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Intervention de Pascal Clément

Réunion du 16 février 2011 à 22h00
Hommage de l'assemblée — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Clément :

Compte tenu des dispositions adoptées en termes identiques par les deux assemblées, trente articles du projet de loi organique et sept articles du projet de loi ordinaire demeurent en discussion.

Les travaux du Sénat en deuxième lecture font d'ores et déjà apparaître de larges points d'accord entre les deux assemblées. Tout d'abord, en ce qui concerne le statut du Défenseur des droits et de ses adjoints, le Sénat a adopté conforme l'ensemble du titre Ier du projet de loi organique. Ainsi, par exemple, l'article 3 relatif au régime d'incompatibilités du Défenseur des droits a été adopté dans son intégralité.

Par ailleurs, les moyens d'information du Défenseur font l'objet d'un large accord des deux assemblées. Il s'agit notamment de l'obligation, pour les personnes physiques ou morales mises en cause, de communiquer au Défenseur des droits toutes informations ou pièces utiles à l'exercice de sa mission.

À l'issue de la deuxième lecture au Sénat, une large convergence entre les deux assemblées apparaît sur les dispositions relatives aux pouvoirs du Défenseur des droits. Il s'agit notamment des articles relatifs au pouvoir de médiation du Défenseur et de ceux liés à son pouvoir d'engager des poursuites disciplinaires.

Parmi les articles restant en discussion, seul l'article 24 bis fait apparaître une réelle divergence de fond entre les deux assemblées. Le Sénat a en effet supprimé cet article, qui créait au profit du Défenseur des droits une nouvelle procédure d'action collective devant la juridiction administrative. Suivant la proposition du rapporteur, notre commission a décidé de rétablir cet article, dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture. J'ai conscience, monsieur le garde des sceaux, que vous ne souhaitiez pas cet ajout, mais je pense être bon prophète en vous répondant qu'il faut savoir trouver une monnaie d'échange en vue de la CMP, et cette disposition pourrait en faire office.

Les modifications apportées par le Sénat aux autres articles du chapitre III du projet de loi organique ne remettent pas radicalement en cause l'équilibre du texte adopté par l'Assemblée nationale. En effet, la commission a supprimé, à l'article 20 du projet de loi organique, l'obligation faite au Défenseur des droits de motiver sa décision de ne pas donner suite à une saisine. Une telle obligation ne pèse à l'heure actuelle sur aucune des autorités auxquelles le Défenseur des droits se substitue. Elle risquerait en outre de se faire au détriment du traitement des réclamations méritant un examen approfondi.

Concernant l'article 21 du projet de loi organique, la Commission a rétabli l'automaticité de l'établissement d'un rapport spécial lorsqu'une injonction du Défenseur des droits n'est pas suivie d'effet.

Par ailleurs, en première lecture, l'Assemblée nationale avait considérablement réformé les pouvoirs de contrôle et de sanction de la CNIL. Ainsi, l'article 1 quater du projet de loi ordinaire rend la fonction de président de la Commission incompatible avec tout mandat électif national. En deuxième lecture, le Sénat a adopté sans les modifier la totalité de ces dispositions, excepté l'article 1er octies relatif aux sanctions susceptibles d'être prononcées par la formation restreinte de la CNIL auquel il a souhaité apporter quelques précisions.

Cependant certains points restent en débat. Tout d'abord, la question de l'intégration du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. En première lecture, l'Assemblée nationale avait ajouté aux compétences du Défenseur des droits la protection des droits fondamentaux des personnes privées de liberté. À l'initiative de sa commission des lois, le Sénat a supprimé ces dispositions, préférant maintenir l'autonomie du Contrôleur général. Selon lui, son intégration dans le champ de compétences du Défenseur des droits ne se justifierait pas, en raison principalement de la singularité de sa mission ; cela valant pour toutes les missions, je trouve l'argument un peu faible. Quant à la seconde raison invoquée, selon laquelle l'institution est un peu récente, elle est encore plus faible : serait-il plus facile, en effet de supprimer quelque chose d'ancien ?

Cet élargissement des attributions du Défenseur des droits ne devant initialement intervenir qu'en 2014, il demeurera donc parfaitement possible de revenir sur ce sujet dans quelques années, c'est en tout cas ce que dit encore le Sénat. Mais permettez-moi, mes chers collègues, de faire ici un rappel qui me tient à coeur. Lorsque j'étais à votre place, monsieur le ministre, j'étais allé à Bapaume, chez M. Delevoye. J'avais alors constaté que le Médiateur de la République avait des représentants dans un certain nombre de prisons, et je m'étais dis que confier au Médiateur le contrôle de ces prisons était le bon sens même. J'avais donc fait une annonce en ce sens. Mon successeur s'est empressé de créer le Contrôleur des lieux de détention, oubliant cet engagement que j'avais pris. Vous permettrez donc au père de cette idée de déplorer que l'on revienne aujourd'hui au Contrôleur général des prisons. Je ne vois pas en effet ce qui s'oppose à un renforcement du rôle du Médiateur en la matière, alors qu'il hérite de la HALDE, dont le périmètre d'intervention est encore plus éloigné de ses fonctions initiales.

En outre, la question des différends entre personnes morales reste à débattre. En première lecture, l'Assemblée nationale avait doublement élargi le champ des litiges susceptibles d'être soumis au Défenseur des droits. D'une part, elle avait ouvert la possibilité de saisir le Défenseur d'un différend entre une personne publique et une personne privée chargée d'une mission de service public. D'autre part, elle avait ajouté aux compétences du Défenseur la faculté de trancher des litiges entre les collectivités territoriales et les établissements publics – ce qu'a d'ailleurs réclamé l'actuel médiateur. En deuxième lecture, le Sénat a supprimé ces deux dispositions. À l'initiative de son rapporteur, notre commission les a rétablies, afin d'offrir au Défenseur des droits un champ d'intervention aussi large que possible.

La composition et le rôle des collèges demeurent un point de désaccord important avec nos collègues sénateurs, ce dont je m'étonne, pour tout vous dire. Le projet de loi organique prévoit la création de trois collèges : un collège compétent en matière de déontologie de la sécurité, un collège compétent en matière de défense et de promotion des droits de l'enfant et un collège compétent en matière de lutte contre les discriminations et de promotion de l'égalité. À l'issue des travaux du Sénat en deuxième lecture, la composition des différents collèges ne fait toujours pas consensus, qu'il s'agisse du nombre de leurs membres ou de leurs qualités.

Sans modifier les effectifs résultant des travaux du Sénat, notre Commission a apporté deux séries de modifications à la composition des collèges. Tout d'abord, elle a supprimé du collège compétent en matière de déontologie de la sécurité les deux parlementaires désignés par les présidents des assemblées ; leur a été préférée la désignation de personnalités. Or il me déplaît de penser que « le parlementaire, c'est l'ennemi », a fortiori quand cela semble être pensé par les parlementaires eux-mêmes, trop enclins à cette forme d'autocritique. Ensuite, dans chacun des trois collèges, notre commission a rétabli la désignation de deux personnalités qualifiées par le Défenseur des droits – c'est bien le moins.

En deuxième lecture, le Sénat a rétabli le caractère obligatoire et systématique de la consultation des collèges, lorsque le Défenseur des droits intervient dans leur domaine d'expertise, ce qui est contraire à la lettre de la Constitution, et je m'étonne que la commission des lois du Sénat, peuplée de si grands juristes, ait pu commettre cette erreur. Le Sénat a également rétabli la possibilité pour le Défenseur des droits de demander une seconde délibération à un collège, ainsi que la nécessité pour le Défenseur d'exposer ses motifs avant de s'écarter de l'un de ses avis.

Notre Commission a rétabli le caractère facultatif de la consultation des collèges par le Défenseur des droits, considérant que la systématicité de cette consultation serait de nature à rigidifier le fonctionnement de cette institution. Elle a également supprimé la possibilité d'une seconde délibération et l'obligation pour le Défenseur de se justifier lorsqu'il s'écarte d'un avis.

Mes chers collègues, ces textes constituent une étape importante dans le renforcement de la protection des droits et libertés dans notre pays, et c'est la raison pour laquelle le groupe UMP les votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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