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Intervention de Élisabeth Guigou

Réunion du 9 novembre 2010 à 9h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Action extérieure de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlisabeth Guigou :

Monsieur le ministre, lors de l'examen de la mission « Action extérieure de l'État » en commission, vous nous avez annoncé que l'année 2011 serait marquée par la présidence française du G8 et du G20 et qu'à ce titre, « les autorités de l'État auront plus que jamais besoin d'un outil diplomatique qui fonctionne, analyse, anticipe, propose et négocie » .

Pourtant, malgré les avertissements émis par vos prédécesseurs, par d'anciens secrétaires généraux du ministère des affaires étrangères et par de nombreux responsables, malgré les demandes des auteurs du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France, l'assèchement des crédits budgétaires alloués à l'action extérieure se poursuit. Ils vont encore diminuer en 2011 : 160 emplois seront supprimés l'année prochaine, 700 dans les trois prochaines années. Force est de constater l'incohérence flagrante entre les intentions affichées, d'une part, la réalité des décisions prises et les moyens alloués, d'autre part.

Je ne voterai donc pas ce budget, non par réflexe, mais parce que je crois vraiment qu'il n'est pas bon. Depuis des années, la diplomatie française n'a plus les moyens de ses ambitions. Ce qui est grave, c'est que le gouffre qui les sépare non seulement mine la crédibilité de la politique étrangère de notre pays, mais ternit considérablement son image à l'étranger. Le chef de l'État – car nous savons bien où se décident les choses – mène une politique étrangère qui n'a cessé de vanter son propre dynamisme et de vouloir en donner des preuves, mais qui, hélas ! a été davantage faite de coups médiatiques et de postures changeantes. Voilà le Président de la République un jour atlantiste, un autre altermondialiste ; tantôt pourfendant les dictatures, tantôt les courtisant ; régulateur à l'étranger, notamment dans les instances du G8 et du G20, ultralibéral dans sa politique intérieure.

Pour réussir la présidence du G8 et du G20, défendre une véritable régulation de l'économie internationale et enrayer le déclin de l'Europe pour que sa voix porte dans le monde, la première priorité est de rassembler les Européens autour de la France. Or j'ai été consternée de constater à quel point notre politique n'a cessé de privilégier des initiatives purement nationales, d'affaiblir les institutions européennes au lieu de les renforcer et, finalement, de dresser beaucoup de nos partenaires européens contre notre politique étrangère ; en témoigne l'épisode déplorable des Roms. J'espère que nous parviendrons à surmonter ces problèmes.

S'agissant de l'Union européenne, monsieur le ministre, n'est-il pas déraisonnable d'accepter une énième révision du traité, alors qu'un consensus s'était créé pour mettre en oeuvre le traité de Lisbonne ? N'est-il pas hasardeux, au moment où nous devons rassembler les Européens, de prévoir de priver de droit de vote ceux d'entre eux qui ne respecteraient pas le pacte de stabilité ? Certes, des sanctions sont nécessaires, mais les traités en prévoient déjà tellement d'autres, qui auraient pu être renforcées.

Par ailleurs, je suis moi aussi préoccupée, en ce jour où nous commémorons l'anniversaire de la mort du général de Gaulle, par la dégradation de notre image en Afrique et dans les pays arabes. Je pense à l'affaire de l'OTAN et aux initiatives que nous avons prises vis-à-vis de la Turquie. Bien entendu, celle-ci n'est pas un pays arabe, mais il existe une solidarité entre musulmans. Souvenons-nous que c'est le général de Gaulle qui, il y a plus de cinquante ans, avait promis à la Turquie qu'elle entrerait dans l'Union européenne. Nous envoyons ainsi une série de contre-signaux, en particulier par notre politique intérieure, laquelle stigmatise trop souvent les étrangers, ce qui est très mal ressenti. Nous aurions intérêt – et sur ce point, mais sur ce point seulement, je suis d'accord avec Jacques Myard – à faire de l'Afrique une priorité.

Autre question précise, monsieur le ministre : le prochain sommet de l'Union pour la Méditerranée, prévu à Barcelone le 21 novembre, se tiendra-t-il ?

Je ne sous-estime évidemment pas les difficultés, notamment celles qui ont été les vôtres. Mais celles-ci ne nous obligeaient-elles pas à faire preuve de davantage de cohérence, de constance, d'humilité, pour convaincre ? J'espère qu'il n'est pas trop tard et que nous saurons faire montre de ces qualités pour que notre pays réussisse ses deux présidences du G8 et du G20. Il y va de l'avenir de l'Europe et de l'image de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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