Dans la droite ligne du texte initial portant réforme des collectivités territoriales, ce projet de loi symbolise, une fois de plus, tous les travers et les dysfonctionnements antidémocratiques dans lesquels le Gouvernement et sa majorité ont plongé notre treizième législature. Petits arrangements entre amis, manipulations électorales sous couvert de la loi, voire de la Constitution, la coupe est pleine !
Le projet de loi entérinera, s'il est voté, la fin du pluralisme au sein des conseils régionaux, avec la suppression du mode de scrutin qui a pourtant fait ses preuves dans les municipalités et dans les régions depuis plusieurs élections. Il entérinera également, régression inacceptable à nos yeux, la fin de la parité hommes-femmes dans les assemblées territoriales, en l'occurrence les assemblées régionales. Notons que vous choisissez également, et c'est un comble quelques semaines après les élections cantonales, le mode de scrutin qui a donné lieu, au cours des dernières années, à la plus forte abstention.
Le projet de loi présente, par ailleurs, une situation de déséquilibre totalement antidémocratique. Dans son exposé des motifs et son étude d'impact, le Gouvernement essaie, tant bien que mal, d'expliquer la procédure de calcul menant au tableau de répartition des conseillers territoriaux par région et département. Si l'on compare trois régions assez proches en termes de population, la Bretagne, l'Aquitaine et les Pays de la Loire, on se rend compte qu'il y a une anomalie dans la répartition des conseillers territoriaux. Il semblerait logique que la région la plus peuplée, celle des Pays de la Loire, compte le plus grand nombre de conseillers territoriaux. Or, contre toute attente, c'est celle qui en aurait le moins : 174 contre 190 pour la Bretagne et 211 pour l'Aquitaine. Ce calcul implique une représentation par habitant totalement inéquitable. On dénombrerait, alors, en Aquitaine, un conseiller territorial pour 15 471 habitants, alors que le ratio, dans les Pays de la Loire, serait d'un conseiller territorial pour environ 20 000 habitants !
Ces déséquilibres, c'est sans doute encore plus grave, s'observent également au niveau départemental. La différence serait très forte entre les différents départements d'une même région, certains étant surreprésentés par rapport aux autres, en général, et comme par hasard, ceux qui votent davantage pour l'UMP ! Dans ma région, la Loire-Atlantique, chaque conseiller territorial aurait 5 000 habitants de plus à représenter que le même conseiller territorial élu en Mayenne. Les habitants d'une même région ne seront donc pas égaux devant le suffrage. Or l'égalité devant le suffrage est un principe constitutionnel à la base même de notre démocratie.
Au-delà de ces déséquilibres incompréhensibles, on observe une explosion du nombre de conseillers régionaux, puisque les conseillers territoriaux seraient également conseillers régionaux. Ainsi, la région Midi-Pyrénées passerait de quatre-vingt-onze sièges à 251 ! Et c'est le cas dans la plupart des régions. En outre, l'élection des conseillers ne se fera plus à la proportionnelle de liste, mais au scrutin uninominal à deux tours, assorti de nouvelles règles encore plus restrictives pour empêcher le pluralisme de s'exprimer.
Ces assemblées rencontreront, par ailleurs, un problème à propos duquel notre collègue socialiste Alain Rousset, président de l'Association des régions de France, s'est maintes fois exprimé, celui de la construction de nouveaux bâtiments, de nouveaux hémicycles, de nouveaux hôtels de région. Une telle augmentation du nombre d'élus aura nécessairement pour conséquence l'obligation d'agrandir les hôtels de région, les salles de séance, les bureaux. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Cela impliquera un investissement financier supplémentaire, alors même que cette réforme territoriale avait été vantée pour les économies qu'elle allait faire réaliser à nos collectivités locales ! Plutôt que d'investir dans des politiques liées à leurs compétences, les régions seront contraintes de financer la construction de nouveaux bâtiments. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Faudra-t-il, mes chers collègues de la majorité, augmenter les impôts locaux pour financer la dernière lubie du Président de la République ? Le prix à payer est vraiment très élevé pour une manipulation politicienne lancée par Nicolas Sarkozy au seul profit de son parti : l'UMP ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)