Monsieur Rogemont, je savais pouvoir compter sur votre soutien.
Aussi me contenterai-je d'aborder rapidement la question par le prisme du seul programme « Patrimoines ».
Celui-ci se trouve réduit du fait du transfert de l'intégralité des crédits consacrés aux patrimoines écrit et cinématographique au programme 180 « Presse, livre et industries culturelles » de la mission « Médias, livres et industries culturelles » ; du transfert d'une partie des crédits de l'action n° 08 « Acquisition et enrichissement des collections publiques » au même programme 180 ; du regroupement des crédits de masse salariale des trois programmes de la mission « Culture » au sein du seul programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».
En revanche, les moyens consacrés à l'archéologie se voient facialement renforcés du fait d'un transfert en provenance du programme 186 « Recherche culturelle et scientifique » de la mission « Recherche et enseignement supérieur. »
Au total, on ne peut que regretter ce changement d'architecture budgétaire, de telles modifications ne facilitant ni la lisibilité budgétaire ni le suivi des crédits. Or vous savez à quel point nous sommes attachés, dans nos commissions, à une bonne lisibilité des budgets et au fait que nous puissions suivre et bien contrôler les crédits que vous arbitrez au sein du ministère.
Je rappelle que le budget a vocation à offrir une vue fidèle des politiques publiques. Or, si les mots ont un sens – et vous avez démontré hier lors des questions au Gouvernement qu'ils en avaient un –, la politique du livre et de la lecture, ainsi que les relations de l'État avec les industries culturelles relèvent de la mission « Culture » et non de la mission « Médias ».
Richard Dell'Agnola et moi-même avions proposé à la commission des finances de voter une observation à ce sujet. Celle-ci nous a suivis, à l'unanimité de ses membres. J'ose donc espérer, monsieur le ministre, que nous reviendrons dans les meilleurs délais à une architecture budgétaire plus conforme à l'esprit et à la lettre de la loi organique relative aux lois de finances.
Toutefois, au-delà de ce motif d'interrogation, des motifs de satisfaction – bien plus nombreux – sont à trouver pour les patrimoines dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011.
Celui-ci propose en effet de doter le programme « Patrimoines » de 843,33 millions d'euros en autorisations d'engagement et 868,27 millions d'euros en crédits de paiement. Ces montants témoignent d'une augmentation respective de 10,79 % et de 1,44 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2010, après retraitement de celle-ci eu égard aux modifications de périmètre précitées.
Les crédits relatifs aux patrimoines sont donc sanctuarisés, la croissance des autorisations d'engagement permettant la poursuite des projets d'investissement tandis que les crédits de paiement seraient stabilisés, avec l'hypothèse d'une inflation à 1,5 % l'an prochain.
La ventilation des crédits sur les actions les plus emblématiques et les plus importantes en termes de masses financières laisse apparaître les évolutions suivantes : les crédits consacrés au patrimoine monumental représentent plus de 44 % de l'ensemble des crédits du programme. Pour 2011, ils devraient connaître une hausse substantielle de 11,25 % en autorisations d'engagement, à 375 millions d'euros, mais une diminution de 3,34 % en crédits de paiement, à 379 millions d'euros.
Je rappelle que le taux de déconcentration de ces crédits est très important, globalement supérieur à 60 %. Cela témoigne de la poursuite de l'effort des pouvoirs publics en faveur du patrimoine monumental de nos territoires et d'un soutien fort à la vie culturelle locale. Cette mesure sera de nature à rassurer celles et ceux qui, dans les collectivités locales, pourraient douter de la volonté du ministère de poursuivre ces efforts.
Au sein de cette enveloppe, les moyens consacrés aux grands projets permettraient de poursuivre plusieurs opérations d'importance, et notamment : le schéma directeur d'investissement du château et du domaine national de Versailles ; les travaux sur le quadrilatère Richelieu de la Bibliothèque nationale de France ; la restauration du fort Saint-Jean dans le cadre de la création du musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée ; enfin la rénovation de l'hôtel Salé, monument classé qui abrite le musée Picasso, nouvel établissement public muséal du ministère.
Je précise par ailleurs qu'au sein de l'enveloppe consacrée au patrimoine monumental, 10 millions d'euros proviendront du prélèvement sur les jeux de cercle et en ligne et seront affectés au Centre des monuments nationaux afin de soutenir la programmation des travaux de restauration à la charge de l'établissement. Vous savez que le CMN a de nombreux projets et travaux à réaliser en ce sens.
Je rappelle que ce prélèvement a été institué par la loi du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne. C'est une bonne idée, dont j'espère qu'elle sera pérenne. Le secteur des jeux en ligne, depuis l'ouverture de cette possibilité légale, a démontré toute son intelligence, et une partie des produits importants qu'il génère revient au patrimoine.
Les crédits consacrés au patrimoine des musées représentent le volet le plus important du programme en termes financiers, concentrant plus de 46 % des crédits de celui-ci : 392,26 millions d'euros en autorisations d'engagement et 371,6 millions d'euros en crédits de paiement. Ces dotations connaissent une croissance importante de 13,3 % en autorisations d'engagement et de 7,4 % en crédits de paiement. Cela démontre, monsieur le ministre, que vous avez bien négocié votre budget.
Ces dotations permettraient notamment la poursuite de projets emblématiques, telle la création du MuCEM, avec le financement de la part de l'État relative à la construction du bâtiment dit Ricciotti.
Néanmoins, les opérateurs museaux prennent toute leur part dans l'effort de maîtrise de la dépense publique. Ainsi, les dotations de fonctionnement allouées aux établissements publics hors RMN diminueraient en moyenne de 3 %, tandis que serait appliquée la règle de non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux.
Par ailleurs, et je tiens à le souligner, le secteur muséal continue de se moderniser. Dans ce cadre, la création de nouveaux établissements publics muséaux se poursuit, ce dont je me réjouis. En effet, la mission d'évaluation et de contrôle à laquelle j'avais participé avec nos collègues Richard Dell'Agnola et Marcel Rogemont avait fait de l'extension du statut d'établissement public le coeur de ses propositions.
La MEC a également été suivie sur d'autres points. Notamment, conformément à ses préconisations, le musée du Louvre a développé, via la mise en place d'une comptabilité analytique, de nouveaux outils lui permettant de mieux piloter son budget.
Au-delà de ces considérations techniques, je tiens, monsieur le ministre, à saluer l'initiative que vous avez lancée et qui me semble à la fois intéressante et utile : le plan musées en régions 2011-2013, qui doit apporter un soutien important aux musées de France présents sur nos territoires et devrait se traduire par une mobilisation de quelques 70 millions d'euros sur la période à destination des musées territoriaux et des petits musées nationaux. L'État doit participer à cette initiative à hauteur de 20 % environ, les collectivités territoriales finançant les projets à hauteur de 80 % via des subventions.
Monsieur le ministre, ma question est la suivante : suite à la crise économique et financière dont nos collectivités ont également eu à subir les effets, ce taux de participation local pourra-t-il être effectivement tenu ? Dans le cas contraire, qu'adviendrait-il des projets concernés ?
Par ailleurs, d'autres initiatives ambitieuses sont à l'étude, dont la fusion entre la Réunion des musées nationaux et le Grand Palais, qui pourrait produire des synergies intéressantes entre ces deux établissements complémentaires et faire émerger un grand opérateur culturel de rang international.
À ce titre, je souhaite vous poser deux questions : quel est le calendrier retenu pour mener à bien ce rapprochement ? Quel en serait le coût ? Car il est certain que des investissements devront être consentis à cet effet. Comme vous le savez, le Grand-Palais accueille une magnifique exposition, l'exposition Monet, et celles et ceux qui ont pu la voir ont pu mesurer à quel point des travaux importants devront être faits au sein de ce magnifique établissement.
Je souhaite également dire quelques mots sur la création de la Maison de l'histoire de France. Plusieurs personnalités, des universitaires notamment – je pense, entre autres, au grand historien Jacques Le Goff –, ont fait état de leurs interrogations à l'égard de ce projet. J'ai également lu vos déclarations concernant cet important projet. Monsieur le ministre, avez-vous eu l'occasion de rencontrer les représentants du monde universitaire afin d'apaiser les craintes quant à la mise en scène d'une histoire de France officielle, trop franco-centrée, potentiellement manichéenne et imperméable à la critique ? Il serait utile que vous puissiez nous apporter ce matin de manière officielle un certain nombre d'éléments de réponse de nature à apaiser cette polémique.
Au total, le secteur muséal est en mouvement constant. Loin d'être figé, il se modernise, s'adapte aux nouveaux publics, aux nouvelles demandes culturelles, aux nouvelles exigences de la gestion publique, il suscite le débat, et c'est heureux.
Mais s'il est un domaine au sein duquel des améliorations et des adaptations restent possibles, c'est celui des ressources humaines.
Dans le cadre de mes activités de contrôle, j'ai pu échanger avec des cadres et des personnels dévoués ainsi que des représentants syndicaux, tous attachés au service public muséal et à la qualité du service rendu aux visiteurs, français comme étrangers.
En effet, au-delà des oeuvres, de leur richesse et de leur diversité, ce sont les hommes et les femmes de nos musées qui font vivre la politique culturelle menée en ce domaine. Ce secteur, qui contribue au rayonnement de la France bien au-delà des frontières hexagonales, mérite le meilleur en matière de gestion des ressources humaines afin de concilier qualité de service, efficience et épanouissement des personnels, dans le respect des principes de bonne gestion.
Or j'ai pu constater l'extrême diversité des modes de gestion actuellement en vigueur. Ainsi, l'éventail des possibles est large avec, par exemple, le Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou, dont l'ensemble des fonctions, de celles qui forment le coeur du service public muséal aux simples fonctions annexes, sont gérées en interne. J'ai même constaté que le Centre bénéficiait de son propre corps de pompiers. Je ne savais pas que l'on avait besoin de pompiers en interne, je crois que les pompiers professionnels exercent leurs talents dans de nombreuses villes et de nombreux établissements publics. Cette particularité que je vous livre montre à quel point la réflexion que nous devons avoir sur ces établissements doit les amener à moderniser la gestion de leurs ressources humaines.
D'un autre coté, le musée du Quai Branly a fait le choix de recourir à un prestataire extérieur pour la gestion de nombreuses fonctions via un contrat multiservices couvrant des domaines variés : propreté, hygiène, signalétique, accueil, réservations, sûreté, surveillance ou encore sécurité incendie.
Sans a priori en faveur ou en défaveur de l'une ou l'autre de ces options, je suis conscient qu'il n'existe sans doute pas de solution unique applicable indifféremment à l'ensemble des musées. Il n'y a donc pas de possibilité – c'est peut-être malheureux, mais c'est ainsi – de faire du « copier-coller » pour ce qui se passe à Branly, Beaubourg, Orsay ou ailleurs.
Toutefois, j'estime nécessaire de dresser un bilan des divers modes de gestion des ressources humaines au sein des établissements publics muséaux nationaux dans une perspective comparative qui permettra d'analyser les avantages et les limites respectives de chacun d'entre eux, et d'identifier les modes de gestion les plus à même de garantir le meilleur service au meilleur coût, dans le respect des personnels. Je défendrai donc un amendement, adopté par la commission des finances, demandant un état des lieux en ce domaine. Je sais qu'il y en a d'autres, je compte sur vous, monsieur Rogemont, pour le soutenir.
Je reste en tout état de cause convaincu qu'une amélioration de la gestion des ressources humaines passe par une plus grande autonomie accordée aux établissements publics muséaux. Renforcée, cette autonomie doit être aujourd'hui réelle. Il convient en particulier que la pleine responsabilité de cette gestion relève des directions des établissements publics et que celles-ci ne soient pas dessaisies par leur ministère de tutelle, notamment en cas de conflit social.
Un dernier motif de satisfaction en guise de conclusion. Je ne peux que me réjouir de voir aboutir ma demande tendant à l'enrichissement du volet « opérateurs » au sein des documents budgétaires. En effet, pendant plusieurs années, j'avais déploré le fait que seuls cinq opérateurs fissent l'objet d'une présentation détaillée ; les autres, et non des moindres, étant tout simplement absents des projets annuels de performances. Parmi les oubliés de ces PAP figuraient ainsi Versailles, le musée d'Orsay, le musée du Quai Branly ou la RMN. L'oubli est dorénavant réparé, ce dont je vous remercie, monsieur le ministre. Je souhaite également remercier vos collaborateurs et indiquer que je donne, au nom de la commission, un avis favorable à la partie patrimoines de votre budget.