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Intervention de Patrick Bloche

Réunion du 18 novembre 2010 à 9h30
Indépendance des rédactions — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Bloche, rapporteur :

Pourtant, ce rapport était une manière de vous tendre la main pour que vous vous adressiez à tous les journalistes de France, en tant que ministre de la communication, et que vous puissiez leur dire la préoccupation que suscite pour vous la précarisation croissante de la profession de journaliste, son vieillissement, le recours systématique aux contrats à durée déterminée ou aux pigistes, et le fait que l'on constate même dans la durée – et je vous renvoie à mon rapport – une baisse moyenne de leurs rémunérations.

Aujourd'hui, le forum des sociétés de journalistes rassemble trente-trois sociétés de journalistes. Par ailleurs, il existe, fort heureusement, dans les médias, des syndicats auxquels je souhaite rendre un hommage appuyé car, dans le contexte actuel de précarisation de la profession de journaliste, leur rôle est de plus en plus difficile.

Dans cette situation, comment considérer que cette proposition de loi, qui vise à une reconnaissance législative d'un état de fait, puisse être conçue comme un instrument de paralysie, comme une sorte de repoussoir pour ces investisseurs tant désirés vu l'état de la presse française ? En l'occurrence, il ne s'agit pas de décourager des investisseurs, mais de rétablir un rapport de forces qui s'est largement dégradé ces dernières années. Vous ne pouvez pas, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, vous contenter de régler la question en annexant le code de déontologie dit Frappat à la convention collective.

Il n'en est rien : le code Frappat – j'ai pu le constater en assistant hier aux assises internationales du journalisme à Strasbourg – ne satisfait ni les journalistes, ni leurs représentants, ni les syndicats, car il présente l'inconvénient de dresser la liste des devoirs des journalistes sans se montrer pour autant bien contraignant pour les éditeurs de presse. On peut par conséquent comprendre que les patrons de presse le trouvent parfait dans la mesure où il énumère les devoirs de leurs salariés. Il ressort en tout cas des auditions que j'ai réalisées que l'annexion du code Frappat aux conventions collectives ne règle en rien les problèmes que nous avons soulevés.

La tonalité de l'intervention de M. Hunault m'a paru peu centriste. On peut certes se réjouir de ce qui se passe à Ouest France, sous bénéfice d'inventaire toutefois – je suis en tout cas moins bien placé ici que d'autres collègues pour le faire. Laissez-moi ensuite corriger une inexactitude : le groupe SRC n'a pas voté contre le projet de loi renforçant la protection des sources des journalistes mais, comme l'a très bien rappelé Noël Mamère, il s'est abstenu, jugeant ce texte insuffisant. Nous espérons que la France fera un jour aussi bien que la Belgique en la matière. M. Hunault aurait pu du reste s'abstenir de citer un texte que le Gouvernement a fait voter pour ensuite le violer régulièrement.

Et puisque M. Hunault a cité le Conseil de l'Europe, je le renvoie à la page 29 de mon rapport, qui rappelle précisément que, dans une résolution pas très récente, ledit Conseil de l'Europe invitait les médias à « s'engager à se soumettre à des principes déontologiques rigoureux » et suggérait de « créer des organismes ou des mécanismes d'autocontrôle » pour garantir l'indépendance de la profession. C'est exactement l'objectif poursuivi par la présente proposition de loi.

J'ai déjà largement répondu à Mme Marland-Militello, qui rappelait que l'enfer était pavé de bonnes intentions. Je pourrais lui rappeler à mon tour que « l'enfer, c'est les autres » et que la vie des rédactions n'est pas le long fleuve tranquille qu'elle a bien voulu décrire. Je n'ai guère décelé, dans notre texte, d'effets pervers quant à l'application de la clause de conscience. On la fait valoir sous conditions et nous avons souhaité ajouter, avec le droit de veto, une condition supplémentaire.

En outre, nous prévoyons bien la création de statuts différents : les délégués du personnel, les représentants syndicaux bénéficient d'un statut de salariés protégés afin que quand des journalistes défendent d'autres journalistes ils ne soient pas victimes de leur détermination, de leur courage.

Après avoir répondu aux opposants à ce texte, j'entends remercier tous ceux qui se sont prononcés en faveur de son adoption.

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