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Intervention de Bernard Gérard

Réunion du 18 janvier 2011 à 21h30
Garde à vue — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Gérard :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons aujourd'hui à une étape décisive de nos travaux sur la réforme de la garde à vue, réforme qui doit être achevée au 1er juillet 2011. Cette étape est déterminante, car, après de nombreux débats en groupe de travail ou en commission des lois, des interrogations demeurent sur plusieurs points de la réforme.

Celle-ci nous propose la mise en place d'une nouvelle garde à vue assurant davantage les droits de la défense et répondant aux cas strictement nécessaires à l'enquête ; ces exigences font suite aux dernières décisions du Conseil constitutionnel, de la Cour de cassation et de la Cour européenne des droits de l'homme.

Tout le monde s'accorde à reconnaître que les gardes à vue sont aujourd'hui trop nombreuses. Cela entraîne une certaine banalisation de cette mesure, qui touche un nombre élevé de nos concitoyens. Il faut rappeler que la garde à vue n'est pas un acte anodin, dans la mesure où elle entraîne une privation de liberté. Dans ce sens, la volonté affirmée par le Gouvernement de voir diminuer le nombre de gardes à vue et d'en encadrer l'usage doit être saluée.

Cela a été dit, les enjeux de cette réforme sont nombreux, l'équilibre recherché entre droits de la défense et besoins de l'enquête doit guider nos travaux et nos décisions. L'admission de la présence de l'avocat tout au long de la garde à vue, et ce dès le début de la mesure, sa présence durant les auditions, la possibilité qui lui est donnée de poser des questions, sont autant d'avancées majeures qui permettront une amélioration effective des droits de la défense. Cet élargissement des prérogatives de l'avocat a alimenté nos débats et des avancées ont été votées en commission : le délai de carence introduit en commission me semble important puisque les barreaux vont devoir eux-mêmes s'organiser pour garantir cette assistance sur l'ensemble du territoire vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Cette mise en oeuvre n'entraînera pas les mêmes implications que l'on soit à Paris ou en province. Il faut en être conscient. Les barreaux vont devoir regrouper leurs forces et je pense que la question de la création de barreaux régionaux est réellement posée au travers de cette réforme.

Plusieurs interrogations ont également été formulées quant à la possibilité pour un avocat d'assister plusieurs personnes mises en cause dans une même affaire. N'oublions pas que les avocats sont soumis à des obligations déontologiques qu'ils ont l'obligation de respecter ; il ne faut pas la sous-estimer. Son respect est soumis à la censure des ordres professionnels. C'est la force des barreaux. C'est leur honneur.

Quant au contrôle de la garde à vue et aux implications de la jurisprudence actuelle sur ce contrôle, doit-il être confié au procureur ou à un juge du siège ? En tant qu'ancien avocat, je vais peut-être surprendre mes confrères. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme a donné lieu à plusieurs analyses et il convient d'appuyer la position du Gouvernement sur ce point en reconnaissant le rôle du procureur en la matière au nom du principe de réalisme et d'efficacité.

Pour avoir exercé cette profession pendant vingt-cinq ans, je reconnais que les magistrats du siège sont libres, certes, mais ils n'ont pas l'obligation de résidence, à l'exception des chefs de juridiction. Comment voulez-vous faire fonctionner cette réforme sans les magistrats du parquet ? Il serait totalement illusoire d'imaginer que tous les magistrats du siège pourraient être suffisamment présents dans leur juridiction, compte tenu de la manière dont s'exerce leur profession. Il faut oser le dire, sans faire insulte à qui que ce soit, notamment pas à cette noble profession de magistrat.

Il est un autre point que je tiens à souligner : la non réintroduction par le Gouvernement de l'audition libre.

À cet égard, il convient de saluer ici la sagesse du Gouvernement, qui respecte ainsi le souhait de nombreux parlementaires exprimé en commission des lois contre la mise en place de ce nouveau régime. En effet, en matière de protection des libertés publiques, il ne peut y avoir de petite et de grande garde à vue. Si je comprends que, au nom du principe d'efficacité, l'idée de l'audition libre pouvait se justifier, il ne faut pas opposer les services de police aux avocats, qui ne sont pas, dans la pratique, des empêcheurs de prouver en rond. La mise en place d'une réforme équilibrée et respectant le rôle de chacune des parties en présence devra permettre la manifestation de la vérité. Les moyens scientifiques, techniques, technologiques, aideront la police, mais ils auront incontestablement un coût.

Je tiens également à mettre en avant les améliorations des conditions de garde à vue prévues par le texte sur lequel nous débattons pour un meilleur respect de la dignité du gardé à vue : ainsi la personne placée en garde à vue se verra notifier son droit au silence et les fouilles au corps intégrales pour des questions de sécurité seront proscrites.

Nous sommes donc en charge d'une réforme qui est nécessaire et qui constitue un premier pas vers la réforme de notre procédure pénale. Nous convenons tous que le régime de la garde à vue doit être adapté, sans stigmatisation de la police, qui fait un travail remarquable. Nous saluons le renforcement des droits de la défense, mais aussi, monsieur le ministre, de ceux des victimes, qu'il ne faut pas oublier. Ces droits sont renforcés par l'adoption d'un amendement du rapporteur prévoyant le droit, pour la victime d'une infraction, à être assistée par un avocat si elle est confrontée avec une personne gardée à vue qui est elle-même assistée. Il était impérieux de rappeler que, si les libertés publiques sont l'honneur d'une démocratie, la protection des plus faibles, c'est-à-dire des victimes, est le premier devoir de l'État. Il nous appartient, ici, de concilier ces deux objectifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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