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Intervention de Serge Janquin

Réunion du 15 novembre 2010 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Aide publique au développement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Janquin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on conviendra que l'exercice de ce jour est un peu singulier. Cette mission budgétaire relève essentiellement de la ministre des affaires étrangères, à laquelle j'aurais aimé présenter certaines critiques, tout en étant conscient que ce n'était pas elle qui avait préparé ce budget, et que les prescriptions de Bercy ont marqué de leur empreinte la préparation des crédits de cette mission.

Pour autant, ces critiques s'adressent au Gouvernement auquel vous avez appartenu, monsieur le ministre, et font un bref inventaire de ce que le Gouvernement auquel vous appartenez aujourd'hui devrait manifestement changer pour améliorer l'exercice de cette mission. J'ose espérer que le dialogue républicain aura assez de vertu pour permettre que nous soyons entendu.

D'abord, et vous l'avez sûrement appris, il est clair que la représentation nationale n'a pas été correctement informée de la préparation des crédits d'aide publique au développement. En commission élargie, les critiques ont fusé sur tous les bancs, et les députés de la majorité n'ont pas été les moins sévères. « Documents tardifs et incomplets, absence et rétention d'informations », tels ont été les termes utilisés, qui marquent l'absence de transparence de cette politique.

N'est-il pas significatif que ni le ministre des affaires étrangères ni la ministre de l'économie ne soient venus devant la commission élargie, laissant à Mme Idrac, chargée du commerce extérieur, le soin de répondre aux députés ?

Cette situation n'est-elle pas emblématique d'une réorientation des crédits de l'APD qui délaissent les pays les plus pauvres où ils devraient aller, au titre des Objectifs du millénaire, au profit d'opérations commerciales dans les pays émergents ?

Ajoutons que les ONG n'ont pas été mieux informées que ne l'ont été les parlementaires, ce qui conduit davantage à des conjectures qu'à des certitudes, quant à la philosophie et au contenu réel de l'aide publique au développement.

Monsieur le ministre, la réalité de la comptabilité de l'APD est vigoureusement contestée. Le Gouvernement soutient que l'APD, s'élevant, en 2010, à 0,46 % du PNB, atteindra, en 2011, 0,49 % ; c'est-à-dire loin des 0,70 % promis pour 2013 et qui ne pourront être atteints !

Les ONG, réunies dans Coordination SUD, estiment que, en dehors de la taxe sur les billets d'avion qui avait été présentée comme additionnelle, l'APD réelle a été, en 2009, de 0,34 % et de 0,31 % en 2010. Elles soutiennent, à juste titre, que les chiffres sont faussés par les allégements de dettes qui n'ont que peu d'impact sur le développement, ainsi que par les coûts imputés aux étudiants étrangers en France ; je veux parler des frais d'écolage. Nous pouvons d'ailleurs nous interroger sur le fait que la France doive financer les études des étudiants chinois sur notre territoire, comme si la Chine n'était pas une grande puissance en mesure de financer aujourd'hui les études à l'étranger de ses concitoyens, sauf à admettre que cette opération est nécessaire au soutien des entreprises françaises, notamment des PME, en Chine. Cela ne relèverait alors plus de l'aide publique au développement, mais du commerce extérieur.

L'aide aux réfugiés, les dépenses d'hébergement des réfugiés – centres d'accueil, hébergement d'urgence – les aides au retour et même les crédits de la Cité nationale de l'histoire de l'immigration ne dépendent pas vraiment non plus de l'aide au développement.

Il en va de même des crédits en faveur de Mayotte qui sera département français au 1er janvier ; ils continuent d'être comptabilisés, ce qui me semble quelque peu extravagant, voire peu républicain.

Une part significative de l'APD relève davantage des politiques de refoulement de migrants et elle conditionne les accords de co-développement auxquels plusieurs pays d'Afrique ont été amenés. Seul le Mali résiste encore et on peut le comprendre quand on sait que le retour des salaires des émigrés maliens en France représente plus de trois fois l'aide publique française.

Enfin, l'AFD procède de plus en plus comme un banquier accordant des prêts bonifiés, à la différence de nombreux pays européens qui, comme l'Allemagne, octroient jusqu'à 50 % en dons.

La crise est invoquée par le Gouvernement, mais, dans le même contexte, le Royaume-Uni et les pays de l'Europe du Nord maintiennent leur aide. Si le montant global de l'aide-projet augmente, c'est pour rattraper un an de retard de paiement.

Bref, il s'agit d'un épais brouillard, une consistance bien différente de l'affichage et, sans doute, de la communication à la veille de la présidence française du G20 et du G8.

D'aucuns ont pu dire que l'aide française au développement était sans pilote. J'ai, pour ma part, plutôt tendance à dire qu'elle n'a pas la consistance promise et qu'elle est orientée vers des objectifs qui ont plus à voir avec le commerce de la France qu'avec l'aide aux pays qui en ont le plus besoin. Elle est donc, à mon sens, dévoyée. Ce budget n'est pas sincère ; c'est un budget fourre-tout, un budget pagaille, un budget qui, aux relents forts de post-colonialisme mal évacué, s'apparente à de la pacotille.

Il ne saurait donc être question pour le groupe SRC de l'approuver.

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