Trois arguments plaident en faveur de l'amendement de suppression du Gouvernement.
Le premier a déjà été développé : le procès n'est pas un face-à-face entre l'accusé et la victime, mais un rituel au cours duquel la société essaie de réparer la blessure au corps social que représente le crime. Le principal acteur du procès est le procureur ; la victime est une partie associée au procureur. Je ne crois pas qu'il faille toucher à cet équilibre, quand bien même il faut réserver sa place à la victime, sachant que cette dernière ne peut pas devenir l'accusateur principal.
Deuxième argument : nous sommes en train de parler de choses très ténues statistiquement parlant. Les cours d'assises rendent quelque 2 500 arrêts par an, et le nombre d'acquittements oscille entre 100 et 150. La plupart de ces acquittements font l'objet d'un appel de la part du parquet, c'est-à-dire que nous sommes en présence d'une catégorie statistique tout à fait minime. Cela ne signifie pas que nous ne devons pas nous y intéresser, mais ce sont des cas rarissimes.
Troisième argument : nous sommes dans une situation très particulière. Si le parquet a décidé de poursuivre devant la cour d'assises, avec toute la lourdeur et le coût que cela représente, cela veut dire qu'il croit à son dossier. S'il décide de ne pas faire appel à l'issue des débats, c'est qu'un événement s'est produit à l'audience, indiquant que l'accusation ne pourrait aboutir à une condamnation. À tort ou à raison.
Dans certains cas, la croyance en la culpabilité de l'accusé ne peut être objectivée par aucun élément matériel. Quand bien même tout le monde pense que la cour a affaire à quelqu'un qui doit être impliqué dans le dossier, aucun élément ne permet d'asseoir sa culpabilité.
Dans ce cas-là, il faut protéger la victime et ne pas la laisser nourrir l'espoir que, toute seule, elle arrivera à obtenir une condamnation en appel. C'est d'autant plus important qu'elle peut être conseillée de façon un peu maladroite par un avocat peu habitué aux cours d'assises, car ces procédures sont rares : 2 500 arrêts par an. Si le conseil n'est pas un habitué des cours d'assises, avec la charge émotionnelle que représente le fait d'être confronté au crime, à la douleur de la victime, à la stupeur de l'accusé, il peut y avoir un emballement émotionnel conduisant à un acharnement procédurier qui va coûter beaucoup à la victime en frais et en espoirs déçus. Il est sage de protéger aussi la victime de son propre emballement.
En conséquence, j'estime qu'il faut voter cet amendement.