Il faut bien distinguer la décision de placement en garde à vue et le contrôle juridictionnel de celle-ci. Que la décision soit prise par un officier de police judiciaire n'est pas anormal, sous la réserve que vient d'indiquer le professeur Gaudemet et sous celle, peut-être, de préciser la qualité d'officier de police judiciaire. Mais la jurisprudence européenne exige que, dès l'instant où il y a privation de liberté, un contrôle juridictionnel s'exerce. Celui-ci doit remplir certaines conditions : la promptitude, l'automaticité – la personne ne doit pas avoir à solliciter elle-même un contrôle –, et surtout un contrôle exercé par un magistrat ou par une autorité judiciaire au sens de la Convention européenne des droits de l'homme. Or, toute la jurisprudence de la Cour européenne démontre qu'en France, le procureur de la République n'a pas cette qualité : il n'est pas un magistrat. La Cour a déjà condamné plusieurs États sur ce fondement, en particulier l'Italie et la Roumanie. Dans son arrêt Medvedyev contre France, sans statuer directement sur la question, elle a néanmoins clairement rappelé ses exigences. D'une part, le magistrat, au sens de la Convention européenne, doit être indépendant de l'exécutif, ce qui n'est pas le cas du procureur de la République, placé dans une situation de subordination hiérarchique. D'autre part, ce magistrat doit pouvoir se prévaloir d'une impartialité fonctionnelle, c'est-à-dire ne pas être susceptible d'exercer ensuite des poursuites contre la personne qu'il aura lui-même placée en garde à vue, ce qui n'est pas non plus le cas du procureur de la République. Le contrôle de la garde à vue et de sa prolongation ne peut donc appartenir, aux termes de la Convention européenne, qu'à un magistrat du siège.