L'acquittement exprime l'incertitude du jury souverain quant à la culpabilité de la personne mise en cause, ou sa certitude que cet accusé n'est pas coupable. Prendre le parti de la victime pour dire que l'acquittement de l'accusé est un déni de justice me semble grave et dangereux. C'est un mauvais point de départ.
Il faut tout se dire. D'où vient le sujet ? D'une pression exercée sur un grand nombre d'entre nous par une association très respectable qui s'est donnée comme objectif de réfléchir à un meilleur équilibre de notre justice pénale et à une meilleure considération de la victime.
Comme un certain nombre d'entre nous, j'ai beaucoup travaillé et réfléchi avec cette association et je pensais lui avoir fait comprendre qu'il n'était pas possible d'accepter le formidable retour en arrière que constituerait le passage de la justice à la vengeance auquel sa demande conduirait et auquel revient l'amendement adopté en commission et qu'il nous est proposé maintenant de supprimer.
On veut faire un parallèle entre l'avant-procès et le procès lui-même.
Avant le procès, il est tout à fait légitime que la victime fasse savoir qu'elle est victime et demande l'ouverture d'un procès. Personne ne le conteste et beaucoup de voies de droit lui sont ouvertes. Elle peut porter plainte. Si le parquet ne donne pas suite, elle peut porter plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction aux fins d'ouverture d'une instruction – ce qui n'oblige nullement le juge d'instruction à poursuivre au point de traîner devant la cour d'assises la personne mise en cause. Donc, avant le procès, la victime peut faire valoir son droit à ce qu'une action publique soit engagée.
À partir du moment où le procès a lieu, nous entrons dans le cadre du droit pénal : la société prend la place, au nom de l'action publique, de la victime et fait valoir les droits de celle-ci dans un ordre social qu'il faut assumer et assurer en permanence.
Faire croire, par une empathie qui peut être coupable, à la victime qui jugerait l'action publique défaillante qu'elle peut se substituer à elle est probablement dangereux. En tout cas, ce serait non pas « évolutionnaire », mais révolutionnaire, au point que cette question mérite qu'on y consacre plus de temps qu'une simple discussion au détour d'un amendement, d'ailleurs détourné de l'objet même du projet de loi.
Je précise qu'il n'y a aucun doute dans mon esprit à ce sujet.