Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nominations des présidents, remise en cause de la protection des sources des journalistes, rappel à l'ordre de Matignon sur la saisie des factures de portables des journalistes, climat social en berne à France Télévisions, fragilisation de l'indépendance des journalistes par une précarité en hausse, tout cela demande que l'examen de ces budgets fasse l'objet d'une attention républicaine inédite.
Je salue, à cet égard, la détermination des journalistes, des rédactions qui, tous moyens d'information confondus, agissent à chaque fois que leur indépendance, que leurs droits sont remis en cause.
Je veux saluer les organisations syndicales des personnels de France Télévisions, car elles sont porteuses de propositions d'avenir pour le service public de l'information et des médias. Car le service public a vacillé lorsque le Président de la République, sans aucune concertation, a annoncé la fin de la publicité sur ses antennes. Cela a fragilisé la gestion des chaînes publiques, empêché des choix de production à long terme pour enfin aboutir à un constat : la majorité du Président ne voyait pas comment financer le fait du prince.
Aujourd'hui, un amendement prolongeant la publicité en journée nous est proposé et je m'en félicite.
Mais ce mauvais feuilleton appelle un vrai débat sur le financement pérenne de la télévision publique. D'autant que la Commission européenne a récemment menacé la France de sanctions si elle ne supprimait pas la taxe affectée au financement du service public.
Si l'on prend France 3, force est de constater que les propositions innovantes et efficaces sont du côté des salariés. Ils ont les premiers mis en évidence le fait que, pour son développement, la chaîne devait miser sur l'élaboration de programmes et de productions régionaux. Vous l'avez reconnu, monsieur le ministre, lors de notre débat en commission.
Ce budget, c'est aussi la casse de RFI. L'audiovisuel extérieur va perdre cette année environ 19 millions d'euros. Tout semble indiquer un projet de fusion avec France 24, qu'il s'agisse de la gestion du personnel ou des locaux ou encore de l'évolution des programmes et des rédactions. Une telle fusion serait désastreuse au plan de l'emploi. Surtout, elle priverait notre pays de l'un des meilleurs promoteurs de sa liberté d'information et de sa culture à l'étranger. Nous devons, pour notre rayonnement extérieur, privilégier RFI et garantir au plan budgétaire sa pérennité.
Les syndicalistes ont aussi du bon sens à l'AFP. Ils mettent en évidence une idée forte au regard des précédentes propositions de réforme de l'AFP : pour son efficacité, sa crédibilité et son impact national et international, l'agence doit avoir les moyens statutaires et financiers de son indépendance.
L'AFP ne doit être ni privatisée, ni étatisée. Vous nous avez annoncé, monsieur le ministre, un nouveau projet de réforme. Je souhaite qu'il soit issu d'une véritable concertation avec les personnels et avec la représentation nationale.
Je voudrais enfin évoquer les menaces qui planent sur la presse écrite. Il y a, tout d'abord, la concentration du capital de la presse, avec ces multinationales dont les contrats ont à voir avec les choix publics. Cette concentration agresse le pluralisme de la presse.
Il y a, ensuite, le rapport Cardoso, qui parle de modernisation pour camoufler une économie de 400 millions d'euros sur la presse. Sa logique est simple : couper les vivres aux journaux de faible tirage, notamment par la réforme des aides à la distribution, pour permettre à l'État de piloter la modernisation des autres, c'est-à-dire les gros. Moderniser, cela ne signifie pourtant pas faire le ménage par le vide !
Moderniser le service public de la presse et des médias, c'est d'abord adopter un grand plan de résorption de la précarité. Un journaliste qui n'a pas de garanties suffisantes sur le maintien de son emploi est un journaliste dont l'indépendance est menacée.
Moderniser le service public, c'est aussi le démocratiser. La loi de 2009 sur France Télévisions a confirmé de nombreuses missions de service public pour le groupe. Pour les faire vivre et dépasser les déclarations d'intention, il faut associer les salariés et les usagers à la prise de décision.
Moderniser le service public, c'est enfin le doter de recettes suffisantes et pérennes. Le Gouvernement se félicite de son budget, mais il suffit de regarder l'état de la presse et des médias pour constater que le compte n'y est pas. Ce manque de moyens met en grave danger la démocratie dans notre pays. Les députés communistes, républicains et du parti de gauche ne voteront donc pas ce budget.