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Intervention de Michel Hunault

Réunion du 18 janvier 2011 à 21h30
Garde à vue — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Hunault :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, pour la première fois depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, notre assemblée est saisie d'un projet de loi qui vise à tirer les conséquences d'une décision rendue dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité par le Conseil constitutionnel. En abrogeant le support légal de la garde à vue tout en renvoyant les effets de sa décision au 1er juillet prochain, le Conseil constitutionnel a plus largement mis le législateur en demeure de définir un nouvel équilibre entre les droits de la défense et la protection de l'ordre public au cours d'une mesure progressivement devenue un symbole de l'enquête policière.

Le projet de loi dont nous discutons revêt bel et bien une importance cruciale. Monsieur le ministre, je vous ai entendu tout à l'heure avec beaucoup d'intérêt. Vous avez replacé cette discussion dans le long cheminement de textes qui visent à accroître les libertés. Vous avez rappelé à juste titre la loi pénitentiaire, l'instauration du contrôleur général des lieux de privation de liberté, la question prioritaire de constitutionnalité, et cet après-midi même nous avons voté la création d'un Défenseur des droits.

Convenons-en, le débat sur la présence d'un avocat en garde à vue est ancien. Il échouait jusqu'alors sur l'une de nos traditions juridiques, celle d'une certaine conception de la procédure pénale selon laquelle le caractère contradictoire des phases d'instruction puis de jugement permettait de poser certaines restrictions aux droits de la défense lors de la phase policière sans remettre en cause pour autant ni la présomption d'innocence ni l'équilibre du procès pénal lui-même.

Incontestablement, l'année écoulée a fait voler en éclats l'ensemble des lignes de fracture qui marquaient traditionnellement ce débat. D'ailleurs, monsieur le ministre, vous avez dit tout à l'heure – c'est une information capitale – que désormais « aucune condamnation ne pourra être faite sur des déclarations elles-mêmes faites hors de la présence de l'avocat ». C'est là un progrès considérable.

Ce fut, d'abord, le fait de la Cour européenne des droits de l'homme – ses différents arrêts ont été cités –, qui condamnait les États en les déclarant en contradiction avec la Convention de sauvegarde des droits de l'homme dès lors que les droits du gardé à vue étaient limités.

Ce furent, ensuite, les chiffres que vous avez vous-même rappelés : près de 800 000 gardes à vue en France en 2010. Déjà, votre collègue du ministère de l'intérieur avait donné des instructions l'année dernière – je parle sous votre contrôle – pour que le nombre de gardés à vue ne soit plus un critère de performance de la police.

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Delarue, estime quant à lui que la plupart des lieux de garde à vue sont dans un état indigne pour les personnes qui y séjournent, qu'elles soient interpellées ou qu'elles y exercent des fonctions. Il parlait des cellules de gardés à vue comme de lieux des plus médiocres.

Ce projet de loi est donc un progrès. Le renforcement du rôle tenu par l'avocat lors de la garde à vue constitue désormais un point consensuel du débat. Le Président de la République lui-même, déclarait devant la Cour de cassation, le 7 janvier 2009 : « Parce que les avocats sont des auxiliaires de justice, qu'ils ont une déontologie forte, il ne faut pas craindre leur présence dès les premiers moments de la procédure. Il ne le faut pas parce qu'elle est bien sûr une garantie pour leur client. Elle est aussi une garantie pour les enquêteurs eux-mêmes, qui ont tout à gagner d'un processus consacré par le principe du contradictoire. » C'est là, monsieur le garde des sceaux, une vision partagée entre vous et les membres de votre majorité : le progrès qui n'est perçu aujourd'hui que pour le gardé à vue, est également un progrès pour les policiers et les forces de gendarmerie. Il n'y a pas de contradiction dans le texte ; il n'est pas inutile de le rappeler.

Je voudrais maintenant parler des abus, car si nous sommes dans cet hémicycle ce soir c'est qu'il y en a eu. Lorsque la commission d'Outreau a été créée, nous avons vu quelles étaient les failles d'une garde à vue faite sans un minimum de garanties. Nous-mêmes, sur tous les bancs de cet hémicycle, avions déposé des propositions de loi visant à introduire la présence de l'avocat dès la première heure de garde à vue, et ce n'est pas sans émotion que je pense au texte que j'avais défendu.

Sur le fond, il nous faut trouver un nouvel équilibre entre la protection des droits de la défense et les nécessités de l'enquête. Et là, je voudrais m'élever contre les attaques dont font trop souvent l'objet les magistrats du parquet, qui sont mis en cause alors que la recherche de la vérité n'est pas contraire à leur volonté d'assurer, eux aussi, la protection des libertés individuelles – je crois nécessaire de le rappeler à cette tribune.

Il nous faut donc concilier l'efficacité des procédures et la protection des droits. La police et la justice ne mènent pas leurs missions l'une sans l'autre. Les magistrats du parquet sont mobilisés jour et nuit, les policiers aussi, car l'enjeu est bien de lutter contre la grande criminalité. M. Vaxès ne m'en voudra pas, mais je plaide pour qu'il y ait des régimes dérogatoires dès lors qu'il s'agit de lutter contre le terrorisme ou la grande criminalité organisée. Il me semble nécessaire de maintenir cette différence.

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