Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à bien des égards, la proposition de loi que nous examinons ce soir est un exemple de ce que nous ne devrions pas faire.
Le rapporteur au Sénat l'a qualifiée de « fourre-tout », tandis que président de la commission des lois argue d'un motif légitime, celui de la simplification de la loi, pour faire admettre son caractère désordonné et parcellaire.
Pourtant, certaines dispositions ne sont pas de simples mesures de simplification. Elles traitent au fond de sujets qui auraient mérité un autre « véhicule » ou vecteur juridique pour être discutées et abordées et leur faire correspondre des réponses qui soient cohérentes et globales.
Pour illustrer mon propos, je prendrai trois exemples tirés du droit de la consommation qu'évoque le texte.
Le premier exemple est celui de l'article 1er bis. Cet article, qui résulte d'un amendement du Sénat, vise à mieux encadrer les relations commerciales entre opérateurs de services de communications électroniques et consommateurs.
À juste titre, nos collègues du Sénat se sont avisés que la loi du 3 janvier 2008 était en fait détournée ou mal appliquée par les opérateurs. Ainsi, le droit pour les consommateurs d'être mis en relation téléphonique à un coût fixe non surtaxé pendant l'attente de la réponse du service d'assistance ou technique et le droit de ces mêmes consommateurs de pouvoir résilier à un coût correspondant aux seules opérations nécessaires sont apparus comme n'étant pas effectifs.
L'article en question vise donc remédier à cette situation. Très bien ! Mais alors pourquoi ne pas profiter de ce texte, puisque, comme le rappelait M. le rapporteur tout à l'heure, on utilise l'article 38 de la Constitution, pour corriger d'autres inégalités apparues ces derniers mois entre professionnels et consommateurs ?
Les associations de consommateurs nous ont ainsi clairement avertis que de nouveaux abus se faisaient jour dans l'accès au net par la téléphonie mobile. Nous aurions pu interdire aux opérateurs de téléphonie mobile l'utilisation des termes « forfaits illimités » pour désigner une offre limitée d'échanges de données. La révision de la loi applicable aurait pu et aurait dû être une opportunité d'améliorer effectivement le statut des consommateurs de téléphonie mobile.
Un deuxième exemple d'inadéquation de la loi avec les pratiques est donné par l'article 6 bis A, qui traite du retrait de droit d'un associé d'une société d'attribution d'immeubles en jouissance à temps partagé en cas de succession.
Cet article, qui résulte d'un amendement sénatorial, vise à revenir à une rédaction adoptée par le Sénat l'année précédente. Il s'était alors agi de faire en sorte que le retrait de l'associé soit de droit lorsque les parts qu'il détient dans la société lui ont été transmises par succession.
Il est clair qu'une discussion plus au fond aurait permis de mettre en lumière la situation des personnes piégées en quelque sorte par la logique de ces biens immobiliers à temps partagé, notamment lorsqu'elles ont acquis un temps d'usage et qu'elles ne peuvent plus payer les charges de gestion correspondantes. À l'occasion de la présentation d'un rapport fait au nom de la commission des affaires européennes sur le projet de directive réformant le droit des consommateurs, j'avais recommandé que soit envisagée la nullité de ce type de contrat en cas de non-communication d'informations pertinentes, notamment sur les frais d'entretien.
D'une certaine façon, cette loi est une loi papillon, effleurant un sujet, passant à un autre, sans nous permettre de nous y arrêter suffisamment pour en apercevoir les tenants principaux et les sources d'incertitude et de difficulté d'application.
Le troisième exemple d'article faisant évoluer la législation sans évaluation des dispositions au fond est donné par l'article 140. Celui-ci redéfinit le périmètre de la récidive légale en matière d'infractions au droit de la consommation en assimilant un certain nombre de délits relatifs à la tromperie ou à la fraude sur la nature et la qualité d'éléments destinés notamment à l'alimentation.
A priori plutôt simple, cet exercice s'est trouvé compliqué par des amendements gouvernementaux adoptés par le Sénat et sur les motifs desquels le rapporteur de l'Assemblée n'a, lui-même, pas pu faire la lumière : étaient incluses certaines infractions relatives aux dispositifs médicaux mais exclus d'autres délits relatifs à la préparation de médicaments et à leur commercialisation.
La simplicité présumée de l'exercice ne permet pas de savoir les effets qui sont attendus des modifications en cascade proposées : il n'y a aucune évaluation du nombre d'affaires pénales en cause, aucune précision sur les effets possibles en matière de peines. Bref, si la simplification est recherchée, la transparence, elle, n'est pas au rendez-vous !
Qu'attendre donc de cette simplification du droit en matière de consommation ? Des corrections partielles et des ajustements encore à venir. Là n'est pas, me semble-t-il, la priorité du travail parlementaire. L'action législative est faite pour donner un cadre juridique rassurant et amoindrir, comme le disait Condorcet, les inégalités de situation.
À bien y regarder, cette proposition de loi n'est pas rassurante et n'a pas été animée en matière de consommation par le souci d'amoindrir les inégalités entre professionnels et consommateurs.