Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu du temps très bref qui m'est imparti – mais Jean-François Mancel n'ayant pas utilisé la totalité de ses quinze minutes, je prendrai peut-être le temps qui lui restait (Sourires) –, je ne m'attarderai pas sur les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ». Je tiens toutefois, monsieur le ministre, comme l'a fait Jean-François Mancel et comme le feront certainement Geneviève Colot et François Rochebloine, à souligner les difficultés que rencontre l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, notamment pour financer l'aide à la scolarisation des enfants d'expatriés. Dans ce contexte, contenir et encadrer la prise en charge des frais de scolarité s'avère indispensable pour pérenniser le dispositif.
J'en viens à présent au thème de mon avis budgétaire, consacré cette année au Fonds Sud Cinéma.
« Le cinéma du Sud est ce lieu de liberté où les points de vue se croisent, s'interrogent et se répondent. […] Les appartenances culturelles, loin de mener au repli sur soi identitaire, s'ouvrent ici vers la générosité et la tolérance. […] Ce cinéma nous parle des mondes dans lesquels nous vivons. Il nous préserve des dérives de l'ignorance et du sectarisme. »
Ces phrases du cinéaste cambodgien Rithy Panh reflètent bien l'esprit dans lequel a été créé en 1984 le Fonds Sud Cinéma. En réaction contre la mondialisation de la création culturelle et la standardisation d'oeuvres destinées à un public de plus en plus large, la France a développé en effet à cette époque un ensemble d'instruments qui favorisent la diversité culturelle, sur son territoire et à l'étranger.
Le Fonds Sud est sans doute l'élément le plus caractéristique de ce dispositif unique au monde. Ce fonds d'aide à la production cinématographique, placé sous la double tutelle du ministère des affaires étrangères et du ministère de la culture par l'intermédiaire du Centre national du cinéma et de l'image animée, a fait émerger au fil des années nombre de courants et d'artistes talentueux, unis par la même conception d'un cinéma exigeant et indépendant.
Destiné initialement à l'Afrique, il concerne à présent quatre-vingt-seize pays d'Amérique latine, d'Europe centrale, du Proche-Orient et d'Asie. Ainsi, depuis la création du fonds, plus de quatre cents films, portés par trois cents cinéastes issus de soixante-dix pays, ont reçu une aide totale d'environ 50 millions d'euros.
Autant qu'un appui financier, le soutien du fonds, très sélectif, constitue une reconnaissance artistique. Sur les cent soixante projets examinés annuellement par une commission composée de professionnels du cinéma, seule une petite trentaine de scénarios reçoit finalement une aide.
Leur qualité est attestée par les récompenses obtenues régulièrement dans les festivals internationaux, l'exemple le plus récent étant la palme d'or attribuée en mai dernier au festival de Cannes au film thaïlandais Oncle Boonmee.
Le succès du Fonds Sud est d'autant plus remarquable que son budget, déjà trop modeste au départ, n'a que très peu évolué en vingt-six ans, alors que le nombre de pays éligibles s'accroissait. Son enveloppe, de 2,2 millions d'euros par an, est abondée à parité par les deux ministères de tutelle.
L'aide qu'apporte le Fonds Sud, bien que limitée, est cependant déterminante, parce qu'elle produit un effet de levier considérable et des retombées non négligeables pour notre pays.
Cette aide, qui concerne des projets dont le budget prévisionnel total est inférieur à 3 millions d'euros, représente en moyenne 15 % du coût définitif du film, mais la reconnaissance artistique que confère aux projets le label du Fonds Sud leur permet d'accéder à des financements complémentaires ainsi qu'à des réseaux de distribution, en France et à l'étranger.
Le soutien apporté par ce fonds profite également aux industries cinématographiques et aux laboratoires français, parce qu'une partie de l'aide doit être dépensée en France.
En vingt-six ans, cependant, l'économie du cinéma s'est profondément transformée et, si le fonds a su s'adapter aux évolutions de la production cinématographique, d'autres changements semblent à présent nécessaires.
La révision de la liste des pays éligibles constitue le premier d'entre eux, mais la difficulté réside dans le choix des critères de sélection.
De même, la création d'une commission de sélection dédiée aux premiers films est souhaitable. Elle instaurerait en effet entre les projets une concurrence plus juste que la procédure actuelle, qui place sur le même plan les premières oeuvres et celles présentées par des cinéastes plus expérimentés.
Il faudrait également doter le fonds de moyens spécifiquement destinés à sa communication, car malgré sa qualité le dispositif n'est pas suffisamment mis en valeur dans les grands festivals internationaux.
Il conviendrait enfin et surtout, monsieur le ministre, de donner au Fonds Sud un budget à la mesure de son succès et de l'intérêt qu'il présente pour le rayonnement culturel de notre pays.
Cet effort indispensable et attendu impose, dans le contexte budgétaire extrêmement contraint que nous connaissons, des arbitrages d'autant plus délicats que, le fonds étant abondé à parité par le ministère des affaires étrangères et par le ministère de la culture, l'augmentation ne peut s'effectuer que de manière paritaire. Si le ministre de la culture a souhaité publiquement en avril dernier une hausse des crédits, l'effort que pourrait fournir le ministère des affaires étrangères semble plus problématique. On ne peut que le déplorer, puisque, comme l'indiquait le réalisateur tchadien Mahamat Haroun, « face au cinéma dominant, celui des États-Unis, la France est, pour de nombreux cinéastes, le seul territoire qui demeure attentif à des regards autres. » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)