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Intervention de Yves Gaudemet

Réunion du 17 novembre 2010 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Yves Gaudemet, professeur à l'Université Paris II Panthéon-Assas, président du groupe de travail sur les aspects constitutionnels et conventionnels de la réforme de la procédure pénale :

Je vous remercie, monsieur le président, de la confiance que vous nous faites par provision en nous invitant : nous ferons tout pour l'honorer.

Le rapport dont vous avez eu communication est le fruit d'une initiative de Mme Michèle Alliot-Marie, alors garde des sceaux, qui souhaitait être éclairée sur le cadre constitutionnel et conventionnel – il s'agit essentiellement, à ce dernier égard, de la Convention européenne des droits de l'homme – dans lequel il convient d'inscrire, dans le droit français, la réforme de la procédure pénale.

Il est vite apparu que la mise en oeuvre en France du contrôle prioritaire de constitutionnalité aurait pour effet d'harmoniser les exigences découlant de notre Constitution avec celles de la Convention européenne des droits de l'homme : en effet, dès lors que le Conseil constitutionnel, saisi d'une question touchant à la réforme de la procédure pénale, notamment de la garde à vue, maintiendrait une jurisprudence qui serait en deçà des exigences conventionnelles, la non-conformité de notre Constitution à ces mêmes exigences éclaterait aussitôt aux yeux de tous. De plus, l'actualité nous a servis au travers des deux arrêts « Medvedyev contre France » de la Cour de Strasbourg.

Je tiens, avant d'entrer dans le vif du sujet, à préciser que M. Frédéric Sudre est un des meilleurs connaisseurs de la jurisprudence de la Convention européenne des droits de l'homme, que M. Didier Rebut est un de nos grands pénalistes et que je suis, pour ma part, un constitutionnaliste. Le champ de la question est donc couvert par les trois branches du droit concernées.

Il n'y a pas, à l'heure actuelle, d'implications directes et nécessaires des jurisprudences du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation ou de la Cour européenne de Strasbourg sur le champ des infractions pouvant justifier le placement en garde à vue.

Le projet de loi prévoit en revanche une organisation nouvelle qui, sans être directement commandée par ces jurisprudences, est inspirée du louable souci de limiter le nombre des gardes à vue. L'audition libre deviendrait ainsi la forme normale d'information en cas de soupçon, la garde à vue ne concernant plus que les personnes soupçonnées d'infractions punies d'une peine d'emprisonnement – ce qui n'est pas le cas actuellement. De même, la prolongation de la garde à vue au-delà de vingt-quatre heures, jusqu'à quarante-huit heures, ne serait possible que si la peine encourue est égale ou supérieure à un an. Sans doute ces dispositions nouvelles sont-elles l'effet indirect du principe de proportionnalité, qui gouverne toute la jurisprudence de la Cour de Strasbourg : pour celle-ci, en effet, toute mesure directement attentatoire à la liberté individuelle et entrant, de ce fait, dans le champ de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, ne doit être autorisée par la loi qu'en cas de soupçon portant sur une infraction susceptible, si elle est constatée, d'entraîner une peine d'une certaine importance.

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