Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons l'habitude, sur ces travées, de commenter depuis de nombreuses années le budget de l'éducation nationale en en parlant comme du premier budget de l'État. Eh bien, ce n'est plus vrai : le premier poste budgétaire de l'État, c'est le service de la dette. Cela a une portée considérable : cela signifie que nous consacrons davantage à régler nos dépenses courantes qu'à préparer l'avenir de nos enfants.
Dans ces conditions, l'impératif de réduction des dépenses publiques, auquel la mission « Enseignement scolaire », avec un budget de 60,5 milliards d'euros, en hausse de 1,6 %, se conforme d'ailleurs, apparaît manifestement nécessaire et légitime.
Je veux attirer votre attention, monsieur le ministre, sur les sujets qui tiennent à coeur aux députés centristes.
Tout d'abord, la connaissance fine des moyens et des besoins de l'éducation nationale pourrait être améliorée, notamment en ce qui concerne l'évolution des effectifs d'élèves qui justifie chaque année la suppression ou la création d'emplois. Cette connaissance devrait être accompagnée d'une meilleure évaluation des mesures décidées et mises en oeuvre. Ainsi, le pilotage par objectifs pourrait être développé.
Quant aux effectifs, nous appelons votre attention sur le fait que les schémas d'emplois mis en oeuvre ne doivent pas remettre en cause la capacité de l'école à remplir de manière satisfaisante ses fonctions. L'enjeu d'une gestion saine des finances publiques n'est pas d'adopter une simple logique comptable de suppressions de postes, mais de faire en sorte que les moyens affectés à l'éducation nationale soient utilisés au mieux pour assurer la réussite des élèves. Centrer la politique scolaire exclusivement sur la diminution du nombre de fonctionnaires se traduirait sur le terrain par la fragilisation systématique des académies les plus en difficulté.
Venons-en à l'école élémentaire.
Son évolution est continue depuis quelques années : nouveaux programmes, nouvelle organisation horaire, nouvelles évaluations. Néanmoins la question de la gouvernance pédagogique demande, dans l'intérêt des élèves, que soient expérimentées de nouvelles réponses. Ainsi nous souhaitons que certaines recommandations du rapport présenté par mon collègue Frédéric Reiss soient mises en oeuvre, en écho à la réflexion sur les rythmes scolaires ou en complément du plan de lutte contre l'illettrisme. Ce rapport met notamment l'accent sur l'impossibilité d'élaborer un modèle unique en raison des fortes spécificités territoriales. Je rappelle que la question des responsabilités et des charges des directeurs d'école n'a toujours pas été réglée, et qu'un bon nombre d'entre eux sont actuellement mobilisés.
Vient ensuite le collège.
Vous le savez, nous émettons depuis longtemps des réserves contre le collège unique, qui n'a pas empêché une école à plusieurs vitesses ; la suppression de la carte scolaire n'y a malheureusement rien changé.
La volonté de réduire les inégalités sociales, louable dans son principe, a débouché sur un égalitarisme républicain poussé à l'extrême, niant toute différence entre les aptitudes des élèves. Mettre fin au collège unique permettrait aux parents de choisir l'enseignement le mieux adapté aux goûts et aux aptitudes de leurs enfants, au lieu d'un tronc commun niveleur entre onze et quinze ans, mais aussi d'en finir avec les classes hétérogènes. Sur ce sujet, comme sur d'autres, nous vous invitons au courage.
Nous saluons par ailleurs la poursuite de l'individualisation de la prise en charge des élèves. Il est important de porter attention à la réussite de chaque élève, en particulier par la multiplication des dispositifs d'aide personnalisée ou de remise à niveau propres à chaque situation. Nous formulons cette proposition : revoir l'organisation d'ensemble en privilégiant l'autonomie et la responsabilité des établissements en la matière.
Un mot évidemment sur les 9 500 établissements d'enseignement privé sous contrat, qui scolarisent plus de deux millions d'élèves et emploient près de 200 000 personnes.
Dans ce budget, comme dans les précédents depuis la loi de finances de 1985, s'agissant des emplois, le principe de parité a été appliqué conformément aux usages et à la règle non écrite des « crédits limitatifs ». Ces crédits, je le rappelle, ont été établis pour faire en sorte que les établissements privés ne puissent se créer en dehors des schémas prévisionnels, de façon à éviter les doubles emplois et les gaspillages antérieurs. Ils ont eu pour effet de brider l'expansion de l'enseignement privé, contre la volonté des familles qui sont toujours plus nombreuses à faire confiance aux établissements privés sous contrat.
Au Nouveau centre, nous pensons qu'il faut accompagner l'évolution des effectifs dans le privé. Le rapport de 80-20 est aujourd'hui dépassé : eu égard à la mission de service public assumé par l'enseignement privé sous contrat, il faut revoir ce ratio, sans pour autant rallumer la guerre scolaire. Or 20 % des emplois retirés dans l'enseignement public le sont dans l'enseignement privé, sans tenir compte ni des besoins réels, ni des effectifs, ni du taux d'encadrement.
Si cette mesure perdurait uniquement par souci d'économie budgétaire, on pourrait s'interroger, quand on constate qu'un enseignant du privé coûte à l'État 2,5 fois moins en charges patronales qu'un fonctionnaire. Le rapporteur spécial l'avait souligné dans son rapport il y a déjà deux ans, et je pense qu'il est temps de reprendre cette réflexion.
Autre sujet d'inquiétude majeur : l'enseignement technique agricole.
À cet égard, nous tenons à exprimer avec une grande fermeté notre opposition au transfert du programme budgétaire 143 de la mission « Enseignement scolaire » vers la mission « Agriculture, pêche alimentation, forêt et affaires rurales ». La diminution des moyens en personnels et les fermetures de classe ne vont-elles pas remettre en cause la qualité de cet enseignement ?
Telles sont, monsieur le ministre, les remarques essentielles que les députés centristes tenaient à vous présenter au sujet de ce budget. Je tiens à rappeler notre attachement à une politique ambitieuse qui permette d'assurer l'égalité des chances et la qualité des enseignements, d'aider les élèves méritants issus de familles modestes à poursuivre leurs études, d'améliorer la vie des élèves et des enseignants. Le groupe du Nouveau centre votera ce budget.