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Intervention de Alain Suguenot

Réunion du 1er juin 2011 à 10h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Suguenot, co-rapporteur :

Pleinement en accord avec ce qui vient d'être dit, je souhaiterais pour ma part rappeler les raisons qui ont conduit à la décision prise en 2008. Je souhaite préalablement saluer le rapport très complet que Catherine Vautrin a rendu sur ce sujet et qui a montré que les droits de plantation ne constituaient pas un obstacle au développement du secteur viticole, ni en France, ni ailleurs. Il faut savoir qu'un certain nombre de droits de plantation ne sont actuellement pas utilisés à l'échelle européenne, correspondant à environ 15 millions d'hectolitres : il existe donc encore de sérieuses possibilités de bénéficier de droits de plantations dont on voit bien que l'argument selon lequel ce système serait protectionniste ne tient absolument pas.

En 2008, quatre grandes raisons avaient été avancées pour supprimer les droits de plantation.

La première visait, dans le cadre d'une libéralisation à venir, à renforcer la compétitivité des producteurs : on peut se demander en quoi la suppression des droits de plantation va dans ce sens ? La démarche que nous souhaitons développer au niveau de l'Union européenne va à l'encontre de celle qui existe dans le reste du monde. Ici, nous souhaitons renforcer le lien avec le territoire pour développer des vins d'excellence qui bénéficient ainsi d'une niche au niveau mondial, qui servent ainsi d'« airbag anti-crise », à la différence de certains vins notamment du Nouveau Monde qui s'orientent davantage vers la consommation de masse. Cette qualité nous permet ainsi d'éviter d'avoir à faire à une trop forte concurrence puisque, en définitive, nous ne nous situons pas sur le même créneau.

La deuxième souhaitait appliquer certaines simplifications réglementaires au secteur vitivinicole. Certes, on peut faire mieux en la matière en simplifiant certaines règles mais la suppression des droits de plantation ne répond pas spécifiquement à cet objectif.

La troisième visait au renforcement des vins européens en termes de notoriété : de ce côté-là, je ne pense pas que nous ayons du souci à nous faire puisque nos vins sont depuis longtemps basés sur une tradition d'excellence que nous continuons de cultiver.

La quatrième raison visait à préserver les traditions et les pratiques vitivinicoles européennes : c'est également ce que nous souhaitons, les droits de plantation permettant de préserver ces valeurs et pratiques.

Au regard de ces différents éléments, nous avons été assez fortement surpris par la décision de la Commission européenne de 2008 car nous étions intimement convaincus que, dans le cadre des discussions entamées à cette époque, les pratiques françaises en matière viticole serviraient de fondement aux politiques européennes dans ce secteur comme ça avait été le cas en 1953 et 1976.

Le commissaire européen Dacian Ciolos nous a bien dit, la semaine dernière, que le sujet ne pourrait pas être rouvert dans le cadre de la réforme de la PAC sauf à ce que nous apportions un élément nouveau : cet élément nouveau, c'est notre résolution.

Alors, par ailleurs, quels éléments plaident en faveur de notre résolution ?

Tout d'abord, il existe un risque non négligeable d'augmentation de la production ce qui posera à terme un déséquilibre entre l'offre et la demande pouvant aboutir à une crise de la dérégulation. Ce serait un comble que nous allions dans la même direction que ce qui a précédemment pénalisé des politiques concernant des secteurs comme le lait, la viande ou les céréales, alors que le secteur vitivinicole est encadré par ce système des droits de plantation qui lui permet de se développer de manière assez efficace.

Par ailleurs, on nous dit qu'il faut lutter contre l'instabilité des marchés agricoles : le système des droits de plantation est justement un bon exemple de ce qui peut servir de prototype aux règles d'une nouvelle PAC.

Il existe également un risque de délocalisation des productions. Une production viticole, surtout en Europe, est tributaire du climat (dans ma région, on parle explicitement du « climat des vignobles ») mais également le fruit du sol, de l'exposition des coteaux, des cépages, du travail humain fourni au prix de traditions anciennes le plus souvent. Si on généralise la possibilité de cultiver de la vigne, on aura à faire à un important développement de fermes, notamment dans le sud de l'Europe, démarche qui va à l'encontre de la recherche de qualité dont nous souhaitons ici faire preuve et qui contribuerait sans nul doute à instaurer ou accroître un éventuel déséquilibre entre l'offre et la demande. Cette délocalisation pourrait non seulement se faire vers des pays qui ne sont pas producteurs, et qui, au surplus, bénéficient d'une main-d'oeuvre meilleure marché que celle qui peut exister chez nous (posant ainsi un éventuel risque de concurrence déloyale), mais on pourrait également constater une délocalisation des coteaux vers les plaines puisque, à la faveur des systèmes d'irrigation pouvant être installés, il est désormais possible de généraliser les cultures comme on le souhaite. La délocalisation peut également être de moindre ampleur et se faire seulement sur des parcelles adjacentes à un domaine donné mais, compte tenu des spécificités des terrains et des cultures que j'évoquais tout à l'heure, il peut s'en suivre un véritable détournement de notoriété.

Il peut y avoir également une augmentation de la surface des exploitations, du nombre d'agriculteurs mais ils n'auraient certainement pas la même qualification et les vins ainsi obtenus ne peuvent avoir les mêmes caractéristiques en raison de l'industrialisation, de la baisse de qualité et de l'inévitable standardisation qui s'en suivra, à l'image de certains vins du Nouveau Monde (dont il faut toutefois excepter certains vins d'Argentine ou du Chili, eux d'excellente qualité).

Cette résolution, que nous vous présentons aujourd'hui, a également un avantage puisqu'elle est un élément nouveau de la discussion, à l'heure où un bilan de l'OCM va avoir lieu à la fin de l'année 2012. Il ne faut pas oublier non plus que le contexte économique global a profondément changé avec une crise économique qui n'était pas là lorsque les discussions ont eu lieu en avril 2008 : c'est un élément nouveau qu'il faut évidemment prendre en considération ! Sur le plan de la rigueur juridique et de l'efficacité, la réforme de la PAC est une occasion qu'il nous faut saisir puisque c'est le seul texte qui ait une valeur législative. A cet effet, la résolution rappelle toute l'utilité du régime de plantation ; ainsi, elle dispose notamment que :

« … les droits de plantation sont l'instrument indispensable d'une politique de qualité et de régulation de la production viticole ;

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