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Intervention de Jacques Repussard

Réunion du 16 février 2011 à 10h00
Commission des affaires économiques

Jacques Repussard, directeur général de l'IRSN :

Je vous remercie beaucoup, Mesdames et Messieurs les députés, pour vos nombreuses questions, souvent très précises, qui témoignent du vif intérêt que vous témoignez à l'égard de l'action menée par l'IRSN.

Les rapports entre l'ASN et l'IRSN ont, dans le passé, été parfois mouvementés : c'est vrai ! Certains estiment que l'IRSN doit travailler silencieusement et que l'ASN, au contraire, doit se voir octroyer le devant de la scène en termes de communication. C'est impossible. L'IRSN emploie plus d'un millier de techniciens de très haut niveau qui, ensuite, peuvent partir dans le secteur privé et faire bénéficier les groupes industriels de leur expérience en termes de sûreté des installations nucléaires. Il est très délicat de recruter des talents rares et de leur demander de toujours rester dans l'ombre : il importe que l'IRSN soit connu. Il faut ainsi que les associations de protection de l'environnement, de défense des usagers, les collectivités territoriales… connaissent l'IRSN, qui doit bénéficier d'une existence institutionnelle et d'une transparence propre, et puissent l'interroger si elles le souhaitent. J'ai longuement discuté avec le président de l'ASN, M. Lacoste, qui est d'accord pour que l'IRSN bénéficie d'une véritable indépendance.

Je voudrais rappeler que l'IRSN est un établissement public de l'État auquel les administrations compétentes s'adressent quotidiennement pour obtenir un appui technique De manière concrète, le conseil d'administration se prononce sur son budget et, approuve un schéma de répartition prévisionnelle des ressources allouées aux différents organismes demandeurs. On développe à cet égard un plan annuel de priorités.

Lors de la discussion du plan annuel de priorités établi avec l'ASN, des divergences peuvent survenir. Par exemple, il y a deux à trois ans nous avons eu des désaccords sur le poids respectif de la surveillance des installations existantes d'EDF et de l'instruction de l'EPR. Il nous avait semblé que l'ASN sous-estimait la quantité de travail nécessaire au bon déroulement de la phase d'instruction du dossier de l'EPR. Notre réaction était justifiée puisque par la suite les ressources d'expertise de l'IRSN ont été fortement mobilisées par ce dossier, par exemple au sujet des problèmes concernant le contrôle-commande. Il convenait en effet d'éviter de créer des sources de retards supplémentaires de l'EPR à travers la procédure d'instruction. L'IRSN et l'ASN sont deux organismes indépendants mais nous disposons avec le protocole annuel d'un outil de dialogue. Il est normal que nous ayons des divergences mais nous les résolvons, que ce soit en matière de programmation ou d'observation. Certains pensent que l'ASN est totalement dépendante de notre travail mais c'est inexact.. Sur les sujets complexes, qui sont fréquents, son rôle est de s'assurer que le débat contradictoire entre l'exploitant (EDF, Areva ou le CEA) et l'IRSN aboutisse à des conclusions acceptables, puis de prendre les décisions qui lui incombent.

L'ASN dispose pour cela de ses propres groupes d'experts – internationaux, cette fois – mais ils ne procèdent pas au travail d'analyse des dossiers, non seulement parque ce travail est extrêmement coûteux mais aussi parce que c'est le rôle de l'IRSN. En revanche, les experts des quatre ou cinq groupes permanents de l'ASN, qui traitent des réacteurs, des installations du cycle du combustible, des déchets, et de la radioprotection, observent l'IRSN présenter les résultats de son expertise, ainsi que les réactions de l'exploitant d'EDF. Ensuite, le groupe pertmanent rend un avis à l'ASN, qui, en général, a plutôt tendance à confirmer nos conclusions, même si ce n'est pas toujours le cas. Ainsi l'ASN a ses propres outils, et dispose des avis de l'IRSN et des positions de l'exploitant. Elle doit alors trancher. L'IRSN respecte bien entendu les positions prises par l'ASN, car c'est la règle du jeu, et ne les met jamais en cause publiquement.

S'agissant de l'arbitrage rendu sur la gestion des ressources consommées par les clients étrangers qui rémunèrent l'IRSN pour qu'il leur fournisse des expertises, j'ai fait valoir auprès du cabinet du Premier ministre qu'il ne fallait pas aller trop loin si l'on voulait éviter de se voir privé de ces ressources d'expertise pour le système national. Le Premier ministre a donc fixé une règle et nous a accordé une dérogation : ces opérations doivent être financées par les pays étrangers et non par le budget de droit commun de l'IRSN, et en cas de demande importante, l'IRSN pourra recruter au delà de son plafond d'emplois autorisé. Il y a donc bien séparation absolue entre les différentes ressources sur le plan financier, mais aussi sur le plan humain.

En ce qui concerne l'accident d'Epinal, il faut savoir que la radiothérapie est une technique de traitement qui a fait énormément de progrès et qui est absolument indispensable dans notre pays. On compte plus de 500 000 traitements chaque année, avec des résultats qui ne cessent de s'améliorer. Le Plan Cancer a permis à notre pays de s'équiper de manière extrêmement rapide mais les pouvoirs publics ont omis d'accroître le nombre et la formation des physiciens médicaux. Il s'agit d'un problème de société. Dans le domaine médical traditionnel, il y a, d'un côté le médecin, et de l'autre, le pharmacien. Tous deux ont des diplômes et sont indépendants l'un vis-à-vis de l'autre : le médecin prescrit, puis le pharmacien apprécie la prescription, délivre le médicament et doit normalement s'assurer de la complétude du système. En revanche, dans le domaine de la radiothérapie, cet équilibre fait défaut. Le physicien médical organise l'irradiation du patient suivant la prescription du radiothérapeute. Or, en France, pour devenir physicien médical, le diplôme n'est pas du même niveau que celui qui existe dans beaucoup de pays européens. Fort courte, la formation dure 18 mois, alors qu'elle est beaucoup plus longue dans d'autres pays. Les physiciens médicaux appartiennent à une catégorie de personnel hospitalier qui ne jouit pas de la même reconnaissance professionnelle que les radiothérapeutes ; par exemple, ils ne peuvent pas faire d'« actes » au sens où l'entend la Sécurité sociale, à la différence des pharmaciens. Il y a donc là un écart puisque cette profession est sous-dimensionnée sur le plan numérique et en termes de formation. A ma connaissance, il n'existe pas de consensus pour faire évoluer les choses dans notre pays, alors même que de nos jours, les appareils de radiothérapie sont de plus en plus compliqués. Par conséquent, éviter les erreurs qui peuvent survenir lors de leur maniement suppose un grand professionnalisme. Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, a autorisé le doublement des effectifs des physiciens médicaux mais la mesure est en train d'être mise en oeuvre mais même cet accroissement demeure encore insuffisant. C'est là une des inquiétudes de l'ASN qui inspecte ces installations de radiothérapie et en ordonne parfois la fermeture, au motif qu'il n'y a pas de physicien médical pour les faire fonctionner. L'accident d'Épinal a illustré l'importance d'être transparent lors de la déclaration des accidents. Si cet accident a été extrêmement grave, c'est parce que rien n'a été déclaré pendant fort longtemps. Des centaines de personnes ont reçu des doses de radiations beaucoup trop importantes par rapport aux besoins de leur traitement. Cela a eu des conséquences extrêmement lourdes, allant jusqu'au décès de certaines personnes. C'est l'IRSN, à la suite de la saisine de l'ASN et de la saisine conjointe du ministre de la Santé, M. Xavier Bertrand, qui a permis de mettre en lumière les événements d'Épinal. D'ampleur nationale, les recommandations que nous avons formulées ont par la suite été reprises dans la feuille de route « radiothérapie ».

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