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Intervention de François Drouin

Réunion du 8 juin 2011 à 10h15
Commission des affaires économiques

François Drouin, président de l'établissement public Oséo :

Le principe de « Bâle III » consiste à demander aux banques d'augmenter la part de leurs fonds propres, ce qui revient à en élever le ratio par rapport au montant des crédits pouvant être accordés. Les banques doivent donc, ou bien être plus riches pour prêter autant, ou bien prêter moins avec le même niveau de richesse, ce qui devrait conduire à un système bancaire plus sûr car prenant moins de risques en distribuant des crédits.

Les banques françaises ont toujours été très raisonnables et ne sont pas responsables de la crise. Aucune n'a d'ailleurs utilisé la garantie que lui accordait l'État. Certaines banques anglaises ont en revanche manqué de rigueur et la crise est venue des banques américaines, qui ne respectent même pas « Bâle II ». Même si elles risquent de ne guère en tenir compte, l'idée est donc de leur administrer un remède intellectuellement sain, des banques plus solides devant empêcher le système de s'effondrer.

Une fois le principe ainsi posé, le reste est affaire de dosage. Ne risque-t-on pas d'aller trop loin en élevant excessivement le ratio ? S'il atteignait 100, les banques ne pourraient prêter que l'argent dont elles disposent directement, ce qui est le contraire de l'idée même de banque. Je précise qu'Oséo aussi sera soumis au ratio fixé par « Bâle III ».

Le pire semble avoir été évité et la solution à venir devrait être gérable. Il n'empêche que l'attribution de crédits sera plus contrainte que par le passé. Oséo sera donc davantage sollicité. Avant la crise, on voyait mal pourquoi certaines grandes enseignes bancaires demandaient une garantie à Oséo, dont les fonds propres sont soixante fois inférieurs aux leurs. Cela tient d'abord à notre expertise, ensuite au gain qu'elles peuvent ainsi réaliser sur leur ratio, enfin au fait qu'Oséo est un établissement public de place neutre, qui ne revendique aucun flux d'entreprise, à la différence d'un partenaire bancaire ordinaire.

Le système de garantie d'Oséo, issu de la SOFARIS, a fait ses preuves. Il porte ainsi 11 milliards d'euros de risques, tous logés dans les banques dont nous allégeons ainsi à due concurrence le ratio « Bâle III ». Il est évident que cet aspect va jouer de plus en plus.

La discussion en vue de la finalisation de « Bâle III » sera très technique et complexe, notamment pour la fixation des paramètres de pondération. Mais les banques sont aujourd'hui moins inquiètes qu'au début du processus.

Oséo ne se situe pas dans le coeur du dispositif mais sera soumis au même régime, ce qui nécessitera de renforcer ses fonds propres, en 2013 ou 2014 – comme nous l'avons déjà fait dans le cadre des Investissements d'avenir – si nous ne voulons pas freiner sa capacité à jouer pleinement son rôle d'établissement de place et à prendre les risques correspondants.

Face à une crise de liquidité plus que de solvabilité, du moins pour les banques européennes, renforcer les fonds propres était selon moi une fausse piste et je me réjouis donc que l'on ait abandonné l'idée d'un ratio de liquidités.

La fusion des différentes entités d'Oséo apparaissait absolument nécessaire pour remédier à une grande complexité sur le terrain mais elle devait obligatoirement passer par la voie législative. Aussi, mon prédécesseur a eu l'intelligence de procéder à un regroupement de facto, bien avant que la fusion n'intervienne officiellement, le 31 décembre dernier. Si nous en avons donc déjà tiré la simplification et les économies escomptées, nous n'en ressentirons les pleins effets que d'ici deux ans, lorsque nous aurons fusionné également l'ensemble des systèmes comptables et informatiques, pour une économie estimée à 2,5 millions d'euros par an.

Les Investissements d'avenir sont pour nous une ressource précieuse, de 2,5 milliards d'euros au total, qui nous permettra au premier chef de renforcer nos fonds propres pour faire face au développement de nos activités. Les contrats de développement participatif (CDP) ont bénéficié de crédits à hauteur d'un milliard d'euros, qui sont quasiment consommés. Les prêts verts sont destinés à « verdir » notre outil de production en favorisant les économies d'énergie et la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Consacré uniquement à l'industrie, ce dispositif a eu un peu de mal à démarrer, mais la bonification de 200 points de base est attractive et je pense que nous atteindrons en 2011 l'objectif de 100 millions d'euros de prêts, sur une dotation globale de 300 millions sur trois ans. Dans le cadre du Grand emprunt, des mesures concernent également les projets stratégiques des pôles de compétitivité et les projets filières industrielles. Au total, nous dressons un bilan extrêmement positif du programme des investissements d'avenir.

Je n'ai pas en tête la plus grosse opération que nous ayons conduite. En matière de crédit les plus importantes – de 30 à 40 millions d'euros – interviennent le plus souvent dans l'immobilier. Mais nous avons aussi hérité de l'ex-AII (Agence pour l'innovation industrielle) des projets extrêmement importants dans le domaine de l'innovation, auxquels nous octroyons des soutiens – pour partie en subventions et pour partie en avances remboursables – qui peuvent atteindre 80 à 100 millions d'euros. À titre d'exemple, nous avons accordé 33 millions au projet Carmat de fabrication d'un coeur artificiel.

Le délai moyen d'instruction varie selon les projets. Il est par nature assez long en matière d'innovation puisque nous accompagnons l'entreprise dans la maturation de son projet. Pour les prêts, les délais sont de trois à quatre semaines. Pour la garantie, cela peut aller très vite : pendant la crise, j'avais donné la consigne que l'on apporte une réponse sous quatre jours. Qui plus est, nous entendons porter de 100 000 à 150 000 € le montant des petites garanties pour lesquelles les 40 000 chargés d'affaires des banques disposent, pour peu qu'ils respectent le cadre que nous avons tracé, du pouvoir d'engager eux-mêmes Oséo, donc d'apporter une réponse immédiate à leurs interlocuteurs.

Nous n'avons aucun préjugé en faveur du commerce ou de l'industrie. Simplement, pour que le projet nous convainque, il doit comporter un business plan destiné à créer de la richesse. L'industrie a repris du poil de la bête en 2010 – ce qui est une bonne chose car c'est là que se situent les emplois – et sa part est ainsi importante dans les CDP.

Dans le cadre de l'allégement de la fiscalité locale, la disparition de la taxe professionnelle a incontestablement eu un impact sur les entreprises. Toujours en matière fiscale, la possibilité pour les assujettis à l'ISF d'investir directement dans des entreprises est très appréciée. Notre site qui lui est dédié (capitalpme.oseo.fr) est un véritable « Meetic de l'ISF » : 5 000 investisseurs qui peuvent y faire leur choix en toute tranquillité parmi 5 000 entreprises et créer un lien direct, dans une logique bien davantage de soutien que de retour sur investissement. Le montant moyen de l'investissement dans ce mécanisme de défiscalisation utile est bien supérieur à ce que nous pensions puisqu'il dépasse 20 000 €. Il devrait encore augmenter avec la réforme de l'ISF, qui ne touche pas ce dispositif.

Si fort peu d'auto-entrepreneurs sont concernés par notre action, cela ne tient à aucun ostracisme de notre part. Cela tient simplement au fait que nous nous intéressons surtout aux entreprises déjà constituées et que les auto-entrepreneurs n'en sont que l'ébauche.

La macrofinance est menacée par les nuages noirs qui s'accumulent sur la tête de plusieurs pays européens mais, pour sa part, la microéconomie va bien et l'activité est bonne. S'il n'y a pas davantage d'investissement dans les capacités de production, c'est parce que les entrepreneurs doutent de la solidité de leur chiffre d'affaires à venir. C'est pourquoi il importe de restructurer et de consolider les filières afin de permettre aux entreprises de grandir.

L'allongement des délais de paiement a un coût pour l'entreprise, auxquelles nous appliquons le taux de l'argent. Il est probable qu'elles le répercutent, au moins pour partie, sur leurs clients.

Il est difficile de dire quels sont les secteurs d'innovation les plus porteurs. Nos interventions portent pour un tiers sur la biosanté, pour un tiers sur les hautes technologies et le numérique, pour un tiers sur l'économie traditionnelle. Nous nous interdisons de porter des jugements de valeur et d'affecter des enveloppes : les projets nous parviennent et nous essayons d'y répondre.

À l'international, nous avons des liens forts avec Ubifrance, avec qui nous sommes parfaitement complémentaires : nous finançons et sommes au contact des entreprises, eux soutiennent grâce au VIE (Volontariat international en entreprise) et aux missions économiques présentes dans près de 100 pays. Nous avons d'ailleurs signé hier à Nevers, en présence du Président de la République, un accord destiné à renforcer encore ces liens.

Afin de soutenir davantage les ETI, comme nous l'avons fait dans le cadre du plan de relance, un dispositif de garantie serait fort utile, dans le respect des règles européennes. Sans doute votre Commission pourrait-elle nous soutenir dans la réflexion à ce propos.

Si ce dispositif mériterait d'être pérennisé, tel n'est pas le cas du soutien de l'État, via Oséo, aux fonds de roulement des entreprises, qui relève de l'activité bancaire.

La médiation du crédit est évidemment utile : elle facilite les contacts et l'accès à l'information et évite que certaines difficultés ne s'aggravent.

Oséo ne perd pas d'argent et n'en a jamais perdu. En tant qu'établissement de place, nous partageons fréquemment les prêts avec les banques et nous gagnons alors de l'argent. Notre résultat net est positif, nous sommes ainsi logiquement assujettis à l'impôt sur les sociétés et nous versons des dividendes à l'État, à la Caisse des dépôts et à nos 500 actionnaires privés. Simplement, nous sommes sensibles à la conjoncture et aux risques, ce qui explique que notre résultat net ait chuté entre 2008 et 2009, en raison de la crise, à laquelle nous avons toutefois globalement bien résisté.

Lorsque nous analysons les risques, nous sommes extrêmement attentifs aux relations entre les PME et les grands groupes dont elles sont les filiales. Le nombre des ETI indépendantes est sans doute plus proche de 4 600 que de 3 400, mais cela n'en demeure pas moins insuffisant.

Je l'ai dit, en matière d'innovation, nos moyens ne nous permettent pas de répondre à toutes les demandes. Y remédier suppose donc d'accroître ces moyens mais nous savons tous que la ressource de l'État est contrainte. Le crédit impôt recherche est le principal outil du soutien à l'innovation et à la R&D. Mais il intervient sans discernement alors que, pour notre part, nous aidons chaque année, après les avoir analysés précisément, environ 3 000 projets innovants.

Même si 90 millions d'euros représentent pour nous une somme importante, nous allons nous efforcer de tenir nos engagements vis-à-vis du PREDIT, tout en restant bien évidemment tournés vers la compétitivité des entreprises.

En ce qui concerne l'hôtellerie, si la mesure relative aux normes paraît raisonnable, rendre accessibles aux personnes handicapées toutes les chambres d'hôtel dans toute la France paraît en revanche excessivement coûteux, en particulier pour les petits établissements. C'est parce que cela inquiète les hôteliers – et pas parce que la procédure est trop compliquée – que les crédits qui leur sont dédiés ne sont pas consommés.

S'agissant des EIRL, nous avons pris des engagements qui permettent aux banques de bénéficier de la garantie d'Oséo et de la Siagi, société de caution de l'artisanat.

Nous n'intervenons pas nous-mêmes dans les domaines de l'économie solidaire et du micro crédit, mais en partenariat avec des organismes comme l'ADIE (Association pour le droit à l'initiative économique), France active, France initiative, le Réseau des boutiques de gestion, le Réseau Entreprendre en France. Nous leur déléguons parfois le droit d'octroyer des prêts, tel notre prêt à la création d'entreprise.

Oséo travaille pour le compte de l'État et des régions et nous aimerions travailler davantage pour celui de l'Europe, mais on ne voit pas toujours sur le terrain la traduction concrète des politiques européennes en faveur des PME. Nous essayons en particulier de développer des partenariats avec la Banque européenne d'investissement afin qu'elle accepte de nous déléguer des crédits.

Il est vrai que nous sécurisons les tours de table financiers. Nous avons déjà beaucoup fait pour mieux nous faire connaître. N'hésitez pas à conseiller aux entreprises qui vous sollicitent de se tourner vers notre site internet ainsi que vers la direction régionale la plus proche pour ce qui a trait à l'innovation et au financement. Pour les garanties, la première démarche doit se faire en direction des banques, qui connaissent bien évidemment les possibilités que nous offrons.

Il est vrai que les subventions à l'innovation ont baissé, mais nous espérons tous qu'elles remonteront.

Je ne connais pas suffisamment le dispositif des jeunes entreprises innovantes pour me prononcer à ce propos, mais je n'ai pas l'impression qu'il apporte un véritable bouleversement.

Notre travail avec les banques se fait dans de bonnes conditions et dans le cadre d'un dialogue constructif. Elles ont la volonté de financer les entreprises.

Avec Oséo, la France dispose d'une administration qui soutient les PME. Doit-elle pour se moderniser s'inspirer du modèle du small business act, qui a été créé aux États-Unis il y a plus de 50 ans ?

En dépit d'une récente décision malencontreuse de la Cour de Karlsruhe, le brevet européen avance. Nous travaillons également, avec l'INPI, au financement de l'extension internationale des brevets, bien plus onéreuse que le dépôt strictement national.

Il y a bien évidemment de nouveaux entrants parmi les 80 000 entreprises que nous avons financées en 2010. Sur les 3 millions d'entreprises qui disposent d'un K bis, on estime que 800 000 à 900 000 PME sont véritablement actives, ce qui est beaucoup. Nous en avons soutenu 80 000 en 2010, essentiellement parmi les plus grosses. Il y a bien évidemment chaque année de nouveaux entrants, avec un taux de renouvellement de 20 à 30 %.

Nous intervenons en faveur du numérique comme nous le faisons pour tous les secteurs. Cette activité se concentre beaucoup en Île-de-France.

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