Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je n'ai pas l'intention de commenter le projet de budget que vous nous présentez. Il me semble en effet que, compte tenu des contraintes qui sont les vôtres, nos populations n'ont finalement pas à se plaindre des engagements renouvelés de l'État.
Mais je souhaite profiter de ce moment pour vous sensibiliser à nouveau à la situation budgétaire inédite de la province Sud en Nouvelle-Calédonie. Rassurez-vous, c'est la dernière fois que je le ferai.
Vous connaissez la donne. En 1988, lors de la signature des accords de Matignon, trois collectivités nouvelles ont été créées en Nouvelle-Calédonie, dotées d'une assemblée élue, d'un exécutif et d'un budget propre.
Il s'agit des trois provinces auxquelles le législateur reconnaît l'exercice des compétences de droit commun, mais pas l'autonomie fiscale, puisque les recettes fiscales collectées sur la totalité du territoire sont redistribuées dans chaque province suivant une clef de répartition inégalitaire, au nom du partage et du rééquilibrage.
C'est ainsi que la province Sud qui, en 1988, comptait sur son territoire un peu plus de 60 % de la population, reçut 50 % des recettes fiscales, quand la province Nord en percevait 32 % et la province des Îles 18 %. Or, comme vous le savez, la province Sud génère plus de 90 % de la matière fiscale. Toutefois, cette répartition avait un sens, puisqu'il s'agissait d'organiser le rééquilibrage et de permettre à la province Nord et à la province des Îles de parvenir dans les meilleurs délais au niveau moyen de développement de la province Sud.
Mais que constatons-nous vingt-deux ans après ? La province Sud héberge maintenant 75 % de la population et reçoit toujours 50 % des recettes fiscales. Surtout, plus de 60 % de ses dépenses sont consacrées à la santé, à l'enseignement et aux interventions sociales, c'est-à-dire à des dépenses directement liées à l'explosion démographique dans cette province.
Ainsi, notre impasse budgétaire pour l'exercice 2011 s'élève à 50 millions d'euros, alors que la province des Îles a épargné durant la période 50 millions d'euros et la province Nord quelque 220 millions d'euros, dont la moitié sont placés en bons du trésor, alors que leur population continue de diminuer.
Comprenez-moi bien : je ne porte aucun jugement sur la manière dont la province Nord et la province des Îles font usage des moyens dont elles disposent, mais je suis obligé de poser la question suivante : est-ce que la répartition inégalitaire que nous avons acceptée en 1988 était faite pour cela ? Était-ce sa vocation ?
Je sais, madame la ministre, que vous vous garderez bien de répondre à ces questions et que vous me renverrez à la loi organique, qui dispose que cette clef de répartition peut être modifiée à la majorité qualifiée du Congrès de la Nouvelle-Calédonie.
Mais vous savez aussi qu'il s'agit d'un problème politique et je n'ai pas envie, pour ma part, d'ouvrir ce débat maintenant, après avoir accompli le geste solennel de reconnaissance mutuelle que fut la levée, côte à côte, du drapeau bleu, blanc, rouge et de l'emblème identitaire kanak. Car je suis conscient que quelques-uns de nos adversaires irréductibles n'attendent que cela pour remettre en cause la feuille de route que nous avons patiemment élaborée, et validée lors du comité des signataires de juin dernier.
En conséquence, pour présenter un budget en équilibre, je n'aurai d'autre choix que de prendre des décisions lourdes, qui pourront être durement ressenties par les populations originaires de la province Sud, qui ne les méritent pas.
Mais permettez-moi de vous dire que ce sujet aurait pu être traité autrement, si en temps utile l'État s'y était intéressé au lieu de feindre l'ignorer.
En effet, je vous rappelle que l'État est signataire, partenaire des accords avec nous et qu'à ce titre chacune des parties – en l'occurrence celle que je représente – a droit à autant de considération que les autres.
Alors, puisque vous ne pouvez pas intervenir dans l'équilibre budgétaire de la province, que pourriez-vous faire ? À l'heure où nous négocions la nouvelle génération des contrats de développement, il me semble que l'État pourrait retenir une répartition plus équitable des enveloppes allouées respectivement aux trois provinces.
Au cours des dix dernières années, la part de l'État dans ces contrats s'est élevée à près de 500 millions d'euros, dont seulement 30 % ont bénéficié à la province Sud. Il semblerait plus acceptable que l'enveloppe allouée aux provinces soit établie sur la base de celle qui est prévue dans la loi organique pour la répartition des ressources fiscales calédoniennes, soit 50 % pour la province Sud, 32 % pour la province Nord et 18 % pour la province des Îles.
Cette répartition, je tiens à le signaler, resterait très largement favorable aux provinces du Nord et des Îles. Mais elle permettrait néanmoins à la province Sud de disposer d'une enveloppe de financement plus importante, pour satisfaire à son programme pluriannuel d'équipement et fournir l'effort conséquent qu'elle doit accomplir notamment dans la construction de logements sociaux et dans le développement de ses infrastructures routières.
En conséquence, mon vote dépendra de la réponse que vous serez susceptible de m'apporter, car je considère que l'État a sa part de responsabilité dans la situation que je viens de vous exposer. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)