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Intervention de Manuel Aeschlimann

Réunion du 5 novembre 2010 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Relations avec les collectivités territoriales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaManuel Aeschlimann, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en 2010, le déficit des finances publiques françaises devrait atteindre 7,7 % du produit intérieur brut. Face à cette situation, conséquence de la crise économique et sociale que traverse notre pays depuis deux ans, les collectivités territoriales sont appelées à fournir un effort supplémentaire en vue du nécessaire redressement des finances publiques.

Ainsi, en 2011, les dotations de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » seront gelées au niveau fixé par la loi de finances pour 2010 à un montant de 2,55 milliards d'euros. Les autres concours de l'État, qui comportent essentiellement des prélèvements sur recettes, ne progresseront quant à eux que de 12 millions d'euros, pour atteindre 49,15 milliards d'euros. D'une manière générale, le gel de l'enveloppe normée conduira l'effort financier de l'État en faveur des collectivités territoriales à baisser en valeur à due proportion de l'inflation prévue en 2011, soit 1,5 %. Cependant, les collectivités territoriales n'ont pas forcément accueilli favorablement l'argument selon lequel elles se voient appliquer la même norme « zéro valeur » que celle prévue pour les dépenses de l'État. En effet, l'application de cette mesure aux collectivités territoriales pourrait s'avérer en soi en contradiction avec le principe de leur libre administration, d'autant qu'est soulevée de manière insistante la question des compensations financières liées aux transferts de compétences.

Il convient de rappeler ici que, depuis 2008, la norme d'évolution des principaux concours financiers versés aux collectivités territoriales correspondait à l'inflation prévisionnelle et était organisée selon une démarche qui prenait en compte la situation réelle des collectivités territoriales. L'aggravation de la situation des finances publiques conduit le Gouvernement à proposer l'abandon d'une telle norme de progression. Comme le Président de la République l'a annoncé lors de la conférence sur le déficit public du 21 mai 2010, les collectivités territoriales devront participer à l'effort demandé à toutes les administrations publiques.

J'ai noté avec satisfaction que le périmètre retenu pour définir cette enveloppe normée est plutôt favorable aux collectivités locales. En effet, comme les élus l'avaient demandé au Gouvernement les années précédentes, sont exclus de cette enveloppe le fonds de compensation de la TVA – dont l'importance a augmenté ces deux dernières années dans le cadre du plan de relance de l'économie –, ainsi que le produit des amendes, ressource qui est appelée à être plus dynamique avec la mise en oeuvre du procès-verbal électronique et la revalorisation de certaines amendes.

Dans le cadre de la stabilisation des différentes dotations budgétaires, je me félicite que le Gouvernement ait pris l'initiative de dégager des marges de manoeuvre au profit de la péréquation, qu'il s'agisse de la péréquation verticale – en revalorisant la dotation de solidarité urbaine de 50 millions d'euros, la dotation de développement urbain de 77 millions d'euros, soit une progression de 6 %, et la dotation de solidarité rurale – ou de la péréquation horizontale, en réformant les dispositifs de péréquation de la cotisation sur la croissance du produit de la valeur ajoutée des entreprises et des droits de mutation, en rénovant le calcul du potentiel fiscal et en fixant un objectif chiffré de péréquation à l'horizon 2015, correspondant à 2 % des recettes fiscales des communes et des EPCI.

L'année 2011 sera un tournant pour les finances locales, puisque, pour la première fois, les collectivités et leurs groupements percevront directement le produit de la contribution économique territoriale. Des transferts et mécanismes de péréquation garantiront le maintien des ressources pour chaque collectivité et intercommunalité la première année de la réforme. Celle-ci s'accompagnera d'une spécialisation accrue de la fiscalité directe locale, la taxe d'habitation, la part foncière de la cotisation foncière des entreprises et de la taxe foncière sur les propriétés non bâties étant notamment exclusivement affectées aux communes et aux intercommunalités.

En tant qu'élu d'une commune de banlieue, je me félicite que le Gouvernement ait décidé d'engager en 2011 la réforme des valeurs locatives cadastrales, en commençant par celles des locaux commerciaux. Je rappelle en effet que la loi du 30 juillet 1990 avait permis d'envisager une refonte du système, notamment en asseyant une partie de la taxe d'habitation sur le revenu. Cette réforme aurait eu pour conséquence une redistribution des impositions au bénéfice des logements HLM. Hélas, faute de la volonté politique d'assumer ces transferts, ces travaux sont restés lettre morte, de même que la mise en oeuvre de la taxe départementale assise sur le revenu a été suspendue par la loi du 16 juillet 1992. Pourtant, une telle réforme permettrait de restaurer l'équité entre contribuables et entre collectivités territoriales. Votre rapporteur pour avis espère donc que la date de sa mise en oeuvre, en 2014, pourra être respectée.

Par ailleurs, l'annonce de la neutralisation de l'impact du transfert de la part départementale de la taxe d'habitation aux communes est d'autant plus importante que l'étatisation de la fiscalité locale est devenue complexe, en raison essentiellement des abattements et exonérations qui conduisent l'État à devenir le premier contributeur local, afin d'alléger le poids de l'impôt local pour le contribuable.

Toutefois, la situation budgétaire des collectivités territoriales sera de plus en plus tendue à cause de la crise, qui oblige à développer les dépenses d'intervention alors que les rentrées fiscales marquent le pas et que la compensation financière des transferts de compétences fait l'objet de critiques, notamment de la part de la Cour des comptes. Néanmoins, la situation est très différente selon le niveau de collectivité. Dans le bloc communal, par exemple, les dépenses des groupements continuent à progresser et les marges de manoeuvre semblent préservées. En revanche, les départements doivent faire face à une équation plus complexe et à une situation de « crise des ciseaux », leurs dépenses sociales étant nettement plus dynamiques que leurs recettes. Ainsi, lors de l'examen de vos crédits par la commission des lois, monsieur le secrétaire d'État, vous avez annoncé qu'une mission d'appui, chargée d'aider les départements en situation d'urgence financière, était mise en place.

La question de la maîtrise des dépenses locales sera plus que jamais d'actualité en 2011. Un groupe de travail, coprésidé par MM. Gilles Carrez et Michel Thénault, a rendu en mai 2010 un rapport sur la maîtrise des dépenses locales. Il en ressort que celles-ci ont fortement augmenté, mais que seuls 60 % de cette hausse sont directement imputables aux transferts de compétences. J'ajoute qu'à l'occasion de la conférence des déficits publics du 20 mai 2010 le Gouvernement a annoncé l'étude d'un dispositif de modulation des dotations selon des critères de bonne gestion.

Enfin, et ce sera le dernier point de mon intervention, je me félicite, en tant que rapporteur pour avis, de la mise en oeuvre, par une circulaire du Premier ministre en date du 6 juillet dernier, d'un moratoire sur l'adoption de nouvelles normes réglementaires concernant les collectivités territoriales et leurs groupements. En deux ans, la Commission consultative d'évaluation des normes a en effet examiné 337 projets de textes réglementaires, qui ont engendré un coût net de 447 millions d'euros. Il reste à la Commission consultative d'évaluation des normes à examiner le stock, avant d'engager une révision générale de ses normes. À ce propos, je vous proposerai, monsieur le secrétaire d'État, de rendre la saisine de la CCEN obligatoire pour les projets de loi et ses avis obligatoirement conformes, afin d'assurer les collectivités territoriales de l'engagement réel de l'État dans cette démarche.

Mes chers collègues, dans un contexte de redressement des finances publiques, le projet de budget qui nous est soumis permettra globalement, au prix d'un effort important des collectivités territoriales, de reconduire en 2011 les concours financiers accordés par l'État aux collectivités locales – qui se voient ainsi contraintes de participer au retour à l'équilibre budgétaire global –, sans négliger la solidarité entre ces collectivités. C'est pourquoi je vous invite, au nom de la commission des lois, à adopter les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » pour 2011. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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