Il y a là un choix.
Pensez une minute à ce qu'aurait apporté à notre pays l'affectation de 3 milliards supplémentaires à la culture : des initiatives nouvelles seraient venues ouvrir des horizons à notre jeunesse et des emplois auraient été créés en nombre beaucoup plus important que ceux recensés dans la restauration. Il y a là un sentiment d'injustice profond.
La dérégulation se manifeste par l'application systématique et aveugle du principe de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Dans les équipements comme les musées, le spectacle vivant et divers opérateurs, c'est la roulette russe ? surtout lorsque la démographie d'un établissement peut le priver de son encadrement en trois ou quatre ans.
Cette politique aveugle, fille de la RGPP, met en branle un mécanisme de dérégulation, qui entraîne une délégitimation des actions, traitées comme autant de marchandises interchangeables, sans aspérités. S'ensuit une perte de sens pour les acteurs qui font vivre ces actions. La dérégulation apporte avec elle la délégitimation et partant la désymbolisation : tout se vaut, de la belote à l'opéra, du tarot à la peinture de Claude Monet.
La réification de notre culture est en marche, malgré vous, monsieur le ministre. Vous en êtes le spectateur alors que l'on souhaiterait que vous en soyez le pourfendeur.
L'instant peut-il s'affranchir de l'avenir ?
L'acceptation stricte et aveugle de principes dévitalise une action, fût-elle noble. Si le Louvre trouve des crédits supplémentaires, ne pourrait-il pas recruter les personnels nécessaires à l'ouverture de nouvelles salles au lieu d'appliquer bêtement la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire partant à la retraite ?
Que faites-vous de la responsabilité ? Que faites-vous de l'initiative ?
La bureaucratisation aveugle pointe son nez et, en des temps pas si lointains, nous avons pu en mesurer les résultats dans d'autres contrées.
Il ne suffit pas de gérer l'héritage en bon père de famille, il faut construire l'espoir de demain. Ressaisissez-vous et portez plus haut encore les ambitions de notre pays pour sa culture, monsieur le ministre !
Nous ne pouvons nous satisfaire d'un budget frileux, replié sur lui-même, dont le seul avantage serait d'être moins mauvais que d'autres. Sa légitimité se trouve concurrencée par une initiative malencontreuse : le Conseil de la création artistique. Ce conseil sape votre crédibilité et les bases mêmes de la construction de votre budget.
Pour vous, une action corsetée et là-bas, pour l'autre, l'ivresse que procure un portefeuille bien rempli. Comment pouvez-vous expliquer qu'une seule action, aussi intéressante et intelligemment menée soit-elle, l'orchestre de 450 jeunes, coûte à elle seule la bagatelle de 2 millions d'euros ?
À côté de cela, vous laissez les crédits pour l'éducation artistique et culturelle baisser inexorablement depuis dix ans que vous êtes au pouvoir.