Les amendements nos 25 , 26 et 27 peuvent être considérés comme défendus, monsieur le président. Je présente les deux derniers, relatifs à l'alinéa 6.
Nous abordons là la partie la plus fragile du texte : celle qui permet au procureur de la République d'écarter l'avocat de l'audition du gardé à vue pendant douze heures, et de lui interdire l'accès aux pièces du dossier de son client, pendant douze heures également.
Ces dispositions sont, j'y insiste, extrêmement fragiles. Au regard de la jurisprudence de la CEDH, le procureur, qui est peut-être, ou peut-être pas, un magistrat, agit en respectant certains délais ; sur ce point, nous sommes d'accord et le texte ne souffre pas beaucoup de critiques.
Mais la CEDH estime que, magistrat ou pas, le procureur est partie au procès ; or, il est impossible qu'une partie au procès porte atteinte aux droits d'une autre partie. C'est une difficulté centrale.
Les explications que vous nous avez données à ce sujet, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, ne nous convainquent absolument pas. D'ailleurs – mais je ne voudrais pas me lancer dans des investigations psychologiques pour lesquelles je serais incompétent – vous ne paraissez pas très convaincus de la valeur de vos propres argumentations.
En réalité, la difficulté, c'est que nous ne disposons pas de moyens suffisants ; nous n'avons pas assez de juges des libertés et de la détention pour mettre en oeuvre cette mesure.
Le texte est donc fragile. C'est ennuyeux vis-à-vis de la CEDH : il est toujours délicat, lorsque l'on représente un pays, d'être condamné par une instance internationale – même si, je vous le concède, ce n'est pas dramatique. Mais c'est aussi très déstabilisant pour un pays de constater que ses procédures sont mises à mal. C'est surtout très décourageant pour des enquêteurs de voir mises à néant des poursuites qu'ils ont parfois eu beaucoup de mal à mettre sur pied.
Il est donc dommage que votre texte ne garantisse pas la protection des libertés. Nous gagnerions, je crois, à prévoir que le procureur de la République exerce ce pouvoir de façon temporaire – tant que nous n'avons pas les moyens de faire autrement – mais qu'ensuite il faudra se donner les moyens d'instaurer un contrôle par le JLD.
Que cela nous plaise ou pas, nous sommes en effet sous le contrôle de cours internationales qui, au regard de leur propre conception du droit, feront de cette partie du texte une lecture risquant de la rendre extrêmement fragile.
En la maintenant telle quelle, vous prenez une lourde responsabilité. Certes, vous agissez dans l'urgence, sous la contrainte, les moyens manquent ; mais il aurait fallu se projeter dans l'avenir, et prévoir que nous nous doterions de JLD en nombre suffisant pour exercer ce contrôle de façon suffisamment indépendante.