Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Annick Girardin

Réunion du 4 novembre 2010 à 9h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Culture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnick Girardin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme plusieurs de mes collègues ont eu l'occasion de le souligner avant moi, la reconduction pour 2011 des crédits de la culture et de la communication de 2010 passerait presque pour une éclaircie dans le sombre portrait de coupes franches dans les moyens d'intervention de l'État qui caractérise le projet de loi de finances soumis à notre examen.

En dépit des déclarations de la communication gouvernementale, fort à propos, me direz-vous sans doute, pour un ministre de la communication, il s'agit en effet d'une simple reconduction puisque, si les autorisations d'engagement affichent une hausse appréciable, celle-ci est contrecarrée par une baisse des crédits de paiement, hors fonds de concours.

Si l'on regarde les seuls crédits de la culture, donc hors crédits de la communication, la hausse n'est que de 1,1 % pour 2011, soit moins que l'inflation prévue. Les objectifs culturels qui constituent le coeur de cette mission subissent donc une baisse de l'effort réel de l'État en matière culturelle.

De surcroît, les modifications dans la structure de la mission « Culture » entre 2010 et 2011 posent un double problème.

D'une part, bien évidemment, elles rendent la lecture de ce budget impossible sur certains points. Comment voulez-vous que la représentation nationale se prononce sur l'enjeu essentiel des moyens humains consacrés aux différents volets de la politique culturelle si vous fondez les masses salariales des programmes « Patrimoines », « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » avec des crédits de personnel de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ?

D'autre part, elles traduisent un biais idéologique et une volonté politique marqués. En effet, le transfert des crédits des actions « Livre et lecture » vers la mission « Médias, livre et industries culturelles » traduit, ou trahit, nécessairement un parti pris quant à la politique culturelle et à ses priorités. La Bibliothèque nationale de France doit-elle désormais se considérer comme une industrie culturelle ? Que devient le service public dans ces conditions ?

Enfin, au sein des programmes composant cette mission, l'on constate que, si le programme « Patrimoines » parvient à maintenir ses crédits par rapport à l'inflation, ce n'est qu'au prix d'une baisse réelle de l'effort de l'État en faveur de la création culturelle et, surtout, d'une nouvelle chute du financement du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », c'est-à-dire de la culture pour tous et pour chacun. (« Absolument ! », sur les bancs du groupe SRC.)

L'on assiste notamment à une chute des crédits de l'éducation artistique et culturelle de 2 millions d'euros en brut, à un désengagement continu de l'État et à un report de ces dépenses sur les collectivités territoriales.

Sont inscrits 1,4 million d'euros au titre de l'Agence de l'outre-mer et de l'Année de l'outre-mer.

Il faut espérer que cette Agence nationale de promotion des cultures d'outre-mer s'emploiera bien à promouvoir toute la richesse culturelle et artistique des outre-mer, tous les outre-mer. En effet, même les petites collectivités comme Saint-Pierre-et-Miquelon ont beaucoup à offrir à la conscience nationale en la matière. Il me semble essentiel de présenter toute la diversité et la complexité de la culture des outre-mer pour que l'on arrive à se sortir du risque de perpétuation des stéréotypes malheureux dont a trop longtemps souffert l'outre-mer.

Quant à l'Année de l'outre-mer, en 2011, nous n'avons toujours aucune lisibilité sur son organisation et ses modalités. Là encore, tous les outre-mer, y compris Saint-Pierre-et-Miquelon, doivent y trouver toute leur place. Cet état de flou artistique est particulièrement inquiétant en cette fin de 2010, à la veille du démarrage prévu de l'événement.

Les Radicaux de gauche sont loin d'estimer que l'action menée par ce gouvernement soit suffisante. En effet, monsieur le ministre, ce n'est pas à vous que j'apprendrai qu'il n'y a pas de projet de société sans projet culturel. Ainsi, nous estimons que le moment est venu d'élaborer un grand projet d'éducation culturelle, un véritable partenariat associant l'État, l'éducation nationale, les collectivités territoriales et locales ainsi que les acteurs publics et privés de la présence culturelle.

Cela passe tout d'abord par une nouvelle politique d'éducation artistique, fondée sur l'égalité des chances et axée autour de la généralisation à l'ensemble des enfants de tous les territoires de pratiques culturelles.

Pour les Radicaux de gauche, il est également urgent de créer, en France comme au niveau européen, un statut de l'artiste professionnel, qui lui redonne sa place dans la société. Il est nécessaire de reconsidérer le statut de l'intermittent du spectacle ainsi que celui des artistes plasticiens, des écrivains, des poètes, ou encore des conteurs.

Enfin, pour assurer l'avenir culturel de la France, il est essentiel de défendre la diversité culturelle et la création indépendante, en venant en aide aux artistes indépendants pour favoriser l'émergence de jeunes talents à travers la création d'un statut de l'artiste producteur. La revalorisation des industries culturelles indépendantes, créatrices d'emplois, passe par le soutien aux projets de pépinières d'entreprises culturelles indépendantes, leur permettant entre autres d'accéder à des locaux à loyers modérés, de nouer des partenariats et de mutualiser des services, ou encore par la création de coopératives d'indépendants pour négocier des avantages tarifaires en vue de la promotion et de la diffusion des oeuvres.

Les Radicaux de gauche affirment enfin qu'il faut repenser l'économie culturelle et tout particulièrement l'économie de l'internet, en intégrant dans l'abonnement des internautes un forfait rémunérant la création culturelle, ce que d'autres appellent la licence globale.

Force est malheureusement de constater que nous sommes très loin dans ce budget 2011 de ce grand projet d'éducation culturelle.

Concernant plus particulièrement Saint-Pierre-et-Miquelon, je reconnais volontiers que vous avez bien voulu, ces derniers mois, prêter une oreille attentive à nos projets, notamment dans le cadre de la protection du patrimoine historique de l'archipel.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion