Ce projet de loi, qui a été adopté par le Sénat, vise trois objectifs : accroître la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale, améliorer le fonctionnement des assises et adapter la justice pénale des mineurs.
Comme s'y était engagé le président de la République dans son programme électoral de 2007, le projet accroît la participation des citoyens à la justice pénale. Ce volet, sans doute le plus emblématique du texte, permet d'ouvrir les formations de jugement aux citoyens assesseurs, en correctionnelle et en matière de suivi de l'application des peines.
Accroître la participation des citoyens au fonctionnement de la justice, c'est leur permettre de se rapprocher de cette institution et de mieux appréhender l'office du juge, grâce à un engagement civique fort. C'est également modifier les pratiques des magistrats professionnels, dans le sens d'une justice plus intelligible et plus accessible.
Pour nos compatriotes, ce sera le moyen d'expérimenter directement la démocratie et d'exercer un acte civique.
Ce sera en outre pour la victime une forme de reconnaissance du préjudice qu'elle a subi. Les citoyens participeront désormais, dès la première instance, au jugement des délits les plus graves, qui portent quotidiennement atteinte à la sécurité et à la tranquillité.
La discussion au Sénat a permis d'élargir le champ des délits concernés et d'améliorer sa cohérence : les citoyens assesseurs participeront au jugement de tous les délits portant atteinte aux personnes, à leur intégrité physique ou morale, à leur identité ou à leur environnement, dès lors que la peine encourue est supérieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement et que ces délits ne relèvent pas de la compétence du juge unique ou d'une juridiction spécialisée. Par exemple, l'abus de faiblesse, le délaissement de mineurs aggravé, les violences volontaires, les vols avec violence ou l'usurpation d'identité relèveront de ces formations de jugement.
Les contentieux les plus complexes, qui supposent un haut niveau de technicité, tels que les contentieux économiques et financiers ou de délinquance organisée, resteront de la compétence de magistrats et de pôles spécialisés. Le Gouvernement poursuit dans ce domaine le mouvement indispensable de spécialisation que requièrent ces contentieux très techniques.
La composition des nouvelles formations de jugement a été définie conformément à la décision du 20 janvier 2005 du Conseil constitutionnel, qui impose une majorité de magistrats professionnels. Le collège sera composé de cinq personnes, trois magistrats professionnels et deux citoyens assesseurs.
L'unicité de la formation de jugement est préservée : magistrats et citoyens seront amenés à juger ensemble toute une série d'affaires. Ils auront le même poids lors du délibéré.
Les citoyens assesseurs participeront également au suivi de l'application des peines : ils siégeront aux côtés des magistrats du tribunal d'application des peines et des chambres d'application des peines pour toutes les décisions relatives notamment à la libération conditionnelle ou au relèvement de la période de sûreté, dès lors que la peine est supérieure à cinq ans d'emprisonnement.
Associer les citoyens à ce stade de la procédure renforce la cohérence de notre système pénal et garantit la continuité de notre chaîne pénale, puisque ces décisions modifient ou aménagent des peines qui, à 80 %, ont été prononcées aux assises.
Les débats au Sénat ont permis d'enrichir le texte pour mieux évaluer la dangerosité des détenus et ne pas procéder à des sorties sèches de criminels dangereux condamnés à de lourdes peines. Le projet étend ainsi les évaluations pluridisciplinaires réalisées dans les centres nationaux d'évaluation et prévoit, avant toute libération conditionnelle, un placement à titre probatoire sous surveillance électronique mobile. Le texte renforce, par ailleurs, le suivi des personnes condamnées, qui recevront leur convocation par les services pénitentiaires d'insertion et de probation avant même leur sortie de prison ; ces services seront immédiatement saisis de leur dossier, sans attendre leur désignation formelle par le juge d'application des peines.
Les citoyens assesseurs seront sélectionnés par tirage au sort, à partir des listes préparatoires aux jurys d'assises. Les citoyens retenus ne pourront se soustraire à leur devoir civique, sous peine d'amende. Je précise que leur participation sera de courte durée, huit jours dans l'année, et qu'elle sera indemnisée.
Le Sénat a simplifié le système de sélection tout en supprimant les critères qui permettaient de garantir l'impartialité, la moralité et l'aptitude des jurés tirés au sort. Tel qu'il vous est soumis aujourd'hui, le dispositif présente moins de garanties que le projet de loi initial et apparaît fragile au regard des exigences posées par le Conseil constitutionnel. Il serait intéressant que votre commission se penche sur cette question.
La réforme sera accompagnée de moyens supplémentaires. Nous évaluons à quelque 40 000 par an le nombre d'affaires auxquelles pourraient participer les citoyens assesseurs, et nous envisageons le recrutement de 155 magistrats et de 108 greffiers : deux concours exceptionnels sont organisés, cette année, à cet effet.
L'intervention des citoyens assesseurs modifiera les pratiques actuelles : cette réforme suppose un effort de pédagogie de la part des magistrats, qui liront un exposé de l'affaire au début de l'audience.
Cependant, il ne faut pas que la réforme entraîne un surcroît inutile de travail. En matière de comparution immédiate, le Sénat a réduit le délai de présentation devant le tribunal correctionnel d'un mois à huit jours, délai plus conforme aux exigences constitutionnelles que celui que prévoyait le texte initial.
Nous avons également prévu une mise en oeuvre progressive de la réforme, pour évaluer son impact sur l'organisation judiciaire. Comme le permet l'article 37-1 de la Constitution, le texte s'appliquera dès le 1er janvier 2012 dans deux cours d'appel, puis sera étendu à un tiers du territoire au début de 2013, pour être généralisé au 1erjanvier2014.
Le deuxième volet du projet vise à simplifier le fonctionnement des assises en vue de lutter contre la pratique de la correctionnalisation. Aujourd'hui, la nature du jugement diffère selon le point du territoire où l'affaire est examinée. Un viol est jugé comme un crime, ce qu'il est au regard de la loi, dans un département peu dense et comme une agression sexuelle, c'est-à-dire comme un délit, dans un gros département. Pour répondre à l'exigence d'égalité, il convient donc d'alléger la formation des assises.
Actuellement, seules 2 400 affaires sont jugées chaque année aux assises et 200 en appel. Pour faire face à l'encombrement de certaines cours, et pour juger les auteurs des faits dans des délais raisonnables, certaines affaires sont renvoyées en correctionnelle. Il faut lutter contre cette tendance – sauf à revoir la qualification des infractions.
Le Gouvernement proposait de remplacer les jurés par des citoyens assesseurs, dans une formation composée de trois magistrats et de deux citoyens assesseurs pour l'ensemble des crimes punis de quinze ou vingt ans de réclusion criminelle. Ces assises simplifiées n'ont pas rencontré l'accord du Sénat, qui a préféré une réduction du nombre de jurés, sans distinction des catégories de crimes. Aux termes de l'accord trouvé à la Haute assemblée, trois magistrats et six jurés siégeront en première instance et trois magistrats et neuf jurés en appel. Pour alléger la procédure, le Sénat a par ailleurs remplacé la lecture de l'arrêt de renvoi, longue et fastidieuse, par un rapport oral du président en début d'audience.
De même, le texte prévoit l'obligation, pour les cours d'assises, de motiver leurs décisions.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 1er avril dernier, considère que la procédure actuelle, qui consiste à répondre à une série de questions, est conforme à la Constitution. Cependant, il m'apparaît essentiel de permettre aux parties de mieux comprendre le sens de la décision, ce qui leur permettra, en outre, de former leur appel en connaissance de cause.
Le Sénat a souscrit à ces avancées et amélioré le dispositif, en prévoyant notamment la lecture de la feuille de motivation au moment du prononcé du verdict.
Le projet de loi améliore, en troisième lieu, le fonctionnement de la justice des mineurs. Comme vous le savez, le Gouvernement y réfléchit depuis plusieurs années. En 2008, il avait chargé le recteur Varinard de faire des propositions pour améliorer l'ordonnance de 1945.
Je tiens à saluer également la qualité du travail mené par votre commission en vue d'enrichir la réflexion. Sur l'exécution des décisions de justice concernant les mineurs, je sais que M. Zumkeller vous présentera tout à l'heure son rapport : votre constat rejoint très largement celui qui motive le projet soumis à votre examen, c'est-à-dire la nécessité d'obtenir une réponse judiciaire rapide et de développer des mesures mieux adaptées.
Le projet de code de la justice des mineurs est quasiment achevé, à la Chancellerie, mais le terme très proche de la législature ne nous permet pas d'envisager sa discussion dans l'immédiat. Le Gouvernement a donc souhaité présenter d'abord une série de modifications pour améliorer dès à présent la célérité et l'efficacité de la réponse pénale à l'égard des mineurs. Le délai moyen de jugement des mineurs, 18 mois entre la commission des faits et la décision de justice, est trop long pour que la réponse pénale puisse avoir une dimension pédagogique. Ce n'est pas non plus satisfaisant pour la victime.
Les évolutions de l'ordonnance de 1945 qui vous sont proposées reposent sur trois piliers : la priorité donnée à l'éducatif ; la spécialisation des structures et les garanties de procédure ; l'excuse de minorité. Ces propositions respectent les principes de l'ordonnance de 1945, tels que le Conseil constitutionnel les a validés.
Le projet de loi vise en premier lieu à améliorer la lutte contre la récidive et à prévenir tout ancrage des jeunes dans la délinquance. Il propose d'abord d'élargir les conditions de placement en centre éducatif fermé : tous les jeunes qui encourent une peine supérieure à cinq ans d'emprisonnement pourront bénéficier d'un placement dans ces centres. Cette prise en charge pluridisciplinaire, très renforcée, sera ainsi facilitée pour les mineurs, même primo-délinquants, qui commettent des faits graves.
Ces centres doivent bénéficier à un plus grand nombre. Ils ont montré leur efficacité en matière de prévention de la récidive et de réinsertion des jeunes : plus des deux tiers des mineurs, souvent difficiles, qui en sortent, ne récidivent pas. Nous travaillons à améliorer l'offre en ce domaine.
Lutter contre la récidive, c'est également apporter une réponse pénale progressive et adaptée. C'est dans cette perspective que le texte crée le tribunal correctionnel pour mineurs, qui jugera les mineurs délinquants de plus de seize ans, en état de récidive légale, qui encourent une peine supérieure à trois ans d'emprisonnement.
Cette juridiction offrira une solennité plus grande dans la comparution des mineurs. Il s'agit bien cependant d'une juridiction spécialisée, « spécialement composée » pour reprendre les mots du Conseil constitutionnel : la formation de jugement comprendra trois juges, dont un juge des enfants, qui, selon le texte du Sénat, la présiderait. La juridiction pourra prononcer des sanctions éducatives et la procédure suivie sera celle du tribunal pour enfants.
Le projet de loi prévoit que le parquet pourra convoquer directement le mineur devant le tribunal pour enfants, par voie de convocation par officier de police judiciaire. En introduisant cette procédure, le Gouvernement a veillé au strict respect des conditions posées par le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 11 mars.
Pour améliorer le fonctionnement de la justice des mineurs, il faut que les acteurs disposent d'informations approfondies et cohérentes sur la personnalité et le parcours du mineur. C'est ce que permettra le dossier unique de personnalité que le projet vous propose de créer.
Enfin, le texte responsabilisera les parents, en permettant à la juridiction d'émettre un ordre de comparaître pour les contraindre à assister à l'audience de leur enfant.
Telles sont les grandes lignes de ce projet.