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Intervention de Christian Estrosi

Réunion du 30 mars 2011 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Estrosi :

Une réforme s'impose, tant pour réduire le nombre des gardés à vue que pour tirer les conséquences de la jurisprudence, qui a rendu caduc le système en vigueur. Mais je regrette que ce texte ne soit absolument pas équilibré et constitue un très mauvais signal pour nos forces de l'ordre, qui accomplissent un travail remarquable sur le terrain pour assurer la sécurité des Français. Le syndicat national des commissaires de police, comme tous les autres syndicats, a manifesté ses inquiétudes. Nous sommes obligés de réformer dans la précipitation pour que le texte soit applicable au plus vite ; mais en l'état, il va affaiblir l'action de la police et dégrader le taux d'élucidation des crimes et délits, passé depuis 2002 de 25% à près de 40% : je prédis que, l'année prochaine, il sera en baisse.

Il faudrait, comme je le proposerai par amendement, réécrire l'article 1er A. En effet, dans sa formulation actuelle, il exclut totalement la validité des déclarations faites hors de la présence de l'avocat. Or ces premières déclarations sont souvent les plus importantes et, si elles ne peuvent suffire, contribuent néanmoins à corroborer les éléments de l'enquête.

Il serait nécessaire de revenir sur le délai de carence de deux heures fixé par le texte pour permettre l'arrivée de l'avocat avant le début de l'audition. Il sera en effet très difficile à mettre en oeuvre, même si l'on peut y déroger dans des cas extrêmes. Que fera-t-on du gardé à vue pendant ce délai ? Ne crée-t-on pas une inégalité entre territoires urbains et ruraux ? Ne va-t-on pas, de fait, augmenter de deux heures la durée de la garde à vue, puisque la personne concernée devra se tenir à proximité des locaux d'audition ?

Il conviendrait aussi de clarifier le régime de la garde à vue prononcée à l'extérieur des locaux de la police, afin de reporter automatiquement, dans ce cas, la présence de l'avocat ; d'exonérer les forces de l'ordre de toute responsabilité pénale, civile ou administrative, au cas où la personne utiliserait des objets personnels pour attenter à sa vie ou à son intégrité physique ; de réfléchir à la question des moyens matériels et financiers liés à cette réforme – car je n'en ai pas beaucoup entendu parler. À l'heure de la rationalisation et de la mutualisation des moyens, l'intervention accrue des avocats va générer un coût supplémentaire important – besoin de locaux dédiés pour s'entretenir avec leurs clients, augmentation du nombre d'avocats nécessaires –, que ne compenseront probablement pas la baisse du nombre de gardes à vue et l'augmentation du budget de l'aide juridictionnelle. Le général Jacques Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale, a, par une lettre du 18 janvier dernier, alerté les parlementaires à ce sujet. Le nouveau texte va rendre encore plus difficile le travail quotidien des policiers et attiser les incompréhensions entre policiers, magistrats et avocats.

Après quelques mois d'application, nous nous rendrons compte que ce texte est déséquilibré.

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