquement appel de toutes les décisions d'acquittement. C'est le risque que nous courons si nous n'adoptons pas l'amendement du Gouvernement, d'autant qu'un autre amendement a été déposé afin d'étendre la mesure aux tribunaux correctionnels pour toutes les décisions de relaxe.
Cela étant, il est de la responsabilité du Gouvernement de faire des propositions. Puisqu'il va être demandé aux cours d'assises de motiver leurs décisions, ne peut-on obtenir des procureurs qu'ils donnent les raisons pour lesquelles ils ne souhaitent pas faire appel d'une décision d'acquittement de la cour d'assises. La voie à suivre me semble être celle-là. Il faut que la victime soit éclairée sur la manière dont l'action publique a été enclenchée et sur les raisons pour lesquelles elle n'a pas été poursuivie.
Pour revenir aux propos, que je respecte totalement, de Marc Le Fur, je précise que faire appel, c'est demander et, par voie de conséquence, obtenir qu'un nouveau procès ait lieu, c'est-à-dire que l'ensemble de l'affaire soit reprise. En d'autres termes, la victime se substituerait au parquet.
Lors de l'examen de cette question en commission, M. le ministre a soulevé un problème important. Si la victime fait appel et que le procureur, qui n'a pas fait appel, ne requiert pas, qui va requérir ? La victime ? Au nom de quoi ? Au nom du ministère public auquel elle va se substituer ? Ce serait une véritable révolution, qui bouleverserait l'équilibre de notre droit pénal.
Le droit civil, ce sont deux personnes qui s'affrontent à propos d'un différend. Le droit pénal, c'est une personne mise en cause par la société, parce que celle-ci a décidé qu'entre citoyens organisés, modernes et civilisés, il n'y a pas de vengeance.
C'est la raison pour laquelle, malgré tout le respect que je porte à nos collègues qui ont fait voter cette disposition en commission des lois, je demande que l'amendement du Gouvernement soit adopté. Il y va, je le crois profondément, de l'intérêt des victimes. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)