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Intervention de François Rochebloine

Réunion du 9 novembre 2010 à 9h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Action extérieure de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Rochebloine, rapporteur pour avis :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en ce 9 novembre, nous commémorons la disparition du général de Gaulle. La famille politique à laquelle j'appartiens ne se revendique pas du gaullisme, vous le savez, mais, puisque ce quarantième anniversaire mobilise les plus hautes autorités de la République et bon nombre de nos collègues, je voudrais moi aussi commencer mon propos en citant un mot attribué au général de Gaulle : « La diplomatie est l'art de faire durer indéfiniment les carreaux fêlés. »

On pourrait voir dans cet aphorisme – vous l'aurez compris, monsieur le ministre – une métaphore de l'état de notre réseau diplomatique et de notre réseau culturel à l'étranger, en ces temps budgétaires difficiles. (Sourires.)

Dès lors, l'effort accompli pour préserver de manière relative les crédits de la diplomatie culturelle et d'influence de la France mérite vraiment d'être salué.

Je souhaite aborder ce budget à la fois sous l'angle des crédits demandés pour 2011 et de la mise en place de la réforme que nous avons votée cet été, à laquelle votre nom, monsieur le ministre, restera très certainement attaché.

Les crédits sont présentés selon un format nouveau, comme le rapporteur spécial de la commission des finances l'a indiqué tout à l'heure. Pour ma part, l'an dernier à cette tribune, j'avais une fois encore plaidé pour cette modification de la maquette de la mission « Action extérieure de l'État ». En effet, le Quai d'Orsay n'a pas fait le choix d'une maquette géographique, par pays, lors de la mise en place de la LOLF en 2006. Par conséquent, il n'était pas logique de persister à raisonner selon un critère géographique, et non pas thématique, à propos des crédits de l'action culturelle extérieure. Il n'était pas logique de placer, dans la mission « Action extérieure de l'État », les crédits de l'action culturelle pour les pays de l'OCDE et, dans la mission « Aide publique au développement », les mêmes crédits destinés aux autres pays du monde, les moins développés.

Je n'étais d'ailleurs pas le seul à critiquer cette césure préjudiciable au contrôle et aux amendements parlementaires, puisque la Cour des comptes et le Comité interministériel d'audit des programmes avaient émis les mêmes remarques. Je me réjouis donc du nouveau périmètre du programme 185, un programme qui plus est doté d'un nouveau nom beaucoup plus flatteur : « Diplomatie culturelle et d'influence ».

Concrètement, l'an prochain, sur le total prévu d'environ 758 millions d'euros de crédits pour le programme dans son nouveau format, 167 millions d'euros seront issus de l'ancien programme 209 de la mission « Aide publique au développement » ; à l'inverse, 6 millions d'euros passeront du programme 185 au programme 209.

Au total, le nouveau programme « Diplomatie culturelle et d'influence », dans son périmètre 2011, connaîtrait une baisse d'un peu plus de 11 millions d'euros en autorisations d'engagement et d'un peu plus de 12 millions d'euros en crédits de paiement d'une armée sur l'autre. Cette baisse de l'ordre de 1,6 % se décompose en une diminution de 1,2 % des crédits de personnel, soit environ 1 million d'euros, et de 1,6 % des crédits d'intervention, soit près de 11 millions d'euros. Voilà qui permettra aux services de coopération et d'action culturelle d'exercer leur « art de faire durer indéfiniment les carreaux fêlés ».

Pour les crédits d'intervention, la baisse modérée qu'ils enregistrent correspond à des mouvements contraires entre, d'une part, le respect de la norme gouvernementale d'une diminution de 5 % des moyens de fonctionnement, et d'autre part, la pérennisation de la dotation exceptionnelle de 20 millions d'euros que vous avez, monsieur le ministre, obtenue du Premier ministre, notamment pour la mise en oeuvre de votre réforme.

Avant d'en venir à cette autre partie de mon propos, je voudrais vous interroger sur la diminution des crédits consacrés à la francophonie multilatérale.

En effet, alors que vient de se tenir à Montreux le treizième sommet de la francophonie, les crédits que la France consacre au soutien de la francophonie multilatérale connaîtront en 2011 une baisse de l'ordre de 10 %, soit 5 millions d'euros. Cette diminution est, il est vrai, en partie masquée par la montée en charge du loyer de la Maison de la francophonie à Paris, qui représente justement 5 autres millions d'euros. II avait pourtant été convenu que le loyer de l'immeuble, situé dans le 7e arrondissement de Paris et fort bien aménagé par ailleurs, ne viendrait pas en déduction de l'effort global du budget de l'État. On en reviendrait donc, semble-t-il, au niveau de soutien de 2002, l'année du sommet de la francophonie à Beyrouth, à l'occasion duquel le Président de la République, Jacques Chirac, avait pris l'engagement de rehausser la contribution française.

Je souhaite que le Gouvernement, qui a perdu cet été un excellent secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie, puisse nous rassurer sur ce point.

J'en viens aux remarques que je souhaite formuler sur la mise en oeuvre de la réforme, attendue depuis des années, de notre diplomatie culturelle et d'influence.

En tant que président de la mission d'information de la commission des affaires étrangères sur le rayonnement de la France par l'enseignement et la culture, j'avais eu amplement l'occasion de constater le besoin de réorganisation du réseau culturel français à l'étranger. Les femmes et les hommes qui le font vivre avec passion et dévouement ne disposaient pas des outils nécessaires pour animer plus efficacement un réseau placé sous une contrainte budgétaire de plus en plus forte.

La mission a dit et redit que la première pierre à poser était celle d'une stratégie pour notre action culturelle de par le monde. Je maintiens que cela doit demeurer la priorité, et la direction générale de la mondialisation en est chargée.

Cependant, et puisque nous sommes au coeur du débat budgétaire, je n'ignore pas que l'organisation et les moyens sont des facteurs clés de la réussite d'une stratégie d'influence. Dès lors, je veux saluer la réforme de structure qui a été opérée avec la loi que nous avons profondément remaniée, puis votée, cet été. Où en sommes-nous aujourd'hui, un peu plus de trois mois après sa promulgation ?

En premier lieu, l'Institut français, qui sera juridiquement en place à compter de la date de la dissolution de l'association Culturesfrance, s'est doté d'une équipe de direction remarquable, sous la houlette de Xavier Darcos, au sein de laquelle se conjuguent – je peux le dire pour l'avoir rencontrée – l'expérience et le dynamisme, le talent et l'enthousiasme. Les locaux du futur Institut français, dans le 15e arrondissement, sont déjà identifiés. L'élargissement de ses compétences et les transferts de personnels et de crédits nécessaires sont déjà prévus ; le projet de décret constitutif poursuit son cheminement administratif ; bref, tout est prêt pour que la nouvelle agence commence à fonctionner au tout début de l'année prochaine.

Quant à l'expérimentation, à laquelle la commission des affaires étrangères est très attachée, consistant à faire de l'Institut français la tête de réseau de notre dispositif culturel à l'étranger, les choses avancent. Treize pays aux profils variés ont été retenus et l'expérimentation proprement dite devrait être mise en oeuvre concrètement le 1er janvier 2012 au plus tard, une fois achevée la nécessaire phase de préparation de cette innovation administrative, durant l'année 2011.

Monsieur le ministre, pouvez-vous dresser la liste des postes retenus et préciser le calendrier de l'expérimentation ? Incidemment, pouvez-vous nous dire si vous avez décidé de répondre favorablement à l'offre de la municipalité de Bilbao, qui propose les locaux nécessaires à la réouverture d'une implantation culturelle que la France avait fermée en 2007 ?

Pour les deux autres établissements publics à caractère industriel et commercial créés par la loi du 27 juillet dernier, en revanche, les choses sont un peu plus compliquées.

Le groupement d'intérêt public Campus France sera transformé rapidement en EPIC après fusion avec l'association Égide, mais ce regroupement s'effectue dans un contexte qui n'est pas, pour autant que j'aie pu en juger, des plus sereins. En effet, sans attendre la délibération du Parlement, le Gouvernement avait commencé à préfigurer, sur le plan administratif, le schéma proposé dans son projet de loi initial : le regroupement du GIP Campus France, de l'association Égide et du GIP France Coopération internationale.

L'Assemblée nationale ayant mis un peu plus de cohérence dans cette réforme, c'est heureusement un opérateur chargé de l'ensemble de la mobilité étudiante qui sera créé au 1er janvier prochain. Mais ce ne sera que le début d'une réforme, qui sera complétée, en principe avant le 31 décembre 2011, par l'intégration au nouvel EPIC des activités internationales du CNOUS, le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires.

Or ce périmètre de la réforme – s'il est le plus logique, et d'ailleurs salué comme tel dans un récent rapport de la Cour des comptes établi à la demande de la commission des finances du Sénat – suscite quelques inquiétudes.

Les quelque 40 agents de CampusFrance vont fusionner avec les quelque 200 salariés d'Égide, ce qui provoque des interrogations au sein du GIP CampusFrance. Pour sa part, Égide est dans une situation financière difficile et fait l'objet d'un plan de redressement. Enfin, les quarante fonctionnaires et les six contractuels de la sous-direction des affaires internationales du CNOUS considèrent que leur action n'est pas dissociable de celle des 71 CROUS qui, en région, s'occupent de l'accueil et du logement d'étudiants étrangers. Comment cette articulation s'opérera-t-elle dans le cadre de la réforme ? Le rapport gouvernemental, dont le Parlement, dans sa grande sagesse, a prévu qu'il soit remis avant la fin du mois de juin prochain, devra répondre à cette question.

Quant au nouvel EPIC France Expertise internationale, il nécessite moins de transformations administratives, puisque son périmètre ne change pas. Il reprend en les amplifiant les missions du GIP France Coopération internationale. En revanche, cet établissement public aura pour défi de devenir peut-être, à terme, le bras armé d'une politique plus cohérente. Là encore, la remise du rapport sur la réorganisation de la promotion internationale de l'expertise française, prévue pour la fin du mois de juin 2011, sera un jalon utile.

En conclusion, je veux dresser le constat très positif d'une préservation relative des crédits consacrés à la diplomatie culturelle et d'influence. C'est important dans le contexte actuel de grande tension sur nos finances publiques et de nécessaire redressement des comptes publics.

Mais cette préservation relative n'est qu'une stabilisation à un niveau déjà très bas d'intervention publique. C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous inviterai tout à l'heure à voter l'amendement de la commission des affaires étrangères destiné à encadrer la mesure de gratuité de l'enseignement français à l'étranger. Il n'est pas responsable, pour ne pas dire plus, de prétendre que nous avons aujourd'hui les moyens de financer cette mesure généreuse, car tel n'est pas le cas. Nous n'avons pas le droit de sacrifier d'autres priorités de notre diplomatie à une telle mesure.

Je suis tout à fait d'accord avec notre collègue Geneviève Colot pour reconnaître que, si la mesure était purement et simplement supprimée, les crédits correspondants seraient repris par le ministère du budget et non redéployés au profit de l'AEFE. C'est la raison pour laquelle l'amendement que j'ai déposé prévoit un redéploiement. Ainsi, tout le monde serait gagnant – dans le jargon sportif, on parle de gagnant-gagnant : le Quai d'Orsay, qui préserverait ses crédits, l'AEFE, qui bénéficierait d'un abondement pour son programme immobilier ; enfin, et surtout, le principe d'équité, auquel le groupe Nouveau Centre est particulièrement attaché.

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