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Intervention de Marylise Lebranchu

Réunion du 18 janvier 2011 à 21h30
Garde à vue — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarylise Lebranchu :

Plusieurs de nos collègues, depuis longtemps, réclament une telle réforme, convaincus par la dégradation des conditions actuelles de la garde à vue, notamment en raison de la détérioration des conditions d'accueil à l'intérieur des commissariats ; et je pense aussi aux victimes, monsieur Jung. La dégradation des conditions de la garde à vue est telle que nous devons présenter des arguments qui ne font pas honneur à la France, tout le monde l'a souligné.

Mes discussions avec plusieurs d'entre vous, vos interventions renforcent ma conviction que le débat est complexe et mérite d'être prolongé afin que nous puissions nous accorder sur certains points.

Par exemple, notre collègue Éric Ciotti vient de déclarer avec bonne foi qu'il faut, dans les cas de crimes graves comme les enlèvements d'enfants, que les policiers puissent déroger aux règles de la garde à vue telles que les prévoit le texte. Lorsqu'il s'agit de la sauvegarde de la vie humaine, monsieur Ciotti, les policiers qui font bien leur métier peuvent déjà s'abstraire de certaines procédures à condition, évidemment, d'en prévenir le magistrat, ou les magistrats si le texte est adopté. Nous devons prêter attention à ce que nous écrivons, à ce que nous faisons car le mieux peut être l'ennemi du bien. Ainsi on sera fondé à vous demander ce que recouvre la notion de « cas grave ». Laissons aux officiers de police judiciaire, sous le contrôle des magistrats, le pouvoir de mener l'enquête comme ils l'entendront, dans le cas où il s'agira de sauver une vie humaine, les avocats pouvant dénoncer tout éventuel vice de procédure.

Certains réclament la possibilité de demander à un prévenu de décliner son identité s'il fait valoir son droit au silence. Si droit au silence il y a, il doit être respecté ; je renvoie à la jurisprudence Miranda. Nos amis d'outre Atlantique avaient trouvé une réponse à cette difficulté : quand le droit au silence empêche l'officier de police judiciaire de savoir à qui il a affaire, il peut utiliser les moyens scientifiques permettant de déterminer l'identité du prévenu. Au lieu de préciser que celui-ci sera « obligé » de divulguer son identité, adoptons donc des dispositions qui se révéleront plus efficaces.

En outre, l'institution d'un délai de carence de deux heures, avant l'expiration duquel la première audition de la personne gardée à vue ne pourra pas débuter, pose problème. Nous devons nous montrer pragmatiques et avoir à l'esprit le temps que prendra le fait de devoir prévenir le barreau, le bâtonnier, etc. Je me souviens avoir eu à faire adopter des textes récrits ensuite à deux ou trois reprises parce qu'ils s'étaient révélés inopérants. Soyons donc prudents.

Un débat porte sur le point de savoir si le contrôle de la garde à vue doit être confié aux procureurs ou aux magistrats du siège, mais il nous enferme. Il est tout à fait imaginable, pendant les premières heures, de confier le tout au procureur, avant d'en appeler au juge du siège uniquement pour la prolongation de la garde à vue si elle est nécessaire. Monsieur le ministre, vous êtes victime de la situation dans laquelle nous sommes. Depuis longtemps, nous demandons avec force, et non sans arguments, que soit revu le statut actuel des procureurs, qui ont besoin de soutien, qui en ont assez de tout ce que l'on peut dire de leur absence d'indépendance, mais qui en ont assez aussi, peut-être, de voir leur carrière dépendre entièrement des gardes des sceaux successifs.

Cela nous conduira, y compris à partir d'un texte que vous n'avez pas forcément voulu, en ce mois de janvier, à reposer la question de ce que signifie « autorité judiciaire », de ce que signifie « indépendance du parquet », et de ce que signifie, ensuite, l'obligation pour les procureurs d'obéir aux instructions de politique pénale. La chaîne hiérarchique chancellerie-parquet ne pourra fonctionner que le jour où la garantie de nomination sera acquise.

Il s'agit d'un vrai débat qu'il faudrait que nous reprenions. Chacun peut donc constater que ce texte sur la garde à vue ouvre, un à un, tous les sujets qui n'ont pas été traités.

Il est difficile d'entendre, d'une part, notre collègue M. Garraud, qui a été magistrat, nous dire que le parquet n'est pas une partie, pour entendre ensuite, d'autre part, l'un de ses collègues appartenant à la même famille politique affirmer que oui, le parquet est une autorité poursuivante.

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