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Intervention de Claude Goasguen

Réunion du 18 janvier 2011 à 21h30
Garde à vue — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude Goasguen :

Le texte qui nous est proposé satisfait à ce principe, mais y satisfait-il totalement ? Nous devons encore en débattre, même si les discussions ayant déjà eu lieu ont permis de rapprocher nos points de vue.

L'un des premiers points difficiles que nous aurons à régler est celui de l'intégration de l'enquête à la procédure. Je sais que ce principe heurte certaines personnes, mais je rappelle que, au xixe siècle, le juge d'instruction était dispensé d'avocat. Lorsque l'avocat a pu s'asseoir en face du juge d'instruction, cela a été tellement populaire que le juge a dû se doter d'une procédure lui permettant d'éviter l'avocat : la commission rogatoire. Nous allons parvenir à une procédure où, après trois siècles, l'avocat ne sera plus l'élément gêneur, mais l'élément essentiel de la procédure.

C'est tout à l'honneur de la police que d'accepter cette procédure. En réalité, elle aura tout à gagner, en termes de considération, à admettre la présence de l'avocat à ses côtés. On entend en effet trop souvent proférer des accusations sans fondement au sujet de la police. Connaissant bien les procédures de police, je suis en mesure d'affirmer que 99,99 % d'entre elles ne sont entachées d'aucune atteinte aux droits fondamentaux, et que la plupart des gardes à vue se déroulent conformément au droit. Pourtant, la seule absence de l'avocat suffit à donner à la police une image qui n'est pas celle qu'elle devrait avoir. En tout état de cause, je suis persuadé que la police parviendra à s'accommoder de cette procédure ; il le faudra bien.

La question qui risque de poser vraiment problème est celle de la compatibilité de l'évolution générale du droit, qui tend à une procédure contradictoire, avec cet élément essentiel du droit français qu'est le représentant de la puissance publique, à savoir le procureur. Plusieurs interrogations se posent.

Ainsi, le délai de carence sera utilisé, comme cela était précédemment le cas avec le juge d'instruction : si vous laissez place au moindre interstice, la notion de puissance publique, dominante dans la procédure, reprendra ses droits, et le délai de carence deviendra de plus en plus un délai d'absence.

De la même manière, je suis persuadé que les douze heures qui sont accordées feront l'objet d'une jurisprudence, et cela sera long et pénible, car il faudra, bien entendu, que le procureur explique les raisons du recours à ces circonstances exceptionnelles, qui risquent de devenir habituelles – voire de recours devant le Conseil constitutionnel, avec le risque d'une annulation, laquelle serait préjudiciable à la vision que l'on peut avoir de notre droit.

De ce point de vue, je partage totalement l'avis de la Cour de cassation – permettez-moi de le souligner, même si je me soumettrai à la décision du groupe – sur les régimes spéciaux. Fondamentalement, cette histoire ne tient pas debout ! Croyez-vous que les terroristes vont parler au bout de quatre jours, alors que les Américains, même à Guantanamo n'y sont pas parvenus en dix ans. C'est une plaisanterie !

Le fait que quelqu'un soit accusé de graves délits ou de crimes n'interdit absolument pas que l'avocat soit présent. L'énumération des avocats susceptibles de participer au procès dans les régimes spéciaux est, sinon une véritable insulte, du moins une forme de discrimination à l'égard des avocats. Certains pourront venir, tandis que d'autres n'auront pas ce droit ! Suivant quels critères ? Comment les barreaux pourront-ils accepter cette exception ?

Ces aspects, monsieur le garde des sceaux, ne dénaturent pas l'élément essentiel de votre loi, mais ils prêtent tout de même à discussion.

Je tiens également à vous indiquer, chers collègues de gauche, que vous êtes dans une position qui n'est pas tenable. Vous vous fondez sur cette idée que, à terme, vous obtiendrez que le procureur soit indépendant. Or ce n'est pas du tout cette conception qui doit être dominante dans le droit moderne. Au contraire, cela va vous enfermer sur le problème de la garde à vue et conforter les critiques adressées au système français en donnant à la puissance publique, qui sera désormais une puissance publique indépendante, un rôle majeur dans notre procédure.

Nous sommes un certain nombre à préférer une procédure contradictoire. En effet, il y a deux métiers qui sont, de toute évidence, totalement différents, même si, nominalement, il s'agit toujours d'un magistrat.

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