Je vous remercie, monsieur le président, d'avoir excusé le garde des sceaux. Les hasards de l'agenda ont fait que M. Mercier devait assister, en même temps qu'à notre séance, à la prise de fonction du président de la cour d'appel. Il nous rejoindra vers dix-huit heures trente.
Monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, les deux textes soumis à votre examen s'inscrivent dans la démarche du Président de la République et du Gouvernement visant à renforcer la garantie des droits et libertés de nos concitoyens, démarche dont la question prioritaire de constitutionnalité ou la réforme de la garde à vue sont d'autres marqueurs essentiels.
Sur proposition du comité Balladur, qui avait été chargé de réfléchir à la modernisation et au rééquilibrage des institutions de la Ve République, la révision constitutionnelle votée en juillet 2008 a consacré, à l'article 71-1, une institution nouvelle, le Défenseur des droits, dont elle a fixé le cadre des attributions et des modalités d'intervention. L'objet des projets de loi organique et ordinaire dont nous débattons aujourd'hui est d'en préciser les contours et les prérogatives.
Le rapporteur Pierre Morel-A-L'Huissier, dont je suis heureux de saluer le travail déjà très riche et très approfondi, en partage, je crois, les grands objectifs. Je voudrais également remercier le président de la commission des lois, qui a conduit les débats avec beaucoup d'autorité et de discernement.
Il s'agit en premier lieu d'instituer une autorité au périmètre large pour apporter plus de clarté et plus de force dans la défense des droits et des libertés.
La création d'autorités administratives indépendantes multiples – il en existe plus de quarante – a répondu à des besoins divers apparus au fil du temps, toujours différents. Il s'agissait de protéger au cas par cas les droits et libertés du citoyen face au poids de l'administration ou au développement de certaines technologies.
Cependant, la multiplication et la fragmentation de ces autorités créent incontestablement des difficultés. D'une part, l'organisation actuelle manque de clarté pour nos concitoyens. Quelle autorité saisir ? Comment la saisir ? À qui s'adresser en cas de difficultés ? Les interrogations sont nombreuses. D'autre part, la diversité des structures peut nuire à la cohérence d'action des différentes autorités. Recentrer permet d'être plus efficace.
Le projet apporte des réponses à ces difficultés. Il crée une structure d'autorité constitutionnelle – j'insiste sur ce point – transversale, plus visible et plus facilement identifiable. Compte tenu des travaux du Sénat et de votre commission des lois, celle-ci exercera les compétences aujourd'hui dévolues au Médiateur de la République, à la Commission nationale de déontologie de la sécurité, au Défenseur des enfants, à la HALDE et même, à compter de l'expiration du mandat de son actuel titulaire, au Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Sa saisine par le citoyen sera directe et gratuite, sans aucune entrave, y compris, bien sûr, pour les mineurs, étant précisé que le Défenseur aura en outre la possibilité de s'autosaisir dans tous les domaines de sa compétence.
Doté d'un large périmètre d'intervention, le Défenseur aura par ailleurs des prérogatives fortes pour une protection plus efficace des droits et des libertés.
Sa nomination contrôlée par les commissions compétentes de chaque chambre – en application de l'article 13, alinéa 5, de la Constitution –, les immunités dont il bénéficiera et les incompatibilités auxquelles il sera soumis contribuent à la force de son statut.
Il jouira surtout de pouvoirs étendus par rapport aux autorités administratives dont il reprend les attributions.
Le Défenseur aura des pouvoirs d'investigation et de contrôle, par des vérifications sur place et, le cas échéant, des visites inopinées, des sanctions pénales étant en outre prévues pour quiconque y ferait opposition sans raison valable. C'est considérable !
Il sera investi d'un pouvoir d'injonction, pour le cas où ses premières recommandations resteraient sans effet, assorti d'une possible publication du dossier au Journal officiel.
Il pourra proposer à l'auteur de la réclamation et à la personne mise en cause de conclure une transaction pour mettre fin au litige qui les oppose.
Il aura la possibilité de présenter des observations dans les instances en cours devant les juridictions, non pas bien sûr à la place des parties, auxquelles il n'a pas vocation à se substituer, mais en tant qu'intervenant.
Il pourra saisir le Conseil d'État afin de faire trancher par celui-ci une question sur l'interprétation de textes législatifs ou réglementaires applicables.
Le Défenseur des droits sera aussi une véritable force de proposition pour améliorer les textes en vigueur. Il s'appuiera à cette fin, comme dans l'exercice de l'ensemble de ses attributions, sur d'importants moyens d'expertise ; les collèges et ses adjoints lui apporteront leurs compétences dans chacun de ses différents domaines d'intervention.
Une attention toute particulière est portée à ce titre à la protection des mineurs : conformément à une disposition introduite par le Sénat, un adjoint portera le titre de Défenseur des enfants et sera chargé de seconder le Défenseur des droits dans ses missions. Ceux qui souhaitaient une identification du Défenseur des enfants pour que ces derniers puissent éventuellement le saisir peuvent donc être rassurés.