Si le 29 septembre fut la date choisie pour le conseil des ministres, c'est qu'en réalité, les arbitrages n'avaient pas été rendus. On peut comprendre qu'ils furent difficiles à rendre, car il s'agissait d'affirmer deux choses contradictoires, comme l'a révélé l'examen de cette loi de finances initiale : d'une part, tenir une trajectoire des finances publiques sur une réduction des déficits publics à 6 % l'année prochaine – c'est naturellement possible –, d'autre part, ne pas augmenter les impôts, ce qui est également possible. À ceci près que l'année prochaine, si la trajectoire est tenue, les impôts augmenteront, et si les impôts n'augmentent pas, la trajectoire ne sera pas tenue.
Nous comprenons la difficulté qu'il y eut à rendre des arbitrages : j'ignore si la trajectoire des finances publiques sera respectée – je le souhaite ardemment, monsieur le ministre –, mais nous savons tous que les impôts augmenteront. C'est ce qui ressort des documents budgétaires que le ministère a pu fournir au Parlement : les prélèvements obligatoires augmenteront d'un point de PIB, et les augmentations volontaires d'impôts comptent au moins pour moitié dans cette augmentation d'un point des prélèvements obligatoires l'année prochaine, l'examen de la loi de finances l'a montré. Affirmer le contraire est toujours possible, cela relève de la liberté d'expression de chacun ; mais au moins ceux qui ont examiné ce projet de budget savent que ceux qui s'y risqueraient ne diraient pas une chose exacte.
La deuxième appréciation que je voudrais porter sur la méthode est relative à la deuxième délibération que, par loyauté à l'égard du Premier ministre, vous avez décidé de présenter, monsieur le ministre, lors de l'examen de la loi de finances initiale ici même.
Nous savons qu'au-delà de la solidarité gouvernementale, ce n'est pas vous qui avez demandé cette deuxième délibération mais un autre ministre. Nous avons regretté et la méthode et le fond.
La méthode, car de nombreux parlementaires ont beaucoup travaillé, très longtemps, et voir le résultat de ces travaux remis en cause de manière aussi brutale et, oserais-je dire, aussi légère par la décision d'un seul homme – lequel n'est informé que de manière partielle, d'ailleurs probablement même pas par un membre du Gouvernement – n'est pas la manifestation la plus aboutie de la revalorisation du rôle du Parlement à laquelle, au fond, nous sommes tous attachés. Avoir vécu cela prouve bien qu'aucun texte ne remplacera jamais, pour revaloriser le rôle du Parlement, le travail des parlementaires. De la même manière qu'aucun texte n'imposera jamais au Gouvernement ce respect, que pourtant il devrait avoir. C'est la pratique qui devrait l'imposer, c'est-à-dire le fond des dossiers et les explications sincères.
Au-delà de cette méthode contestable, les explications données par le même membre du Gouvernement qui avait obtenu cette deuxième délibération ne m'ont pas semblé correctes à l'égard de l'ensemble de la représentation nationale. En effet, cette deuxième délibération fut justifiée par le fait que les députés étaient « dépensiers » et qu'il fallait bien que le Gouvernement sévisse afin de les ramener à la raison – ce ne sont pas les termes exacts qui furent utilisés mais c'est en substance ce que les propos signifiaient.