Ayant été garde des sceaux peu après les événements de New York et ayant beaucoup travaillé avec l'attorney general des États-Unis, je sais que nous devrons continuer à nous battre tous les jours contre le terrorisme. Au risque de choquer, je tiens à dire que si les procédures judiciaires devaient être trop contraignantes, nous risquerions de passer à des pratiques de type militaire. C'est ce qui est arrivé aux États-Unis. Si les règles de droit ne permettent pas à un pays de se défendre, il se défendra en mettant ces règles entre parenthèses. Il n'y pas lieu de s'en réjouir, bien entendu, mais c'est ce que l'histoire nous enseigne. Les conversations personnelles que j'ai eues avec John Ashcroft au sujet de Guantanamo m'ont permis de bien comprendre pourquoi les États-Unis ont préféré rester sous statut militaire pour mener certaines actions plutôt que de se placer sous statut judiciaire. Ce n'est nullement un modèle – à l'époque, j'avais dit à l'attorney general ce que j'en pensais –, mais c'est un vrai sujet. Un pays peut se trouver à un moment donné dans la nécessité historique de devoir se défendre. S'il ne peut le faire dans le cadre du droit général, il le fera autrement.
Je reconnais volontiers que le problème se pose différemment pour la criminalité organisée, mais le travail mené sur ce sujet avec de grands policiers et de grands magistrats m'avait convaincu qu'il fallait faire quelque chose. Comme me le disait un jour un juge, il arrive que le seul choix de l'avocat montre que l'on ne s'est pas trompé... Il est notoire que certaines mafias ont des avocats en leur sein !