Je vous remercie Monsieur le Président.
Je commencerai par un bref exposé général tout en répondant à vos premières questions. En 2010, la croissance de crédits a été de plus de 4 % sur un an et, depuis le début de l'année 2011, on est même sur une tendance de 4,4 % en rythme annuel ce qui témoigne d'un encours de crédits en constante augmentation. Les encours de crédits aux entreprises s'élèvent à 790 milliards d'euros (soit une hausse de plus de 2 % sur un an), les encours à l'investissement s'élevant à 340 milliards d'euros sur un an (+ 3,6 %), l'encours de trésorerie étant en légère diminution (- 1,5 % sur un an) pour s'élever à 180 milliards d'euros.
Comme vous l'avez dit M. le Président, l'ensemble de nos pays ont affronté cette crise économique et financière profonde : cette crise a posé des difficultés aux banques elles-mêmes, qui ont éprouvé de grandes difficultés à trouver des crédits, et qui ont, pour certaines d'entre elles, heureusement bénéficié d'aides publiques conséquentes. En France, il y a eu une forte mobilisation des réseaux bancaires, qui a permis d'octroyer des crédits et de continuer à financer l'économie. Ainsi, en 2009, la croissance des encours de crédits a tout de même été de 1,8 %, ce qui était certes inférieur aux années précédentes mais beaucoup plus important que nos voisins européens. Il en est allé de même en 2010 avec une croissance des encours de l'ordre de 4 %, sachant que le PIB n'augmentait pour sa part que d'environ 1,6 %. Les efforts continuent de se poursuivre puisque l'encours de crédits pour les PME a augmenté de 5,7 % en 2010, ce qui est une très bonne performance. Quant à l'enveloppe de crédits mobilisables, elle est en hausse de 9 % sur un an, soit un niveau plus élevé que celui qui existait avant la crise. Ce rythme continue de progresser et les banques nous le confirment.
Les entreprises françaises bénéficient par ailleurs de taux attractifs : 2,26 % pour les nouveaux crédits supérieurs à un million d'euros, contre 2,61 % en moyenne sur l'ensemble de la zone euro. La Banque centrale européenne a calculé un taux d'acceptation des crédits : environ 80 % des demandes déposées par les PME ont été satisfaites au cours du second semestre 2010, ce qui est légèrement inférieur à l'Allemagne mais supérieur à tous les autres pays de la zone euro. Si on regarde l'enquête semestrielle effectuée par OSÉO en janvier dernier, les freins à l'investissement sont, en premier lieu, l'insuffisance de la demande, ensuite l'insuffisance de la rentabilité, l'endettement des entreprises et l'insuffisance de crédits n'étant soulignés qu'en troisième et quatrième positions par respectivement 25 et 18 % des sondés.
Des problèmes non résolus demeurent néanmoins. On a ainsi beaucoup travaillé avec la Médiation du crédit. Sa mise en place a été complexe et sa réussite tient en grande partie à la forte mobilisation de tous les acteurs, notamment les directions régionales et départementales de la Banque de France, ainsi que les banques elles-mêmes qui se sont mobilisées par la volonté du comité exécutif de la Fédération bancaire française. Incontestablement, la Médiation du crédit a joué un rôle très positif à un moment où tous les acteurs (entreprises, banques, clients de celles-ci…) étaient angoissés, d'autant que la loi relative aux délais de paiement était mise en oeuvre au même moment.
Quant à votre question relative à la pérennisation éventuelle de la Médiation du crédit, je répondrais indirectement en rappelant que la Fédération bancaire française a signé avec plaisir une reconduction de la médiation jusqu'à la fin de l'année 2012 car les effets de la crise n'ont pas encore totalement disparu.
Nous avons par ailleurs effectué de nombreuses rencontres avec les dirigeants de PME, des chefs d'entreprises d'horizons divers sur toute la France, rencontres extrêmement intéressantes et instructives menées directement par les dirigeants des banques. Parmi les demandes qui nous ont été adressées, la question de la rapidité du traitement des dossiers a été fréquemment posée : sur ce point, la Fédération bancaire française s'est engagée à ce que tout dossier complet reçoive une réponse dans les quinze jours de sa réception. Des points de fragilité existent néanmoins, qu'il s'agisse de la compétitivité des entreprises, de la conjoncture, de la relative faiblesse en fonds propres…
Je souhaite à ce stade attirer votre attention sur le fait qu'il n'existe pas de PME au sens où il s'agirait d'une catégorie unique et homogène, mais il existe bien davantage différentes sortes de PME et de TPE, cette hétérogénéité constituant à la fois l'intérêt et une des difficultés pour déterminer la manière dont il convient de les financer. De même, le financement n'est pas identique selon qu'il s'agit de financer la création d'une entreprise ex nihilo ou son développement, selon que celle-ci oeuvre dans la haute technologie ou dans un autre domaine, selon que les fonctions internes sont différenciées ou, au contraire, ressortent à la même personne (ce qui est généralement le cas pour les entreprises artisanales de petite taille)…
Pour en venir aux Accords de Bâle III, sur lesquels vous m'avez interrogée M. le Président, nous sommes bien conscients des problèmes que cela pose et on se fait du souci pour le futur. Après la crise que nous avons connue, il apparaissait évident qu'il convenait de revoir les règles de régulation financière dans leur ensemble. On en a eu connaissance dès le début de l'année 2009 : on n'était pas partisan de la dérégulation compétitive souhaitée par certains. Il fallait notamment réfléchir à une augmentation du niveau des fonds propres, revoir leur définition afin d'assurer une meilleure homogénéité, introduire des ratios de liquidité (ce que la Banque de France avait d'ailleurs fait depuis de nombreuses années contrairement à de nombreux autres pays)…
L'issue du processus actuel nous pose plusieurs questions qui tournent autour de deux grandes questions que j'aborderai successivement : les fonds propres et les problèmes de liquidités.
L'accroissement des fonds propres demande un effort considérable dont il faut avoir conscience : pour l'ensemble des banques européennes, cela représente probablement environ 500 milliards d'euros, ce qui aura un évident impact sur les équilibres macro-économiques ! Pour m'en tenir à la seule situation des banques françaises, compte tenu des délais impartis et des efforts demandés (je rappelle que la France n'a eu aucune banque à sauver hormis un cas un peu particulier, et que la sauvegarde de notre système bancaire n'a donc rien coûté au budget de l'État), les fonds propres sont actuellement portés à un niveau plus important que celui qui existait avant la crise. Si les niveaux demandés par Bâle III sur les fonds propres ne remettent pas en cause le financement de l'économie, on est en revanche très inquiet sur les mesures qui pourraient être prises à l'égard des Sifis (c'est-à-dire de banques particulièrement importantes dont la faillite créerait un risque majeur de perturbation pour l'ensemble du système financier), qui pourraient conduire à des demandes de fonds propres supplémentaires. Quatre grandes banques sur cinq seraient concernées en France. Ces banques, qui assurent à elles seules près de 70 % du financement de notre économie, vont devoir aligner 1 à 3 % de plus, ce qui aura inévitablement un impact, chaque groupe devant alors réallouer ses fonds propres c'est-à-dire revoir les activités où être présent, où investir, ce qui aura peut-être pour effet de ralentir la croissance des encours ou de les obliger à lâcher des actifs. On est d'accord pour se plier à des règles mais il faut ensuite être cohérent, assumer les choix effectués et en tirer toutes les conséquences même si elles pèsent sur nos banques. Or ça pose un problème puisqu'on a l'impression assez fâcheuse que des banques de détail, plutôt bien gérées comme les nôtres, qui n'ont pas généré la crise, vont parfois payer un plus lourd tribut que des banques qui ont agi de façon plus hasardeuse ayant occasionné des pertes !
Les exigences de Bâle III en termes de liquidités appellent deux remarques de ma part. Tout d'abord, il existe une demande de matelas de liquidités très élevés qui devront être essentiellement constitués de valeurs jugées liquides, ce qui va pousser les banques à acheter des titres publics (bons du Trésor, à commencer par les bons allemands) et aura pour effet mécanique d'entraîner un véritable détournement de financement. D'autre part, il est prévu que, dans les dépôts, soient comptabilisés les dépôts des particuliers tels quels, les dépôts des entreprises étant pour leur part affectés d'un coefficient de déflation puisqu'on estime que la stabilité des dépôts des entreprises est beaucoup moins grande que celle des particuliers (ce qui ne se vérifie pas dans l'Union européenne mais bien davantage dans les modèles anglo-saxons) ; cette attitude va inciter les banques à davantage orienter leurs activités vers les particuliers et non vers les entreprises, car c'est moins coûteux.
Enfin, il y aura un autre ratio qui sera tardivement mis en place, qui a trait à la transformation des banques et qui, s'il était adopté en la forme actuelle, sera rédhibitoire pour l'activité des banques. Celles-ci pourraient en effet sortir de leurs activités de prêts à long terme et à rechercher davantage la titrisation : ce n'est pas forcément un mauvais mode de financement mais ce modèle s'avère très différent de celui qui prévaut en France.