Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen du budget de l'action extérieure révèle, plus encore que les années précédentes, une politique étrangère sans moyens et, plus grave, sans vision.
À nouveau, la politique étrangère de la France est sacrifiée sur l'autel de la RGPP. Les moyens du ministère et ses effectifs chuteront de plus de 5 % en 2011. La hausse de 4,8 % des crédits est une illusion d'optique puisque 160 suppressions de postes sont programmées cette année, 700 sur la période 2009-2011. Comme nous le redoutions l'année passée, les agents locaux des services culturels sont la variable d'ajustement, avec les deux tiers des suppressions d'emplois. Où s'arrêtera le malthusianisme budgétaire, qui rend la mission des personnels de plus en plus difficile et nuit au dialogue social, comme le soulignent fort justement les organisations syndicales ?
Porteuse d'une vision autonome et équilibrée de l'ordre mondial, la France a longtemps occupé une place privilégiée dans le concert des nations. Force est de constater que sa crédibilité s'étiole désormais dangereusement sous l'effet d'une politique étrangère illisible, décidée dans les couloirs de l'Élysée et sous l'influence des réseaux de la Françafrique.
Hormis l'ouverture de nouveaux marchés de services à nos entreprises dans les pays en développement, que compte faire la France pour combattre une mondialisation profondément injuste ?
Au-delà de la vente de nos armements et de la protection de nos approvisionnements énergétiques, de quelle manière la France peut-elle oeuvrer à une géopolitique de la paix ?
En dehors de la vente du nucléaire civil, quelle vision du développement durable projette la France à l'orée du sommet climatique de Cancun ?
Une politique commerciale ne fonde pas une politique étrangère, aussi nécessaire soit-elle. Gardons-nous de réduire les ambassadeurs à des VRP de nos multinationales.
Lors de la conférence des ambassadeurs, le Président de la République annonçait que l'année 2011 serait placée sous le signe de la présidence du G8 et du G20. Votre gouvernement semble depuis être revenu à plus de prudence – c'est peut-être la raison pour laquelle vous refusez, en tout cas jusqu'à ce jour, d'organiser un débat sur le G8 et le G20 devant notre assemblée.
Moralisation du capitalisme, éradication des paradis fiscaux, régulation de la finance : depuis un an, le G20 a enfourché les chevaux de bataille comme on enfile des perles. Les résultats se font attendre, et la spéculation est repartie de plus belle.
Depuis la suppression des taux de change fixes, le système monétaire est structurellement déséquilibré et favorise une spéculation effrénée. En 2001, 1 000 milliards de dollars s'échangeaient chaque jour sur le marché des changes. Depuis, ce chiffre a quadruplé.
Nous partageons l'objectif de lutter contre les égoïsmes monétaires et de créer une nouvelle devise de référence. Mais c'est une mission impossible dans le cadre de la doctrine monétariste. Depuis plusieurs années, la France est à la tête des principales institutions internationales, FMI, OMC, BCE. Pour quel bilan ? Les politiques néolibérales ne sont aucunement enrayées.
Il est par ailleurs absurde de poser la question de la régulation monétaire sans évoquer la mise en place d'une taxation sur les transactions de change. Or, plus la présidence du G20 approche, plus la France semble atone à ce sujet. Qu'allez-vous proposer pour taxer la finance pour aider le développement ?
Par ailleurs, nous refusons de légitimer une instance du G20 qui promeut la loi du plus fort et du plus riche contre la démocratie onusienne. Votre proposition de créer un secrétariat permanent du G20 est inacceptable.
Indéniablement, de lourdes menaces hypothèquent l'avènement de la paix perpétuelle, pour reprendre les termes de Kant. Ces menaces s'enracinent dans la montée des injustices, des fondamentalismes, de la compétition économique.
L'action de la France pour favoriser cette paix n'est, hélas, pas exempte d'ambiguïtés et d'errements. Notre diplomatie conciliante envers l'État d'Israël est un échec cuisant qui nous a marginalisés du processus de paix au Moyen-Orient.