Quelle est la logique d'un projet de loi qui vise, sous le prétexte d'associer les citoyens à la justice, à supprimer des jurés d'un côté pour instaurer des assesseurs de l'autre – d'autant que, s'agissant de la justice des mineurs, on constate la disparition des assesseurs spécialisés ?
Quel est, de plus, le coût de la réforme ? L'étude d'impact évalue le coût de fonctionnement – postes de travail et indemnités des jurés – sans intégrer la création des 155 postes de magistrats et des 108 postes de greffiers. N'aurait-il pas été plus utile de dépenser autrement cet argent, alors que la justice manque cruellement de moyens ?
Par ailleurs, comment un projet de loi peut-il aller à l'encontre de la totalité des rapports rendus, notamment par les députés de la majorité parlementaire ? Selon le rapport de M. Yves Lachaud, il n'est pas nécessaire de toucher à l'ordonnance de 1945 ; quant à M. Michel Zumkeller, il s'inquiète d'un état des lieux insatisfaisant de la justice des mineurs. Dans ces conditions, pourquoi mettre en avant ce projet de loi ?
Quant à la correctionnalisation, c'est un phénomène massif et injuste : massif puisque, chaque année, la police recense quelque 17 000 crimes et que les cours d'assises ne rendent que 2 500 arrêts ; injuste puisqu'il ne revêt pas la même ampleur selon les départements. Une augmentation de 50 % des audiences criminelles ne permettra pas de lutter efficacement contre la correctionnalisation des crimes.
En outre, selon l'étude d'impact, 635 mineurs seraient justiciables des nouveaux tribunaux correctionnels pour mineurs prévus par le texte et créés, pour certains, avec jurés et, pour d'autres, sans jurés. Aujourd'hui, il existe déjà 156 tribunaux pour enfants : à quelle rationalité ou à quelle urgence répond la création de 156 tribunaux correctionnels supplémentaires pour juger 635 mineurs, au prix d'une véritable désorganisation de la justice des mineurs ?
Du reste, comment affirmer que la complexification de la procédure accélérera le jugement des mineurs ? Il conviendra en effet d'opérer un tri entre les affaires relevant du tribunal pour enfants et celles relevant du tribunal correctionnel pour mineurs avec ou sans jurés, ce qui retardera d'autant le jugement des mineurs récidivistes.
Enfin, en quoi la présence d'un unique juge des enfants au sein du tribunal correctionnel pour mineurs garantira-t-elle la constitutionnalité du dispositif, alors que les deux assesseurs étant des juges pour enfants, ceux-ci sont majoritaires à la cour d'assises des mineurs statuant sur les mineurs de seize à dix-huit ans ? Le fait, pour le juge des enfants, d'être minoritaire au sein du tribunal correctionnel pour mineurs n'est-il pas un motif d'inconstitutionnalité ?