Méfiez-vous des réseaux intelligents : ils pourraient, demain, vous prendre pour des imbéciles !
D'une façon générale, ne sommes-nous pas en train de réinventer le fil à couper le beurre ? Je suis un peu atterré en vous écoutant, venant d'une région où Merlin-Gerin est née avant Schneider Electric, où le Laboratoire d'électronique et de technologies de l'information (LETI) est né en même temps que le Commissariat à l'énergie atomique (CEA), et où l'on a parlé de domotique bien avant que cela devînt à la mode.
Dans tout ce que j'ai entendu, je n'ai en effet perçu aucune invention majeure, qu'il s'agisse des usages ou des technologies. L'innovation principale réside dans l'effet marketing autour de la deuxième convergence, qui concerne effectivement les smart grids, étant rappelé que la première consistait à mettre sur le même support de la vidéo, du son et du téléphone. On s'était alors demandé s'il ne fallait pas marier le CSA avec l'ARCEP. Si l'on ajoute la CRE, il n'existera plus qu'une seule autorité de régulation, ce qui autorisera quelques économies …
Les technologies sont étroitement liées et ce n'est pas nouveau. Ce qui l'est, c'est l'accroissement de la complexité d'usage : on intègre les énergies renouvelables, on se préoccupe plus qu'avant d'économiser l'énergie, la concurrence se développe et chacun, dans le jeu, veut jouer sa partition et gagner de l'argent. Le problème ne se posait évidemment pas quand il n'existait qu'un seul opérateur.
Où se situe, dans cette affaire, l'intérêt du consommateur ? Cherchez l'erreur ! Qui va essayer de tirer du dispositif se mettant en place la part la plus grande de la valeur ajoutée ? C'est évidemment l'objectif des différents acteurs représentés ici, qui ne sont pas des philanthropes. Or, là où la valeur ajoutée est la plus grande, est aussi l'endroit où l'on embobine le plus le consommateur en lui proposant tout un lot de prestations dont il n'a pas forcément besoin, mais dont le paiement assure les marges commerciales. Tel est le mode de fonctionnement des grandes surfaces : il n'y a là rien de nouveau.
Nous saurons donc comment nous payons, mais nous ne saurons plus ce que nous payons. On multiplie les offres et les paiements correspondants, mais tout est forfaitisé sur de longues durées. Le consommateur est loin d'utiliser tout ce qu'on lui fait ainsi acheter. Déjà, dans les télécommunications, les factures deviennent exponentielles et les ménages ne parviennent plus à les régler.
Je suis donc extrêmement inquiet de la mode des smart grids qui apporteraient la solution à tout alors qu'ils existent presque depuis la nuit des temps, qu'il n'y a pas véritablement de saut technologique, mais seulement des acteurs qui ne veulent plus s'en tenir à un rôle de fournisseur sur les étagères de RTE ou de ERDF : espérant gagner de l'argent, ils souhaitent se positionner désormais en offreurs de multiservices au moyen des différents réseaux existants, notamment de téléphone et d'électricité – je comprends parfaitement leur logique de développement d'entreprise.
Nous avons bien compris que les technologies pouvaient désormais se marier et, ainsi, proposer davantage de services, fournis par un plus grand nombre d'opérateurs. Le fait que des entreprises comme Alstom, Schneider Electric ou France Télécom Orange s'impliquent ne me rassure ni ne m'inquiète, mais me conduit à penser que des enjeux économiques et commerciaux très importants devront donner lieu à rémunération de la part du consommateur.
Les arguments avancés par la CRE pour qu'on ne confonde pas les télécommunications et la fourniture d'électricité relèvent autant de la prise en compte des technologies que du souci de préserver le pré carré de chaque instance de régulation. Nous avons déjà vécu cela entre le CSA et l'ARCEP.
Je remercie à cette occasion notre président d'avoir invité tous les acteurs concernés pour qu'on puisse en parler.
Mon inquiétude est donc à la fois sociale, politique et économique.
Toute la question, qui nous est posée en tant que responsables politiques, est de savoir si l'évolution technologique que vous nous avez décrite va dans le sens de l'intérêt du consommateur et d'une bonne visibilité de ce qu'on va lui proposer. Je n'en suis pas sûr.
Il y a, d'une part, un effet de mode et, d'autre part, des modèles économiques qui vont changer. Les effets de mode existent et, en l'occurrence, il n'y a rien de nouveau sous le soleil si ce n'est que les modèles économiques et les positionnements des différents acteurs changeront pour aller chercher la valeur ajoutée où elle se trouve, l'objectif des fournisseurs étant de savoir qui mangera l'autre.
Nous sommes donc à la croisée des chemins : les coûts augmenteront pour le consommateur sans pour autant que les services rendus soient au rendez-vous.
Le 19/03/2011 à 18:15, Justine (juriste) a dit :
Le député pose la vraie question : « Où se situe, dans cette affaire, l'intérêt du consommateur ? ».
Sa réponse est claire : « les coûts augmenteront pour le consommateur sans pour autant que les services rendus soient au rendez-vous »
Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui