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Intervention de Philippe Goujon

Réunion du 30 mars 2011 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Goujon :

Les décisions de la CEDH et du Conseil constitutionnel ainsi que la jurisprudence, actuelle et peut-être à venir, de la Cour de Cassation nous obligent à légiférer dans l'urgence, ce qui n'est jamais bon, d'autant plus que cela empêche, au moins dans un premier temps, d'embrasser dans le champ de la réforme l'ensemble de la procédure pénale, tout étant lié.

Nous sommes en train de greffer certaines règles relevant d'un système accusatoire à l'anglo-saxonne sur une procédure inquisitoire, ce qui risque, comme l'a indiqué Christian Estrosi, de rompre un équilibre déjà fragile. Je crains que ceux qui doivent répondre à l'exigence de sécurité de nos concitoyens ne soient découragés par cette rupture de l'équilibre indispensable entre le respect des libertés individuelles et les nécessités de l'enquête dans sa phase, non pas judiciaire, mais policière.

Il est certes souhaitable de réduire le nombre de certaines catégories de gardes à vue, notamment celles liées aux infractions routières. Mais n'oublions pas que, si la délinquance a diminué dans notre pays depuis quelques années, c'est aussi parce que le taux d'élucidation a progressé, notamment grâce à l'accroissement du nombre de gardes à vue.

Après avoir, avec ma collègue Arlette Grosskost, auditionné plusieurs responsables, je crois vraiment indispensable d'assurer l'équilibre entre les nécessités de l'enquête et la protection des libertés individuelles. Comme l'a dit notre rapporteur, le Sénat a modifié ce texte à la marge. À fort juste raison, il a maintenu la compétence du procureur de la République pour le contrôle de la garde à vue. En revanche, la question du délai de carence ne me paraît pas convenablement réglée : je regrette que la proposition du Gouvernement de le ramener à une heure n'ait pas été retenue, même s'il y a certaines avancées – permettre à l'audition de commencer avant l'expiration du délai si l'avocat se présente plus tôt et, surtout, autoriser le recueil des éléments d'identité avant l'arrivée de l'avocat. La question des conflits d'intérêts me paraît bien résolue, grâce notamment à des amendements que nous avions cosignés en première lecture. S'agissant de la conservation des objets dont le port ou la détention sont nécessaires au respect de la dignité, sujet sur lequel j'avais défendu un amendement, j'approuve les garanties apportées par le Sénat.

Je me contenterai de poser quelques questions ponctuelles.

Que signifie précisément la possibilité offerte à l'avocat – auquel il est interdit de demander ou de réaliser une copie des procès-verbaux – de « prendre des notes » ?

Qu'en est-il des « questions » que l'avocat pourra poser « à l'issue de chaque audition ou confrontation » ? Y aura-t-il un temps limité ? Comment les choses se passeront-elles concrètement ?

Enfin, il est impératif de régler les difficultés, relevées ici par beaucoup, que pose l'établissement de la liste des avocats habilités à intervenir en matière de terrorisme.

Il nous faudra donc encore discuter de ce texte : rien n'est acquis définitivement. Même si je comprends bien ce qui milite en faveur d'un vote conforme à celui du Sénat, il nous faut apporter une réponse à diverses préoccupations. Surtout, il nous faudra suivre très attentivement l'application de la loi, en en dressant régulièrement le bilan afin de nous assurer qu'elle n'entrave en rien les nécessités de l'enquête et, donc, le droit à la sécurité pour l'ensemble de nos concitoyens.

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