Monsieur le secrétaire d'État, le projet de loi de finances pour 2011 me fournit l'occasion de vous soumettre cinq observations.
La première est connue de tous : ce projet de budget s'inscrit dans un cadre extraordinairement contraint, tant sur le plan extérieur – la crise est mondiale – qu'intérieur. Or, dans ce cadre, et en dépit d'une perte de ressources considérable, l'État maintient ses dotations et ses concours aux collectivités territoriales. Ce n'est pas rien ! Peut-on, dès lors, parler d'un gel ? Quoi qu'il en soit, l'effort de l'État mérite d'être salué.
Deuxième observation : on ne peut pas imaginer, dans un tel contexte, que les collectivités territoriales, qui bénéficient du maintien de leurs dotations, s'exonèrent de l'effort de maîtrise de la dépense publique consenti par l'État. Ainsi, parce que nous sommes sur le même navire, quel que soit le compartiment où nous nous trouvons – régional, départemental, communal ou intercommunal –, nous serons tous contraints de choisir – puisque, selon la formule de Pierre Mendès France, « gouverner, c'est choisir » –, parmi les investissements, ceux qui sont le plus susceptibles de créer de la richesse demain.
En troisième observation, je rappellerai simplement que la part de la DGF consacrée à la péréquation est passée de 11,9 % en 2003 à 16,6 % en 2010, et continue à progresser. Ce choix, dans le cadre du maintien des crédits, atteste aussi du rôle éminent de l'État qui, même décentralisé, assure avant tout son devoir de péréquation. Ainsi, la dotation de solidarité rurale est passée de 420 millions d'euros en 2004 à 802 millions en 2010, progressant de 50 millions par an, et la dotation de solidarité urbaine est passée de 635 millions en 2004 à 1 milliard 234 millions en 2010, progressant de 77 millions d'euros.
L'écrêtement du complément de garantie permet de redéployer des ressources au sein de la DGF. Il sera modulé en fonction du potentiel fiscal des communes, ce qui protégera en particulier les plus petites d'entre elles.
Le projet de loi de finances fusionne la dotation globale d'équipement et la dotation de développement rural, en créant une nouvelle dotation d'équipement des territoires ruraux. Cette mesure apparemment technique devrait en simplifier la gestion et constitue une simplification.
Ma quatrième observation portera sur les conséquences à venir de la réforme de la taxe professionnelle. C'est un nouveau lien avec le territoire qui s'instaure du fait de la refonte des ressources des collectivités par le remplacement de la taxe professionnelle.
Je voudrais insister sur le fait que le couple – terme que je préfère à celui de bloc – formé par la commune et l'intercommunalité gardera une forte marge d'autonomie. La capacité de voter les taux portera sur 41 % des ressources, contre 48 % auparavant. Ce couple gardera de même toute la cotisation foncière des entreprises et 26,5 % de la nouvelle cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Rappelons-nous les débats que nous avions eus pour préserver ce principe fondamental : les intercommunalités et les communes accueillent les entreprises, il était donc essentiel qu'elles gardent une part significative de cette nouvelle cotisation sur la valeur ajoutée. Le couple commune et intercommunalité conserve également une part des impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux, la totalité de la taxe sur les surfaces commerciales, de la taxe d'habitation et de la taxe sur le foncier non bâti.
Malgré tout, les simulations effectuées montrent qu'il n'est pas facile de retrouver des compensations satisfaisantes pour les communes ou les intercommunalités qui accueillaient des entreprises ayant des amortissements lourds et payant des charges très importantes. Le lien entre industries et collectivités territoriales doit absolument être sauvegardé et encouragé dans le cadre d'une politique industrielle plus générale. Je n'ignore pas la difficulté de l'exercice, mais je tiens à souligner notre confiance dans les travaux effectués par le ministère.
En ce qui concerne le processus, je n'ai pas d'objection à ce qu'un délai d'une année garantisse les ressources et laisse le temps d'effectuer toutes les simulations, permettant d'éviter les erreurs qui pourraient survenir du fait d'une précipitation de mauvais aloi. 2010 sera donc une année de garantie et d'études, et 2011 pourra permettre de revoir le lien fiscal entre État et collectivités territoriales.
Ma cinquième observation portera non seulement sur la péréquation, mais aussi sur l'effort qualitatif que vous avez su impulser dans ce domaine. Il aurait été possible de se contenter d'une péréquation verticale, qui irait de l'État vers les collectivités. C'est ce qu'il y a de plus facile à réclamer pour les élus locaux, qui attendent tout de l'État, y compris quand ce dernier n'a plus rien à donner. De telles proclamations ne sont plus raisonnables. C'est bien entre les collectivités territoriales qu'il faudra renforcer la péréquation dans les années qui viennent. C'est un devoir de solidarité entre les collectivités que j'appelle de mes voeux. La possibilité de partage de l'accroissement des droits de mutation que vient d'évoquer M. Laffineur va dans ce sens. Nous ne pourrons pas laisser les écarts se creuser entre les collectivités. Ce devoir de solidarité et de péréquation dite horizontale doit au moins égaler la péréquation verticale.
En conclusion, je voudrais vous dire, monsieur le secrétaire d'État, que vous nous présentez un budget rigoureux – j'insiste sur le terme –, c'est-à-dire sérieux et courageux, à votre image. Je me permets à cette occasion de souhaiter la continuation de votre bon rétablissement.