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Intervention de Bernard Deflesselles

Réunion du 30 mai 2011 à 21h45
Remboursement des services départementaux d'incendie et de secours par l'incendiaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Deflesselles, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, mes chers collègues, l'Assemblée est aujourd'hui saisie, en première lecture, de la proposition de loi visant à permettre aux collectivités publiques d'obtenir le remboursement des frais d'opération de secours auprès de l'incendiaire, texte que j'ai eu l'honneur de déposer le 9 mars dernier avec cent seize de mes collègues, qui a reçu un avis favorable du Conseil d'État et qui a été adopté par la commission des lois le 18 mai.

Dans cette perspective, je souhaite tout d'abord revenir sur le phénomène majeur des feux de forêt et sur l'importance des moyens de prévention et de lutte qu'ils exigent ; ensuite, souligner l'efficacité de la réponse pénale, que ces feux soient d'origine volontaire ou involontaire ; enfin, démontrer en quoi le texte que nous examinons, loin de remettre en cause le principe de gratuité, découragera un peu plus les incendiaires et encouragera l'action des services d'incendie et de secours – que je tiens à saluer avec beaucoup de respect et d'admiration.

Les incendies de forêt sont certes en recul mais demeurent un phénomène prégnant. Leur nombre recule certes chaque année depuis 2003 – année terrible, année de canicule, de sécheresse, où 73 300 hectares sont partis en fumée sur l'ensemble du territoire. Toutefois, entre 2003 et 2009, la surface incendiée a diminué de près des trois quarts pour s'établir en 2009 à 17 000 hectares. Cette diminution s'observe notamment dans la région méditerranéenne – qui a tout de même subi, en 2009, 1 960 départs de feux pour 11 110 hectares brûlés. Parallèlement à cette diminution du nombre des surfaces forestières incendiées, il n'y a pas eu à déplorer, fort heureusement, en 2009 comme en 2010, de décès au sein de la population.

En deuxième lieu, le bilan positif de ces dernières années s'explique notamment par l'importance des moyens engagés dans la prévention et la lutte contre les incendies de forêt. Les budgets des services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS, mais aussi des marins-pompiers, représentent, en 2010, près de dix fois celui de la mission « Sécurité civile » : 5,5 milliards d'euros de crédits. Ils ont d'ailleurs été marqués par une relative stabilité en 2009 – avec une hausse de 1,9 % – comme en 2010 - avec une augmentation de 1,4 % – mais avaient crû de près de 20 % en 2007 et de 6 % en 2008. Saluons à cet égard le rôle primordial joué dans le domaine de la sécurité civile par les collectivités territoriales – communes et départements – qui financent quelque 96 % des dépenses de fonctionnement des SDIS.

En troisième et dernier lieu, le recul des feux de forêt observé ces dernières années ne doit pas dissimuler le fait que la part de notre patrimoine forestier qui part en fumée chaque année reste importante. Au cours de l'année 2009, on a dénombré en France métropolitaine 4 800 feux de forêt et près de 17 000 hectares brûlés, ainsi que je viens de le rappeler. Le nombre d'incendies de forêt reste donc très important et plaide pour une action pénale cohérente et efficace, que la présente proposition de loi vise à renforcer.

La deuxième partie de mon intervention porte sur la sanction pénale forte et cohérente encourue par les incendiaires. L'efficacité de la répression de ces infractions repose sur la sévérité des peines encourues et sur l'intensification de l'action publique.

Premièrement, les auteurs d'incendies volontaires ou involontaires en espace forestier encourent des peines sévères, qui confèrent à la sanction pénale de ces infractions son efficacité. En ce qui concerne les incendies d'origine involontaire, leur sanction pénale est actuellement régie par l'article 322-5 du code pénal, qui différencie le quantum de peines selon que l'incendie a été provoqué « par manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement » ou qu'il résulte de la « violation manifestement délibérée » d'une telle obligation. À la clé est prévue une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende, peine pouvant atteindre dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende en cas de décès d'une ou plusieurs personnes.

Pour ce qui est des incendies volontaires, leur sanction pénale est régie par les articles 322-6 et suivants du code pénal. Les peines encourues pour de tels crimes ont été aggravées par la loi du 9 mars 2004 : quinze ans de réclusion criminelle et 150 000 euros d'amende, peine pouvant atteindre la réclusion criminelle à perpétuité et 200 000 euros d'amende en cas de mutilation ou d'infirmité permanente d'une ou plusieurs personnes.

Ensuite, nous avons assisté ces dernières années à une intensification de l'action publique sous l'effet d'une meilleure connaissance de l'origine de ces feux. Connaître précisément l'origine des incendies facilite la mise en oeuvre de l'action publique et accroît le taux de succès des enquêtes. À cette fin, le préfet de la zone de défense sud et le procureur général du parquet d'Aix-en-Provence ont créé des équipes pluridisciplinaires de recherche des causes d'incendie, réunissant les différentes autorités ou organismes concernés.

Ces équipes pluridisciplinaires ont, à ce jour, démontré leur efficacité, puisque l'origine des incendies est, depuis 2006, déterminée dans plus des deux tiers des cas, contre 20 % seulement en 1995. Cette meilleure connaissance de l'origine des feux de forêt a permis d'intensifier les poursuites pénales. En 2009, ce sont soixante-dix auteurs d'incendies – dont quinze volontaires – qui ont été identifiés. Parmi les incendiaires volontaires, huit ont été écroués et l'un d'entre eux, jugé en comparution immédiate, a été condamné à quatre ans d'emprisonnement dont deux avec sursis.

J'en viens maintenant, et c'est la troisième partie de mon propos, au contenu même de cette proposition. Elle vise à décourager les incendiaires et à soutenir les services d'incendie et de secours dans la prévention et la lutte contre les incendies de forêt.

Après un avis favorable du Conseil d'État – que, comme notre collègue Morel-A-L'Huissier pour le texte qu'il a présenté, j'ai saisi –, avis rendu le 28 avril dernier, la proposition a été adoptée par la commission des lois le 18 mai. Elle vise un double objectif.

Le premier est de décourager les incendiaires involontaires de mettre en péril, par leur imprudence, notre patrimoine forestier. Cherchant les moyens de parvenir à cet objectif, nous nous sommes posé une question : faut-il permettre aux personnes morales de droit public – État, communes, SDIS – d'obtenir de l'incendiaire le remboursement des frais de secours qu'elles ont engagés pour lutter contre un incendie involontaire commis en espace forestier ?

Actuellement, l'article 2-7 du code de procédure pénale permet à ces personnes morales de réclamer à l'incendiaire le remboursement de leurs frais d'intervention dans le seul cas de poursuites pénales pour incendie volontaire. Or nous avons, dans le même temps, constaté, d'une part, que le code pénal réprimait actuellement, dans son article 322-5, les incendies involontaires « par manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement », et, d'autre part, qu'en 2009 près de quatre incendies sur dix s'expliquaient par la commission d'une imprudence.

Pourquoi, dans ces conditions, limiter aux cas d'incendie volontaire la possibilité d'obtenir le remboursement des frais de secours par l'incendiaire, quand le code pénal réprime également les incendiaires involontaires ? C'est pourquoi le texte, dans un souci de cohérence, étend aux incendies involontaires « par manquement à une obligation de sécurité » le champ de l'action civile ouverte à l'article 2-7. Qu'il soit néanmoins bien clair que sont concernés les seuls incendies provoqués dans les « bois, forêts, landes, maquis, garrigues, plantations » mentionnés à l'article 2-7, excluant toute autre cause ou objet.

Enfin, je le rappelle avec force, le principe de gratuité est au fondement de l'action de nos services d'incendie et de secours, et il n'est ici nullement question de le remettre en cause. Il s'agit seulement, par le présent texte, d'y déroger exceptionnellement, comme la loi le fait, par exemple, pour prévoir le remboursement par l'incendiaire volontaire des frais de secours ou pour faire participer les usagers aux frais de leurs secours en montagne.

Au-delà des frais d'opération de secours, s'est posée la question du remboursement par l'incendiaire des frais de remise en état des sols. En effet, quelques mois après un incendie, les collectivités publiques se montrent très attentives à la réhabilitation des terrains endommagés et engagent, à ce titre, des moyens financiers importants.

Cependant, dès lors que les communes, les départements ou l'État sont propriétaires des forêts incendiées, ils subissent un préjudice direct dont ils peuvent déjà demander réparation sur le fondement de l'article 2 du code de procédure pénale. Il n'est donc pas apparu nécessaire de modifier l'article 2-7 du code de procédure pénale à cette fin.

J'en viens au second objectif de ce texte : encourager et soutenir les services d'incendie et de secours dans leur action quotidienne de prévention et de lutte contre les feux de forêt. Afin de soutenir leur action et de leur offrir un outil supplémentaire de prévention, nous nous sommes efforcés de renforcer, à leur bénéfice, l'effectivité de l'action civile ouverte à l'article 2-7 du code de procédure pénale.

En effet, le constat est simple : lorsqu'elles font application de cet article 2-7, les juridictions se montrent parfois réticentes à admettre, au nom du principe de gratuité des services de secours que j'ai évoqué il y a quelques instants, la recevabilité de l'action civile des services départementaux d'incendie et de secours en cas d'incendie volontaire.

Dernier exemple : le jugement rendu le 26 août 2010 par la deuxième chambre civile du tribunal de grande instance de Marseille dans une affaire d'incendie volontaire.

Afin de garantir l'exercice effectif de l'action civile ouverte à l'article 2-7, plus de vingt ans après l'adoption de la loi du 22 juillet 1987, la présente proposition de loi mentionne expressément les SDIS au nombre des personnes morales de droit public pouvant se constituer partie civile sur le fondement de l'article 2-7 du code de procédure pénale.

Toujours afin de renforcer l'effectivité de cette action civile, la commission des lois a adopté, à mon initiative, un amendement précisant à l'article 2-7 que les personnes morales de droit public pourront formuler leur demande de remboursement des frais qu'elles ont engagés pour lutter contre l'incendie volontaire ou involontaire devant la juridiction civile, dans les conditions prévues à l'article 4 du code de procédure pénale.

En conclusion, le texte qui nous est aujourd'hui soumis me paraît équilibré : il vise à renforcer les moyens de prévention et de lutte des services d'incendie et de secours en responsabilisant le comportement de nos concitoyens, tout en décourageant les incendiaires qui, soit volontairement, soit par leur imprudence, mettent en péril chaque année notre patrimoine forestier, et ce sans remettre en cause le principe de gratuité qui fonde l'intervention des services de secours.

Si cette loi est définitivement adoptée avant la période estivale qui s'annonce particulièrement sèche et qui risque de nous poser problème, nous enverrons un signal fort, d'une part, aux personnes mal intentionnées ou tout simplement imprudentes ou inconscientes et, d'autre part, aux services d'incendie et de secours auxquels je veux redire notre attachement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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