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Intervention de Marie-Françoise Pérol-Dumont

Réunion du 15 novembre 2010 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Politique des territoires

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Françoise Pérol-Dumont :

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, à l'instar des deux années précédentes, les moyens financiers de la mission « Politique des territoires » accusent une baisse sensible.

Ainsi, à structure constante, les autorisations d'engagement passent de 382 millions d'euros en 2010 à 356 millions d'euros en 2011 et les crédits de paiement de 376 à 327 millions d'euros.

Le programme « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire », géré par ce ministère, ne dispose que de 308 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit moins 35 millions d'euros par rapport à 2010, et de 292 millions d'euros en crédits de paiement, c'est-à-dire moins 48 millions d'euros.

On ne peut que s'inquiéter de la forte baisse de l'action « Attractivité économique et compétitivité des territoires » qui relève de ce programme, sachant que celle-ci regroupe les activités de la DATAR, avec une entrée prioritairement économique visant le renforcement des atouts des territoires dans la compétition internationale.

Dans ce contexte, comment entendez-vous, monsieur le ministre, soutenir les pôles de compétitivité ou accompagner les mutations économiques des territoires frappés par exemple par la carte militaire ? Quel rôle peut jouer la prime à l'aménagement du territoire avec des moyens qui fondent comme peau de chagrin alors même que cet outil a, par le passé, joué un rôle de levier économique non négligeable pour les territoires les plus fragiles ?

L'action « Développement solidaire et équilibré des territoires » n'est pas non plus épargnée. En effet, si les autorisations d'engagement restent stables, les crédits de paiement sont amputés de 26 millions d'euros. Un bien mauvais signe alors que cette action concerne les grandes politiques d'aménagement et que, dans la situation économique plus qu'atone que connaît notre pays, les investissements générateurs de croissance devraient être soutenus avec détermination.

Quant à l'annonce d'une nouvelle dotation d'équipement des territoires ruraux, il s'agit ni plus ni moins du recyclage de la dotation de développement rural et de la dotation globale d'équipement sans aucune inscription budgétaire supplémentaire !

Force est donc de constater, monsieur le ministre, que ce budget est un budget d'abandon de toute volonté politique d'aménagement du territoire.

J'entends déjà la réponse habituelle aux baisses de crédit de cette mission : la politique d'aménagement du territoire est par essence transversale et bien d'autres ministères y contribuent... Certes, mais des transports à l'agriculture en passant par le logement ou l'environnement, quel budget porte aujourd'hui la marque d'une quelconque ambition pour les territoires les moins favorisés ?

Pour parachever ce contexte financier annonciateur d'une inéluctable exacerbation de la fracture territoriale, le Gouvernement a choisi de brider toutes les marges de manoeuvre des collectivités locales, qui sont pourtant des acteurs majeurs de l'aménagement du territoire, se substituant même de plus en plus souvent à la carence de l'État, notamment en matière d'infrastructures ou de services au public.

Nous entendons bien l'antienne de la dette publique, à la résorption de laquelle les collectivités devraient contribuer, mais cette dette n'est pas le fait des communes, départements ou régions, qui, contrairement à l'État, ne peuvent laisser filer le déficit et sont obligées de présenter des budgets en équilibre. La dette publique est bien celle de l'État, les collectivités territoriales en représentant moins de 10 % !

Pour autant, les collectivités territoriales sont frappées de plein fouet par l'effet de ciseaux consécutif à la mise à mal de leur autonomie financière et fiscale via, notamment, la suppression de la taxe professionnelle à laquelle s'ajoute – bien mauvaise mesure que vous avez confirmée, monsieur le ministre – le gel des dotations de l'État pour les trois prochaines années avec, en parallèle, des hausses de dépenses incompressibles liées à des transferts de compétences multiples très insuffisamment compensés, et ce au mépris du principe constitutionnel de compensation à l'euro près.

De ce fait, départements et régions vont immanquablement être contraints de réduire leurs politiques optionnelles, dont les politiques de solidarité et de développement territorial. Dès lors, monsieur le ministre, comment allez-vous tenir les annonces du Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, du Grenelle, ou autres assises des territoires ruraux ?

Sans contribution financière des collectivités territoriales, départementales et régionales, comment entendez-vous mailler les territoires en maisons de santé ? Comment entendez-vous parfaire la couverture en téléphonie mobile et en haut débit ? Comment entendez-vous financer pôles de compétitivité ou pôles d'excellence rurale ? Comment entendez-vous tenir l'engagement du Grenelle de 2 000 kilomètres nouveaux de lignes TGV ? Comment entendez-vous avancer dans le désenclavement routier des territoires les moins bien desservis, je pense notamment au centre de la France – puisque vous avez le bon goût, monsieur le ministre, d'aimer et de bien connaître le Limousin, vous m'accorderez que les besoins en matière d'infrastructures routières y sont réels –, mais également aux territoires de montagne ? Comment entendez-vous maintenir des services au public dans les territoires les plus isolés et à faible densité de population, là où la loi du marché n'a aucun sens puisqu'il s'agit non pas de rentabiliser mais de desservir ? Et cette liste n'est pas exhaustive.

Vous savez bien, monsieur le ministre, que sans les financements croisés auxquels participent les collectivités, l'État est dans l'incapacité budgétaire de conduire seul une politique territoriale.

À l'évidence, derrière ce budget de renoncement conjugué à l'insensée réforme territoriale que le Président de la République et le Premier ministre ont eu bien du mal à imposer jusque dans les rangs de la majorité, ce qui se dessine, c'est l'abandon délibéré des territoires les moins rentables, c'est l'ouverture à la compétition entre les territoires, c'est la spirale de l'hyper-concentration au détriment des espaces les moins peuplés et les plus fragiles.

Pour conclure, je reprendrai les propos récents du président de l'Association des maires ruraux à l'occasion du vote par le Sénat du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, qui estimait que cette politique « repose sur une vision centralisatrice, urbaine et technocratique » et j'ajouterai, pour ma part, libérale.

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