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Intervention de Serge Letchimy

Réunion du 1er juin 2011 à 10h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Letchimy, rapporteur :

Mon propos sera synthétique dans la mesure où ce texte a été adopté à l'unanimité en première lecture à l'Assemblée nationale, en janvier, sur la question, essentielle dans les départements et régions d'outre-mer, de l'habitat indigne et insalubre. Il s'agit d'un enjeu majeur pour ces territoires : dans les quatre départements, Mayotte et Saint-Martin, on compte quelque 70 000 maisons touchées par l'habitat insalubre ou informel, soit 200 000 personnes vivant dans des conditions de précarité absolue. Les conséquences sont connues des élus, tant en termes de précarité sociale que de santé, d'éducation, etc. Quand on sait l'importance de la question du logement et de l'habitat, droit consacré par la loi Besson, on peut s'interroger quant au respect de ce droit dans ces régions de notre territoire national.

À ce titre, j'ai rendu un rapport à la demande du Gouvernement, dans lequel je proposais deux axes d'intervention :

– un axe législatif pour réformer la politique globale de l'appréciation de l'habitat dit « informel », correspondant à la présente proposition de loi ;

– et une série de mesures d'ordre réglementaire ou financière : l'objectif étant bien d'être opérationnel. À cet égard, une circulaire de 2004 est en train d'être modifiée : il s'agit d'une directive visant à rendre plus opérationnelles et plus actives les politiques de résorption de l'habitat insalubre.

Le vote de la présente proposition de loi en 1e lecture fut unanime, non seulement à l'Assemblée nationale, mais également au Sénat, qui a désigné M. Georges Patient comme rapporteur. Cela est crucial pour l'ensemble des régions et départements d'outre-mer.

S'agissant des travaux du Sénat, 75 à 80 % des amendements adoptés sont d'ordre rédactionnel, de coordination ou de cohérence. Il a adopté quelques amendements de fond dont on pourra parfois interroger la pertinence. J'indique néanmoins qu'en concertation avec notre groupe et le Président de la commission, nous avons décidé de proposer une adoption conforme du texte adopté par le Sénat, de telle sorte qu'il soit publié le plus rapidement possible, après son examen en séance publique le 9 juin prochain.

Le Sénat a fait le choix de restreindre la section 1 aux départements et régions d'outre-mer, ainsi qu'à Saint-Martin, alors que nous avions proposé qu'elle le soit sur l'ensemble du territoire national. Je le regrette, même si, au départ, le rapport qui m'avait été commandé portait sur les régions et départements d'outre-mer. L'Assemblée nationale a fait le choix d'appliquer à tout le territoire national cette aide visant à compenser la perte de domicile – en cas d'intervention d'initiative publique sur un territoire ou un espace en matière d'aménagement –, reconnaissant ainsi un droit à l'occupant qui se trouve sur le terrain d'autrui. L'occupant a en effet la possibilité de percevoir une aide, que nous avions au départ appelée « indemnité » puis que nous avons rebaptisée « aide » à la suite de nos échanges. La reconnaissance du droit au domicile est donc au coeur du dispositif qui est encadré puisque son bénéfice est soumis à la nécessité de remplir une condition d'occupation depuis plus de dix ans. Cependant, le Sénat a restreint le champ d'application de ces mesures aux départements et régions d'outre-mer. Il se distingue ici de l'Assemblée nationale, qui avait choisi une perspective fondée sur une certaine éthique de la personne et de la famille. En dépit de ces regrets, nous acceptons cette restriction.

Le deuxième aspect important réside dans la suppression, par le Sénat, de l'article 13 sur les groupements d'intérêt public (GIP). Rappelons que dans le cadre d'une opération d'aménagement, les financements proviennent d'une dizaine d'origines différentes. Le GIP peut être un outil permettant d'assurer la fongibilité financière des opérations. Cela simplifie les choses pour l'opérateur, non seulement en termes de prise de décision mais aussi de gestion des fonds de l'opération. Il s'agit d'opérations lourdes : par exemple, l'opération à Boissard a coûté 400 millions de francs, à l'époque. Regrouper l'ensemble des financements dans un même fonds me paraît donc essentiel. Il m'a semblé peu cohérent de supprimer cet article, mais la loi de simplification et d'amélioration du droit comporte de nouvelles dispositions sur les GIP. Dès lors, il est inutile de maintenir le dispositif.

S'agissant de l'article 6 de la proposition de loi, qui a recours aux financements du fonds Barnier, il nous paraît capital d'agir sur les logements situés en zone rouge au titre d'un plan de prévention des risques prévisibles. Même lorsque ces logements sont situés en dehors des zones d'aménagement, il est essentiel de mener des opérations de délogement, de décasement, d'indemnisation et de relogement des familles touchées. Le principe de l'aide nous paraît légitime, surtout lorsqu'on se souvient des événements en Haïti. En Martinique, à la Guadeloupe ou ailleurs, on est particulièrement vulnérable face au risque sismique. Le Sénat a maintenu ce principe mais a souhaité restreindre le champ d'application de l'aide dans les zones exposées à un risque prévisible menaçant gravement des vies humaines. Le Sénat s'est également interrogé sur l'opportunité d'indemniser les logements n'étant pas couverts par une assurance. Nous avons beaucoup insisté pour que ce soit le cas. Un débat aura sans doute lieu sur le sujet dans le cadre du projet de loi de finances. Le montant de l'aide sera peut-être alors plafonné. Néanmoins, on ne peut pas constater l'existence d'un risque sismique sans chercher à accompagner les familles occupant les terrains concernés par ce risque.

En quatrième lieu, le Sénat a supprimé l'article 3 bis, qui permettait l'intervention du juge des référés, sans condition d'urgence. On a souhaité étendre aux terrains occupés sans droit ni titre une disposition existant dans la zone des cinquante pas géométriques. Nous acceptons cette suppression. L'occupant sans droit ni titre sera soumis à une procédure d'expulsion.

Le cinquième aspect concerne le repérage de l'habitat informel : nous avons modifié la loi Besson, afin de définir l'habitat informel au niveau législatif et d'opérer ce repérage dans le cadre du plan départemental d'aide au logement des personnes défavorisées (PDALPD). Il est grave et anormal, aujourd'hui, qu'il n'y ait pas le moindre repérage de ce type dans les départements et régions d'outre-mer ! On a le sentiment de naviguer à vue, sans la moindre stratégie. Face à un corps malade, il est impératif d'établir un diagnostic pour savoir si l'on a à faire à un cancer ou à quelque chose de bénin. Cela illustre l'absence de politique et de gouvernance de la part de l'État, des communes et des régions en matière de résorption de l'habitat insalubre. En première lecture à l'Assemblée nationale, notre collègue Christiane Taubira avait proposé d'attribuer un délai de 18 mois pour la réalisation de ce repérage. Le Sénat est revenu sur cette disposition, en prévoyant que ce repérage débutera dans un délai d'un an à compter de la publication de la loi. Cela laisse aux acteurs concernés une certaine marge d'appréciation.

Le sixième aspect concerne l'indemnisation des familles occupant des terrains privés qui devraient être relogées mais qui se trouvent face à un bailleur défaillant. Nous avions prévu, dans cette hypothèse, que le bailleur verse une participation équivalente à trois fois le montant du nouveau loyer ou à trois fois le coût mensuel de l'hébergement. Le Sénat a doublé ces montants.

Enfin, le Sénat a adopté un article additionnel, l'article 16 bis, afin de prévoir une évaluation de la politique de résorption de l'habitat indigne et insalubre, à l'instar de l'évaluation prévue par la LODEOM.

Après avoir consulté l'ensemble des responsables des départements et régions d'outre-mer, nous avons choisi de ne pas déposer d'amendement, étant donné l'unanimité recueillie dans les deux assemblées en première lecture. Je souhaiterais remercier mon groupe d'avoir accepté d'inscrire ce texte à l'ordre du jour de la séance d'initiative parlementaire du 9 juin prochain, à la suite de quatre autres textes déjà prévus ce jour-là. Cela nous permettra d'aller vite, l'essentiel pour nous étant de relancer des opérations bloquées depuis 10 à 15 ans pour certaines. Et ce, alors qu'une opération de réhabilitation de 300 à 400 logements prend actuellement entre 10 et 20 ans. Si nous n'agissons pas rapidement, on en aura pour 150 ans à résoudre ce problème vital pour les familles ! Le texte est très attendu : j'invite donc le Gouvernement à le promulguer rapidement et à publier la version réformée de la circulaire de 2004, de telle sorte que le volet financier du dispositif vienne compléter ce volet législatif.

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